« Le MMM est l’incontestable propriété exclusive de Paul Bérenger. Il en fait ce qu’il veut »

Interview : Yvan Martial

« Tout le cinéma se jouant actuellement entre ce qui reste du MMM et le MSM n’est peut-être qu’une façon mauve et militante d’aguicher Navin Ramgoolam, pour l’inviter à de futurs « coze cozé » 


« L’IFB n’est pas mort ! L’on peut, heureusement, compter sur Anerood Jugnauth pour ressusciter miraculeusement ou presque la vieille querelle opposant les clans Ramgoolam et Bissoondoyal » Dans une interview, accordée au Mauritius Times, l’écrivain et journaliste Yvan Martial affirme que la démission de Sir Anerood Jugnauth permettrait à la Présidence de retrouver, non pas sa dignité, ni le respect qui lui est dû, mais plutôt une certaine discrétion ou insignifiance. Les commentaires de SAJ réssuscitent la Présidence. Il soutient que son retour médiatisé dans l’arène politique réssuscite aussi d’anciennes querelles et offre une alternative à l’immense popularité de Navin Ramgoolam. L’avis de Yvan Martial à propos de l’affaire MedPoint et la tenue des élections municipales pousse à réfléchir sur le sens que certains politiciens attribuent au terme « démocratie »


Mauritius Times : Selon toute probabilité, Sir Anerood Jugnauth annoncera aujourd’hui sa démission comme Président de la République. Il n’y a pas que la prorogation du Parlement qui l’aurait poussé à prendre cette décision, nous semble-t-il ; il a dû réussir à faire fléchir le leader du MMM par rapport à certaines conditions pour la mise en place d’une nouvelle alliance MMM-MSM. Qu’en pensez-vous ?

Yvan Martial: Je pensais que Sir Anerood Jugnauth serait allé jusqu’à la fin de son mandat présidentiel (septembre 2013). Je le pensais car je le sais adepte du principe prôné, jadis, par Raoul Rivet, stipulant que nous n’avons jamais le droit d’abdiquer l’honneur d’être une cible. Cela dit, je comprends que Sir Anerood prenne sa décision, sans tenir compte de l’estime que je lui porte.

On me dira que cette démission, annoncée pour ce matin, permettrait à la Présidence de retrouver, non pas sa dignité, ni le respect qui lui est dû, mais la discrétion, pour ne pas dire l’insignifiance, qui était la sienne, depuis une autre démission avec éclat, celle de mon frère, Cassam Uteem, au début de 2002.

A mes yeux, la Présidence de notre République ressuscite, enfin, quand Sir Anerood Jugnauth déclare péremptoirement : « L’ICAC pé fané ! » Elle prouve, alors, qu’elle n’est pas morte. Même des partisans travaillistes l’approuvent, alors, à 100%. Comment accorder la moindre consistance à une présidence républicaine que notre propagande nationale télévisée montrait ad nauseam, prenant sa plus belle figure d’enterrement, pour recevoir des lettres de créance ou de départ d’ambassadeurs-oiseaux de passage car résidant « lotte côté brisants » ?

Je comprends que la MBC-TV avait tout intérêt à diffuser, en veux-tu, en voilà, cette décourageante image d’un Anerood Jugnauth « réduit au Réduit ». Le voilà, qui piaffe d’impatience, en sentant, ni l’écurie, ni le repos bien mérité, mais la lutte incessante pour occuper, de nouveau, chaque pouce du terrain électoral, sottement abandonné à des adversaires, déguisés en faux amis, en faux alliés, Qui pourrait lui donner tort de quitter prématurément la cage dorée du Réduit où l’on voulait l’enfermer jusqu’en septembre 2013 et, peut-être même, au-delà ? J’ai toujours dit que Sir Anerood Jugnauth était trop jeune pour être réduit au Réduit.

* Après la défaite de l’alliance MMM-MSM en 2005 et eu égard aux insultes échangées entre Paul Bérenger et Pravind Jugnauth, il ne semble pas que le leader du MMM serait dans une meilleure disposition vis-à-vis du MSM par rapport au partage et à la répartition des tickets au niveau des circonscriptions sur le plan national et surtout au niveau urbain. Qu’en pensez-vous ?

Nous, Mauriciens, exception faite de certains politiciens, et non des moindres, cultivons et chérissons le sentiment de fidélité aux amitiés, accordées précédemment. Il nous faut des raisons graves pour ne plus accorder compréhension et miséricorde aux torts que des amis peuvent nous infliger. Nous répudions un ami seulement quand il y a récidives répétées et surtout refus de repentance. Nous n’étalerons jamais, sur la place publique, nos amitiés trahies, par des frères indignes de notre confiance. La discrétion ne messied point, en pareil cas. S’il le faut, c’est le plus discrètement possible, que nous indiquerons à quelques confidents, venant aux nouvelles, que nous « bisoin tourne zoreille » à l’égard de X ou de Y « parksi li fine fané » ! Critiquer ses amis d’hier c’est, avant tout, se dénigrer soi-même. S’ils sont ce que nous disons qu’ils sont, pourquoi leur avoir fait confiance ?

Ce sentiment d’amitié, donnée à jamais, est encore plus grand envers ceux que nous avons eu le privilège de côtoyer sur les lieux de notre travail, à l’égard de ceux et celles que Dieu a la bonté de placer, un beau jour, sur la route de notre vie terrestre. L’amitié, même temporaire, est toujours un don divin. Cracher sur une amitié c’est…

Les politiciens agissent différemment. Quand ils doivent s’allier électoralement mais ponctuellement, ils multiplient les accolades et les sourires mielleux, les uns plus mensongers que les autres. Arrive le moment de déterrer la hache de guerre, voilà les faux amis d’hier qui se répandent en déjections mutuelles. Sonne l’heure de la réconciliation, voilà ces mêmes faux apôtres qui ravalent, à qui mieux mieux, ce qu’ils ont dégobillé, pour nous faire croire que tout va de nouveau pour le mieux dans les meilleurs remakes du monde. Commenter ces déglutitions est au-dessus de mes forces journalistiques.

* Le Premier ministre a déclaré, lors de sa conférence de presse suivant la prorogation du Parlement, que selon ses renseignements et des sondages effectués pour le compte du secteur privé, le MSM ne représenterait que 3% de l’électorat. Un éventuel retour de SAJ dans l’arène politique va-t-il, à votre avis, déclencher une nouvelle dynamique en faveur du MSM ?

Notre système électoral de « First Past the Post » favorise outrageusement la bipolarisation. Autrement dit, il n’y a de place que pour deux locomotives sur notre unique voie ferrée. Des circonstances particulières peuvent, toutefois, transformer en locomotive, un simple wagon, devant logiquement s’amarrer à plus puissant que lui.

Vous dites que Navin Ramgoolam fait état d’un sondage, ne donnant que 3% de voix au MSM. Je vous répondrai que ce même parti, esseulé, en décembre 1995, face à un tsunami électoral rouge-mauve (Ptr-MMM), obtient, à la campagne, entre 15 et 40% des voix. « Enne batté bèf », avouera, pourtant, son leader d’alors, Anerood Jugnauth. « Ene batté bèf » de beaucoup supérieur aux 3% que certains veulent accorder aujourd’hui au MSM. On comprend, toutefois, que certains politiciens, pris d’une panique insurmontable, cherchent à se rassurer comme ils peuvent.

Connaissez-vous un turfiste prêt à perdre son temps à ergoter, aujourd’hui, 30 mars 2012, sur le possible vainqueur de notre prochain Maiden Plate ou sur celui de notre prochaine Coupe d’Or ? Ne voilà-t-il pas que des politiciens prétendent savoir, aujourd’hui, qui remportera le Maiden électoral de 2015. Restons sérieux. Même en politique, il convient de vivre au jour le jour. Relisons plutôt notre collection de pronostics électoraux politiciens et mensongers, notre bêtisier national, pour être édifiés. Je connais, en revanche, un journaliste, pris à partie, en mars 1982, par des Militants, pour avoir, alors, pronostiqué le 60-0 du 11 juin suivant.

Un retour aussi médiatisé de Sir Anerood Jugnauth dans l’arène politique, sinon paulitique, comporte l’inestimable avantage d’offrir à l’électorat mauricien, une alternative crédible à l’immense mais, peut-être, malsaine popularité, surtout rurale, d’un Navin Ramgoolam. Le 5 mai 2010, une part importante, sinon majoritaire de notre électorat rural n’a eu pratiquement pas d’alternative. Celle-ci existe dorénavant. Encore que nous ignorons, si elle sera encore là en 2015. La Démocratie est là où existe un choix crédible.

* Ce sera donc, à votre avis, une nouvelle dynamique capable de fragiliser ou même de botter le PTr-PMSD hors du gouvernement ?

Ce sont de menus détails qui fragilisent les meilleures alliances électorales. Remettre au goût du jour un slogan électoral éculé est à la portée de n’importe quel bonimenteur. Les choses sérieuses commencent quand on commence à mettre les points sur les « i ».

L’important en politique est rarement dans l’essentiel. Le grain de sable qui grippe les engrenages les mieux emballés résident dans la mise au point de détails infimes. L’ennemi des meilleures alliances électorales n’est jamais à l’extérieur. Le danger du dehors, au contraire, cimente la cohésion interne. Le ver est toujours dans la pomme. Quand il sort la tête de son trou, il est déjà trop tard. L’effet de grâce est déjà pourri jusqu’à la moelle. La zizanie cancérise déjà un corps qu’on croyait sain. Exemple : la candidature présidentielle offerte par le MMM au Travailliste Jayen Cuttaree.

Imaginons, par exemple, un gouvernement d’unité nationale, comprenant nos principaux groupuscules politiques (PTr-MMM-MSM-PMSD-etc). Il s’en trouve des éditorialistes et des observateurs émérites, pour prendre cette panacée pour une lanterne miraculeuse, sinon magique, sous prétexte que, sur papier, une telle alliance électorale est imbattable.

Posons-nous la question de l’identité du futur ministre des Finances de cet agglomérat politique innommable, en supposant qu’on ait pu, préalablement, régler à l’amiable la question, encore plus délicate, de la répartition du fauteuil de Premier ministre, sur une durée d’un seul lustre. Qui sera le Grand Argentier de cette panacée : Duval, Lutchemeenaraidoo, Sithanen, Pravind Jugnauth, Kee Chong Li Kwong Ling, Paul Bérenger ? Posez cette question et ce château de cartes s’écroule misérablement.

* Le leader du MMM, Paul Bérenger voudra sans doute, qu’une telle dynamique (remake de 2000) se reproduise en faveur du MSM – ce qui facilitera éventuellement la ‘division of votes’ au sein de l’électorat rural, n’est-ce pas ?

Un Paul Bérenger, plus intelligent, aurait déjà compris que la meilleure stratégie s’offrant, à ce qu’il reste de son MMM, c’est de tenir la balance entre le PTr de Navin Ramgoolam et le MSM des Jugnauth (Sarojini comprise). En 2005 et 2011, il a tout fait, cependant, pour jeter le MSM de son petit frère, pour ne pas dire autre chose, dans les bras de Navin Ramgoolam.

L’on peut, heureusement, compter sur Anerood Jugnauth pour ressusciter miraculeusement ou presque la vieille querelle, datant des années 1940, sinon avant, opposant les clans Ramgoolam et Bissoondoyal et tout ce qu’ils représentent et entraînent derrière eux. L’IFB n’est pas mort ! M. Rajesh Jeetah a encore beaucoup de beaux jours devant lui. N’en déplaise à certains.

