Hommage à feu Preeaysunkur Rosunee, ancien inspecteur des écoles primaires

Un an déjà…

Un enfant laboureur qui termine sa carrière comme Deputy Head Teacher !

Ce 19 août restera à jamais ancré dans nos pensées puisque cette date marque ton départ de ce monde. Le temps passe mais la douleur et le poids de ton absence se font sentir sans cesse. Tu es parti mais tu as laissé beaucoup de mémoires qui t’honorent toujours. L’une d’elles se révèle être une lettre écrite par un de tes anciens élèves des années cinquante et qui te décerne tous les honneurs d’un enseignant de cette époque. Il n’y a rien de plus opportun que de valoriser certaines parties de cette lettre pour te rendre un vibrant hommage après une année !

« Mon cher Monsieur Rosunee,

Grand est le plaisir avec lequel je vous exprime ma gratitude. Vous méritez aussi mes remerciements les plus distingués d’avoir fait preuve d’une générosité exemplaire. Incroyable mais vrai, vous avez transformé un pauvre petit laboureur en enseignant. Voici son histoire…

Après ses études primaires, un garçon se rend au Bel Air College en janvier 1955. Cet élève modeste sans cartable, ses livres dans une tente, commence à apprendre. Heureusement il a le bonheur et le destin d’avoir parmi ses professeurs, un certain Monsieur Rosunee, jeune, dynamique et prometteur. C’est là le point d’un départ. Encouragé, motivé et inspiré par ses professeurs, le petit garçon fait la Form I, la Form II à l’entière satisfaction de ses enseignants et de ses parents. Au beau milieu de la Form III, le pauvre petit connait un malheur : le collège ferme ses portes et on demande aux élèves d’aller à un autre collège à Centre de Flacq. L’enfant n’a plus les moyens de continuer ses études, hélas ! C’est terminé pour lui car son père lui demande de travailler pour aider la famille. Le désespoir est à son comble.

Un beau jour, pour ce petit garçon, le Bon Dieu envoie un ange chez lui … Monsieur Rosunee apparaît chez lui et parle à son père. Après une brève rencontre, Monsieur pâlit de tristesse. Point de solution à ce problème. Alors il prodigue ces quelques conseils et encouragements à son élève : « Tu es déjà à mi-chemin. Pas question de faire marche arrière. Tu dois travailler maintenant. C’est très bien. Si tu as un peu de patience, un peu de volonté, viens chez moi à Bramsthan trois fois par semaine régulièrement. Toi et moi, ensemble, avec la bénédiction divine, nous allons au moins essayer de faire quelque chose pour toi. »

Pendant trois longues années, le garçon travaille comme laboureur sur la propriété de Beau Champ. Les vêtements en kaki, son repas dans une tente, bottes aux pieds, sa pioche sur son épaule, il quitte la maison vers 6.30 le matin. Il prend son travail à sept heures et travaille à la sueur de son front dans les champs, parfois sous un soleil de plomb, parfois sous une pluie battante, et il est trempé jusqu’aux os. Sa tâche quotidienne se termine à trois heures de l’après-midi et il rentre chez lui.

Ensuite, il se rend à Bramsthan, à bicyclette. Là, il prend ses cours. De retour chez lui, vers les six heures, il prend son dîner. Pas d’électricité, avec la lampe à pétrole, il fait ses devoirs jusqu’à fort tard le soir. Le lendemain, il doit fournir les mêmes efforts pour obtenir Rs 4.10 par jour et il gagne Rs 24.60 par semaine. La vie n’est pas facile pour lui mais il persévère pendant trois ans avec une seule petite lueur d’espoir et il a la confiance de son maître. Enfin, après une longue préparation, les examens sont là.

Vraiment, le pauvre enfant est prisonnier dans sa chambre. Pas de sorties, pas d’amis, pas de football, pas de cinéma. Il n’a que les révisions et les prières quotidiennes. Enfin arrivent les examens, il travaille de son mieux et attend les résultats. Un vendredi après-midi, il reçoit un courrier de Cambridge : il a réussi les examens de School Certificate ! Sans tarder, il va remercier Monsieur Rosunee à Bramsthan. Quel moment inoubliable ! L’élève peut lire la joie et l’entière satisfaction dans les yeux de cet architecte qui le serre et qui lui dit d’envisager son avenir avec sérénité. Même l’administrateur de l’établissement sucrier n’en croit pas ses yeux en regardant les résultats et il dit : « Incroyable mais vrai, un laboureur de mon établissement a passé la Senior ! »

Dès sa tendre enfance, l’enfant laboureur avait une admiration pour ses professeurs de primaire et de secondaire, plus particulièrement Monsieur Rosunee. Il voulait être dans sa peau, en train d’enseigner à ses élèves. Maintenant, il n’a qu’un seul objectif : se joindre au Teachers’ Training College de Beau Bassin. D’apprenti-enseignant, il devient enseignant et exerce ensuite comme Deputy Head Teacher jusqu’à sa retraite.

Monsieur Rosunee, vous avez été pour moi, un enseignant, une source d’inspiration, un modèle à copier, un grand frère. D’après l’Islam, l’enseignant (Ustad, Guru) a une grande valeur dans la vie de son élève. Quotidiennement, l’élève prie le Tout Puissant pour lui-même, pour ses parents et pour son Ustad. Vous avez prodigué l’éducation à un élève modeste et vous avez transformé sa vie. Vous avez sauvé non seulement un élève mais toute une génération. Aussi longtemps que cette génération vit aisément, vous avez et vous aurez la bénédiction divine.

La vie continue, les jours et les années passent, pas à pas, on se dirige vers la fin. C’est certain, il n’y a point de doute, arrivera un jour où je vais disparaître. Ce sera la fin d’une vie bien vécue !

Mes salutations les plus distinguées,
Un de vos élèves qui vous attribue une place spéciale dans ses pensées et dans son cœur. »

Ainsi s’achève cette lettre qui démontre la détermination d’un enfant dont le destin connaît un parcours exemplaire grâce à l’aide de son maître. Ni l’un ni l’autre ne sont plus de ce monde mais c’est certain qu’ils se sont revus dans l’autre monde pour se raconter les moments du passé.

P.R. 

(L’anonymat a été respecté pour le destinateur de cette lettre qui, lui aussi, n’est plus de ce monde. Les mots sont ceux de l’élève qui écrit à son maître, tantôt à la 1ère personne, tantôt à la 3e personne et n’ont pas été modifiés.)

 

 

* Published in print edition on 18 August 2017

An Appeal

Dear Reader

65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.

With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.

The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.
Thank you.

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *