Le pays est déjà pris d’une fièvre électorale

Elections générales 2024

Par Aditya Narayan

Depuis les meetings politiques du 1er mai, une fièvre électorale s’est emparée du pays en vue des prochaines élections législatives qui devraient définitivement avoir lieu cette année. Il y avait beaucoup de spéculation sur la date probable des prochaines élections générales, compte tenu de l’intention déclarée du gouvernement d’aller jusqu’au bout de son mandat de cinq ans, commencé en novembre 2019.

Il est certain aujourd’hui que les prochaines élections auront lieu avant la date de la dissolution automatique de l’Assemblée législative prévue pour le 21 novembre 2024, soit cinq ans après la première séance de la présente mandature. Dans cette perspective, on constate une forte mobilisation dans tous les camps politiques qui enchaînent des meetings publics, des congrès régionaux, des réunions interpartis sur la liste des candidats et l’annonce de promesses électorales.

En effet, le plan initial du gouvernement de compléter son mandat de cinq ans a été déjoué par la démission de l’ex-ministre Vikram Hurdoyal de son siège de député dans la circonscription no. 10 (Montagne Blanche/Grande Rivière Sud-Est) le 13 février dernier. Bien que l’on ignore toujours les raisons de cette démission plus de 90 jours plus tard, le gouvernement a été contraint légalement de lancer la procédure en vue de tenir une élection de remplacement du siège laissé vacant. 

Partielle incertaine

Ainsi, le 12 mai dernier, le président de la République a émis un “writ” pour tenir une élection partielle dans la circonscription no.10 au plus tard le 9 octobre 2024, avec le dépôt des candidatures (Nomination Day) fixé au 11 juillet 2024. En vertu d’un règlement sous la loi électorale (The Representation of The People Regulation de 1987), le gouvernement aura usé du délai maximal de 240 jours depuis la démission de l’ex-député pour déclencher la procédure d’organisation d’une partielle.

Ce fait indique qu’il n’y a aucun empressement de tenir la partielle le plus vite possible. S’il le voulait, le gouvernement aurait pu tenir la partielle le 11 août 2024, soit dans un délai raisonnable de six mois. En poussant l’échéance de la partielle au 9 octobre 2024, il suscite de forts doutes sur son intention réelle. En effet, tenir une partielle le 9 octobre 2024, soit à 40 jours de la dissolution du Parlement survenant le 21 novembre 2024, cela n’est pas logique car le député élu éventuellement ne siègera que pour 40 jours avant de briguer une nouvelle élection.

Le gouvernement aura beau donner l’impression qu’il va respecter le calendrier de la partielle, il ne prendra pas le risque de perdre une élection partielle 40 jours avant la dissolution du Parlement. Il va donc fort probablement dissoudre le Parlement le 11 juillet 2024 après le vote du budget 2024-25, publier le « writ » pour des élections générales le 12 juillet 2024, fixer le dépôt des candidatures au 27 juillet 2024 et organiser des élections générales le 11 août 2024.

Il a le choix alternatif de dissoudre le Parlement le 10 août 2024, publier le « writ » pour des élections générales le 11 août 2024, fixer le dépôt des candidatures au 25 août 2024 et organiser des élections générales le 9septembre 2024, et ce, dans les délais minimaux prescrits dans The Representation of The People Act de 1958.

Entre ces deux options (le 11 août ou le 9 septembre 2024), le gouvernement optera sans doute pour la première date pour appeler le pays aux urnes aussitôt après avoir fait voter le budget 2024-25, lequel contiendra des mesures populistes pour attirer l’électorat. Depuis l’annonce des 20 mesures proposées par l’alliance de l’Opposition Ptr-MMM-Nouveaux Démocrates, lesquelles ont frappé l’imagination populaire par leur nature audacieuse, le gouvernement se démène comme un diable pour y répondre. Tantôt ses porte-parole affirment que les propositions de l’Opposition sont démagogiques et irréalistes, tantôt ils soutiennent que le gouvernement peut les rendre caduques dans son prochain budget en se les appropriant.

Copier-coller

Même si le gouvernement reprend à son compte les propositions de l’Opposition dans un exercice de « copier-coller », il devra faire mieux pour faire monter les enchères. Il devra faire preuve de beaucoup d’imagination pour formuler de nouvelles promesses qui soient innovantes et populaires.

L’Opposition a déjà couvert un vaste champ de revendications populaires en proposant, entre autres mesures, l’accès à l’Internet gratuit aux ménages (375 000 au nombre), le transport public gratuit pour tous, le congé de maternité d’un an, la baisse des prix des carburants (diesel et essence), la pension supplémentaire aux invalides et aux veuves qui touchent la pension de vieillesse, l’abolition de l’impôt sur les revenus de moins de Rs 1 million et l’exemption de l’impôt sur la pension de vieillesse.

Qu’est-ce que le gouvernement proposera de nouveau qui n’a pas encore été encore pensé ? Une nouvelle augmentation des prestations sociales dans le prochain mandat avec la pension de vieillesse à Rs 15 000 en 2025 ou Rs 20 000 ultérieurement ? Une révision attendue des salaires dans la Fonction publique en 2025 ? Des tarifs d’eau et d’électricité gratuits pour ceux au bas de l’échelle ? Une allocation-chômage aux chômeurs ? Jusqu’où ira-t-il dans la surenchère électoraliste ?

L’enjeu des prochaines élections est vital pour le gouvernement ainsi que pour l’Opposition parlementaire. Le gouvernement joue son va-tout afin préserver le pouvoir, quitte à pratiquer une politique de la terre brûlée en promettant monts et merveilles à une population désabusée. L’opposition parlementaire joue sa dernière chance d’accéder au pouvoir après deux échecs consécutifs en 2014 et 2019. Les deux camps se livreront une bataille féroce dans une lutte bipolaire que l’opposition extra parlementaire essaiera d’atténuer tant bien que mal pour se faire une place au soleil.

Troisième voie

Les partis d’opposition extra parlementaire réunis sous la bannière de « Linion Morisien » se gargarisent du slogan « Ni Navin ni Pravind » qui ne fait pas mouche. L’alliance Ptr-MMM-ND a réussi la gageure de rassembler une bonne foule le 1er mai pour se présenter comme la seule alternative viable et crédible au gouvernement sortant. Le PMSD, après son départ de cette alliance, cherche sa voie en multipliant les contacts avec tous les partis. Eventuellement, il se joindrait à une alliance avec le MSM pour se rendre « utile » dans les villes et fournir au gouvernement la caution urbaine dont il a besoin dans sa stratégie de reconquête du pouvoir.

L’opposition extra parlementaire jouerait les trouble-fêtes aux dépens de l’Opposition parlementaire en grappillant des voix dans les villes. Les partis de gauche ReA et Lalit ne se sont pas encore positionnés par rapport aux deux forces bipolaires, mais ils risquent de perdre de leur influence sans un positionnement stratégique sur l’échiquier. Entre le statu quo défendu par le gouvernement sortant et le désir de changement incarné par l’Opposition parlementaire, les petits partis n’arrivent pas à offrir une troisième voie (alternative) aux deux camps opposés.

On doute fort que le budget 2024-25, le dernier et cinquième du gouvernement sortant, puisse lui donner le « extra electoral mileage » qu’il espère recueillir dans la ligne droite vers des élections générales. L’Opposition parlementaire a pris une avance avec ses vingt mesures audacieuses, lesquelles seront sans doute peaufinées dans un manifeste électoral plus étoffé. La tentative du gouvernement de faire voter un projet de loi sur le financement politique, qui vise à légaliser la mainmise des compagnies privées sur les partis politiques, est vouée à l’échec car l’Opposition ne lui donnera pas les trois quarts de majorité nécessaire pour amender la Constitution. Elle témoigne en tout cas d’une volonté de consacrer l’influence corruptrice de l’argent sur la politique, ce qui est malsain pour la démocratie.

Etat-Providence

Les propositions de l’Opposition ont donné lieu à un débat sur les coûts de l’Etat-Providence dans la République de Maurice. Certains observateurs se demandent, à juste titre, si l’Etat a les moyens économiques d’une politique sociale généreuse qui englobe l’éducation gratuite, la santé gratuite, les diverses prestations sociales, le transport public gratuit, etc. Déjà les prestations sociales (pension de vieillesse, pension aux veuves et pension aux invalides) coûteront Rs 58 milliards par an avec les augmentations entrées en vigueur le 1er avril 2024.

Il va de soi qu’aucun gouvernement ne pourra financer de telles largesses sans prendre les mesures nécessaires :

(a) exploiter davantage la capacité contributive (taxes et impôts) de l’économie pour augmenter les revenus de l’Etat,

(b) diminuer les gaspillages de fonds dans les secteurs non-prioritaires, et

(c) revoir les priorités en matière de dépenses publiques.

Il ne suffira pas de miser sur une croissance économique accrue pour soutenir une politique sociale généreuse en ces temps d’incertitudes géopolitiques dans le monde.


Mauritius Times ePaper Friday 17 May 2024

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