* L’âge de Sir Anerood Jugnauth a fait l’objet de débats et de commentaires pas tout à fait favorables de la part des Travaillistes. La réplique du ‘bolom’ : il va démontrer s’il est effectivement trop vieux lorsqu’il descendra sur le terrain. Pensez-vous que SAJ pourra surmonter l’effet de l’âge et diriger une nouvelle alliance politique ?

Ne comptez pas sur moi pour avoir l’inélégance et même l’impolitesse de commenter l’âge d’une de nos personnalités. Quand on songe au géniteur d’un de ceux qui cherche à ridiculiser le grand âge (pourquoi pas la sagesse ?) d’un de ses cauchemars préférés, l’on ne peut que frémir d’indignation.

Nous connaissons tous de ces morts vivants qui nous entourent, qui embouteillent nos autoroutes, qui dérobent les promotions ou les fonctions qui nous sont dues, qui sont des pieux carrés dans des trous ronds, ces parasites qui ne font rien pour leur pays et qui s’arrangent honteusement pour que leur pays, le nôtre également, satisfasse le moindre de leurs caprices. Il nous suffit de relire la lettre que Jean Maurice Labour vient d’écrire à son condisciple du Collège Royal de Curepipe, concernant les scandales prévalant à Agaléga, pour comprendre certaines choses.

Depuis notre Indépendance, nous avons de ces morts vivants absolument inutiles que nous avons pourtant choisis pour être nos représentants au Parlement. Certains n’ont fait que chauffer le maroquin parlementaire, sur lequel ils ont posé leur séant, pendant un lustre ou davantage. D’autres ont servi de mules à des barons de la drogue.

Inscrivons, demain, par un tour de magie, sur un bulletin de vote, comme candidats indépendants des défunts aussi vivants dans notre meilleur souvenir que Maurice Curé, Emmanuel Anquetil, Renganaden Seeneevassen, Jules Koenig, Sookdeo Bissoondoyal, Seewoosagur Ramgoolam… et ne nous étonnons pas s’ils sont élus en tête de liste.

* Au-delà de la question de l’âge, estimez-vous qu’il soit « proper » qu’un ancien Président de la République revienne se battre dans l’arène politique ?

A ma connaissance, quand on crée la République de Maurice, le 12 mars 1992, nul ne se préoccupe de ce que peut faire ou ne pas faire celui (ou celle) choisi(e) pour être notre Président(e). Nous avons eu la chance de pouvoir compter sur un Cassam Uteem et sur un Raouf Bundhun pour créer de toutes pièces les fonctions de Président et de vice-Président de la République. Ils continuent, d’ailleurs, à agir, aujourd’hui encore, comme notre Président ou notre vice-Président, chaque fois que certains d’entre nous font appel à leurs services. Ils continuent donc à exceller, avec la mentalité et l’objectivité qui conviennent à leurs anciennes fonctions républicaines immortelles ou presque. Cassam, davantage sur le plan social et Raouf, sur le plan culturel et du débat d’idées. Ils incarnent la preuve qu’il n’est nullement nécessaire d’être amarrés au château du Réduit pour incarner excellemment la majestueuse dignité de notre Républicaine naissante.

D’autres, ayant occupé les mêmes fonctions, n’ont, parfois, donné lieu à aucune critique, pour la bonne raison que seuls ceux, qui ne font rien, ne commettent aucune erreur.

Votre question insinue que nous aurions eu un Président ou un vice-Président « impropres » à ses fonctions présidentielles. A qui la faute ? A cette question, je réponds sans hésiter à ceux qui l’ont nommé à ce poste suprême. En septembre 2008, quand Navin Ramgoolam nomme Sir Anerood Jugnauth pour un deuxième (je n’écarte donc pas la possibilité d’un troisième) mandat présidentiel, il ne peut pas ignorer qu’il fait une fleur à quelqu’un qui a défait le grand Aunauth Beejadhur, le 23 octobre 1963, qui a manqué de peu de réduire Seewoosagur Ramgoolam au poste de chef de l’opposition le 21 décembre 1976, qui le balaie de la scène politique le 11 juin 1982, qui fait mordre la poussière à son PTr le 11 septembre 2000.

De quoi peuvent se plaindre aujourd’hui Navin Ramgoolam, l’anti-républicain de 1990-91, et tous ses courtisans ? Il ne fait que récolter, en 2012, ce qu’il sème malencontreusement en septembre 2008. Si Anerood Jugnauth est un Président « impropre » à notre Présidence républicaine, ce n’est pas à lui que nous devons réclamer les comptes mais bien à celui qui l’a nommé à ce poste, autrement dit à Navin Ramgoolam.

En cela, je demeure fidèle à ma pensée. Quand Scotland Yard surveille de près notre ambassade à Londres parce qu’il la soupçonne d’héberger, à la fin des années 1980, un trafiquant de drogue international, un échappé de potence algérienne (merci ! Bouteflika), je ne m’en prends pas à notre Haut Commissaire de l’époque mais bien au Premier ministre qui le nomme à ces fonctions diplomatiques.

* Dans le système westministérien, c’est inconcevable d’imaginer la Reine d’Angleterre descendre dans l’arène pour se battre sur le terrain politique contre le Premier ministre, David Cameron. Un ‘remake 2000’ avec SAJ comme leader d’une telle alliance reviendra à cela, n’est-ce pas ?

Je voue l’admiration la plus grande au parlementarisme westministérien, non pas à cause de la reine Elizabeth II et des douze Premiers ministres qu’elle a dû supporter pendant ses 60 ans de règne. Mon admiration va plutôt à l’Inde, la plus grande démocratie et, sans doute, une des plus efficaces, au monde. Cela dit, je sais que, lors de forums internationaux, pour ne pas dire africains, notre Premier ministre, l’Homme Fort de la politique mauricienne, électoralement parlant, n’a droit qu’aux strapontins des Premiers ministres, dans bien des cas les boys des Présidents et autres roitelets africains.

Le choix entre système westministérien et présidentiel ne hante, toutefois, pas mes trop rares insomnies. La réponse, à cette question, fait partie de l’apanage de nos grands dirigeants politiques, nos trois leaders de grands partis. Qu’ils accordent donc leurs violons. Et pourquoi leur faire des suggestions, sachant qu’ils sont, peut-être, trop arrogants pour les retenir et les faire savoir publiquement ?

Cela dit, le « retour dans l’arène politique » de Sir Anerood Jugnauth (à supposer qu’il en soit vraiment sorti, quand il accepte, en 2003 et en 2008, d’être réduit au Réduit, en dépit de son éternelle jeunesse politique) ressemble moins à une descente de la Reine dans l’… arène, pour défier son Premier ministre, qu’à une résurrection d’un Tony Blair (enfin délivré de toute… boucherie), un possible Goliath, pour terrasser enfin David Cameron.

* Tout ce malaise découlant des frictions entre la présidence et l’exécutif soulève la question de la nomination d’un Président de la République issu des rangs d’un parti politique. Ne faudrait-il pas dorénavant réfléchir en termes d’un Président non-partisan?

Il vous faut poser cette question au présent locataire de l’Hôtel du Gouvernement. Comment puis-je obliger un Navin Ramgoolam à ne pas nommer un autre politicien, pour ne pas dire une bête politique, pour succéder à Sir Anerood Jugnauth ? Cela dit, Navin Ramgoolam va dans le sens de candidats non-partisans plutôt que politiciens trop remuants, en nommant Monique Ohsan-Bellpeau vice-Présidente, plutôt qu’une Passionaria comme Marie France Roussety, à la succession de A.V. Chettiar. Nous, journalistes, devons comprendre que nous ne pouvons rien contre les caprices des princes qui nous gouvernent.

* Paul Bérenger a déclaré lors de sa conférence de presse, samedi dernier, que la position du MMM par rapport à l’affaire MedPoint n’a pas changé d’un iota. Il affirme que sa prochaine PNQ cherchera à établir les rôles qu’ont joué Rajesh Jeetah, alors ministre de la Santé, l’actuel Premier ministre et le Chief Government Valuer Officer, Yodhun Bissessur. Or, pour rester crédible aux yeux de la population, le leader de l’opposition devra aller au fond des choses, n’est-ce pas?

Paul Bérenger a parfaitement raison. La position de son MMM sur l’affaire MedPoint n’a pas changé d’un iota, pour la bonne raison que, sur le « scandale du siècle » (Paul Bérenger dixit), comme sur tant d’autres questions d’importance plus ou moins nationales, la position de son MMM ressemble le plus souvent à celle d’une… toupie malgache que relance périodiquement le fouet de l’opportunisme, parfois le plus abject qui soit. Pouvons-nous seulement reprocher à un spécialiste des « coustiks » de savoir toujours retomber sur ses pieds, sans chercher à savoir dans quoi il les met après son énième pirouette ?

Le MMM de Paul Bérenger et la population non militante de Maurice ne sont pas sur la même longueur d’onde. Ne le répétez pas tout haut. Il ne sait pas cela. Dans ses monologues hebdomadaires, Paul Bérenger ne cherche pas tant à nous convaincre de l’utilité de ses volte-face répétées mais de se convaincre de la véracité de ses balivernes. Il croit en ses mensonges et cela lui suffit.

* Aller au fond des choses, ça veut aussi dire faire la lumière également sur le rôle qu’auraient joué Pravind Jugnauth et Maya Hanoomanjee, alors ministre des Finances et ministre de la Santé respectivement ?

Si depuis plus d’un an que l’ICAC enquête sur la vente de la clinique MedPoint par des vendeurs/acheteurs (li même vendé, li même acheté, ancienne vérité mauve, slogan, hier abondamment affiché) sans parvenir à une quelconque conclusion, il n’y a aucune raison d’en espérer une, dans l’année à venir. Notre Président de la République lui-même nous met en garde : « L’ICAC a pé fané ». Mais si jamais, par le plus grand des miracles, notre ICAC (budget annuel de Rs 100 millions) parvient à épingler indiscutablement un ou plusieurs coupables dans cet achat/vente aux apparences incestueuses, peut-être trompeuses, et si le ou les coupables, enfin épinglés, appartiennent à la famille MSM, le MMM de Paul Bérenger sera également et irrémédiablement impliqué et éclaboussé, pour avoir donné asile politique à de possibles repris de Justice.

Mais de quoi, pouvons-nous nous plaindre ? Le MMM est l’incontestable propriété exclusive de Paul Bérenger. Il en fait ce qu’il veut. Il voudrait même le saborder, le transformer en Titanic ou en Costa Concordia, que nous n’aurons pas le droit de lui contester son droit à cet échec politique. Il n’est pas homme à recevoir conseil de qui que ce soit.

* Si Paul Bérenger décide effectivement de prendre le taureau par les cornes et d’aller au fond des choses, pensez-vous qu’une telle démarche de sa part pourrait mettre à mal son projet d’alliance avec le MSM ?

En politique, à Maurice mais peut-être aussi ailleurs, nul n’est à l’abri de la trahison la plus abjecte d’un grand ou petit frère. L’histoire politique de Maurice, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, n’est que la misérable liste d’humiliations et de vendettas politiques, les unes plus désespérantes que les autres. Nous ne devons jamais oublier que tout le cinéma, se jouant actuellement entre ce qui reste du MMM et le MSM du Sun Trust Building, n’est peut-être qu’une façon mauve et militante d’aguicher Navin Ramgoolam, pour l’inviter à de futurs « coze cozé », pour discuter, bien sûr, de réforme électorale et constitutionnelle mais certainement pas de la possibilité d’un remake de 1995 d’alliance Rouge/Mauve, avec un Xavier Duval on board, Eric Guimbeau le permettant.

Nous ne pouvons pas empêcher nos politiciens d’être de fieffés « parle mentère », chroniques sinon maladifs. Nous avons, toutefois, le devoir de ne pas prendre leurs vessies pour des lanternes. Il faut être un éditorialiste indigne pour vouloir leur donner un semblant de cohérence et de consistance, en commentant leurs boniments, au risque de ridiculiser notre profession. Il y a pire que les mensonges débités par nos politiciens. C’est le bla-bla journalistique, s’abaissant à les commenter.

* Le légiste Anil Gayan avait déclaré, dans une interview accordée au Mauritius Times précédemment, que toute la lumière sur l’affaire MedPoint sera faite si on arrive à faire délier la langue de certains fonctionnaires. « That’s a tall order », semble-t-il, puisque l’ICAC n’a pas pu y parvenir à ce stade. Qu’en pensez-vous ?

Je rappellerai seulement, qu’un quart de siècle plus tôt, un Maurice Rault, avec l’aide inconditionnelle et ultra-courageuse d’un Premier ministre, nommé Anerood Jugnauth, réussit à obliger des barons de la Drogue, des spécialistes du commerce de la mort, à répondre des allégations d’empoisonnement de la jeunesse mauricienne, pesant sur eux. Pour réaliser cet exploit, il n’hésite pas à accuser des collègues de se comporter davantage comme des complices de trafiquants de drogue que comme des légistes et des serviteurs de la Justice, de la Vérité et du Bien Commun. Mais n’est pas Maurice Rault, ni Anerood Jugnauth, qui veut.

* Nous ne savons pas, valeur du jour, ce que l’enquête de la Commission anti-corruption va pouvoir établir au bout du compte. Quelle opinion faites-vous de la gestion de cette affaire par l’ICAC ?

Mon Président de la République m’a dit : « L’ICAC pé fané ! »

* Estimez-vous, comme le pensent certains observateurs que l’affaire MedPoint serait une « Pandora’s Box » Que nous cache-t-elle, selon vous ?

Ne parlez pas de malheur. Pandore est la première femme. La mère de tous les hommes. Elle ressemble à s’y méprendre à l’Eve de la Genèse. Héphaïstos ou Dieu des Volcans et de la Forge, le Vulcain des Romains, la façonne avec de la terre et de l’eau, sinon la glaise, le limon, de la Bible. Encore que les mythologies grecque et latine manquent de Souffle et donc d’Esprit Saint.

Zeus envoie Pandore sur terre pour nous châtier, parce que notre modèle, Prométhée, dérobe, au Ciel, le… feu. Aphrodite ou Vénus, les Charites ou les Grâces, parent Pandore de tous les charmes féminins possibles et imaginables. Hermès ou Mercure lui donne la parole mais lui enseigne aussi l’art d’en user pour nous séduire et nous tromper, bref pour « parle mentère ». Jupiter lui donne l’urne ou la boîte (électorale) où sont enfermées toutes nos misères, tous les fléaux pouvant nous être infligés, tous les châtiments que notre crédulité et notre curiosité peuvent nous valoir. Sur terre, Pandore séduit Epiméthée et consent à devenir son épouse, sachant que son mari sera assez stupide pour vouloir ouvrir sa fameuse boîte et en faire l’inventaire. Il en sort tous les maux qui nous affligent, (dont notre classe politique). Seule la trompeuse espérance demeure au fond de la boîte de Pandore. Que celui, qui n’a jamais ouvert le sac de sa femme, jette la première pierre à Epiméthée.

Nul besoin d’ouvrir la boîte de Pandore de la clinique MedPoint. Notre classe politique nous suffit amplement.

* Qu’en est-il des élections municipales ? Le MMM mise beaucoup sur un éventuel « raz-de-marée » de l’Opposition lors des municipales afin de créer un déclic psychologique au sein de l’électorat en vue des élections générales. Voyez-vous le gouvernement tenir les élections cette année ou estimez-vous que le Premier ministre choisira d’aller vers des élections générales anticipées ?

Voilà la seule question que nous devons nous poser. Navin Ramgoolam n’a qu’à fixer la date prochaine, des élections municipales (et villageoises, pendant qu’il y est) pour semer la zizanie entre MMM et MSM. Je suis curieux de savoir combien de militants « coaltar » sont toujours disposés à « éreinter leur corps » pour faire élire, d’abord, des conseillers orange, comme aux Municipales du 2 octobre 2005, de honteuse mémoire pour les Mauves.

Pour créer, aux Municipales, un déclic pouvant assurer la victoire d’un bloc politique aux Législatives de 2015, il faut davantage qu’un raz-de-marée mauve/orange ou rouge/bleu. A quoi peut bien servir une victoire municipale de X ou de Y ? A nous gratifier de conseillers, maires compris, aussi médiocres que ceux qu’on nous inflige depuis les années 1980.

Nos politiciens nous font croire que les Municipales et les Villageoises, élections de proximité par excellence, Démocratie au ras des pâquerettes, à la portée du premier venu, sont des élections insignifiantes. Et nous, journalistes, les laissons faire, en toute impunité. Il suffit de faire le décompte des rares éditoriaux, pestant contre le scandaleux renvoi des Municipales pour être édifiés. Combien de PNQs notre chef de l’Opposition consacre-t-il à ce « scandale du siècle » depuis octobre 2010 ?

Je n’entrevois aucun déclic possible dans des élections municipales, même si par enchantement, elles devaient avoir lieu dans les jours à venir. Telles quelles, elles ne peuvent que contribuer à la désignation d’une nouvelle fournée d’obscurs conseillers, inconnus de tous ou presque, aussi médiocres que celles que nous subissons depuis le 2 octobre 2005.

Pour qu’il y ait déclic aux Municipales, il faudrait qu’un parti ou une alliance ait le courage et l’audace de présenter, au départ, une équipe municipale soudée autour d’un candidat-maire, pour toute la durée du mandat électoral. Une équipe unie, à la vie à la mort, pour le meilleur ou pour le pire, derrière un Rajesh Bhagwan ou un Deva Nagalingum à BBRH, derrière un Reza Issac à Port Louis, derrière un Satish Boolell à Curepipe, derrière une Nita Deerpalsing à Quatre-Bornes.

Il faudrait que ce maire, pour cinq ans, ait l’étoffe d’un chef-commissaire du calibre d’un Serge Clair à Rodrigues, capable d’animer et de diriger, pendant un lustre, une équipe de conseillers-commissaires chargés d’un portefeuille particulier (santé, solidarité sociale, éducation, industrie, commerce, service et travaux publics, culture, sport, jeunesse, enfance, troisième âge, patrimoine, environnement, sécurité intérieure, etc.).

Il faudrait un maire, pour cinq ans, capable de galvaniser des adjoints-maires, responsables, chacun, d’un quartier de la ville, un adjoint de proximité que tout citadin pourrait contacter, dans l’heure qui suit, pour lui faire part d’une doléance publique. Un maire capable, avant le scrutin, de nous proposer un programme ambitieux, motivant mais réalisable, raisonnable.

S’il y a cela, alors je dis : Que le meilleur l’emporte. Mais si l’on nous propose, de nouveau, de vieux « macatias rassis » et inconnus en guise de candidats, je ne peux dire alors : « Que les moins médiocres l’emportent. »


* Published in print edition on 30 March 2012

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