Macron, Corbyn, Sanders, les autres et nous

« Il est très probable que notre pays réunit aujourd’hui les mêmes conditions qui ont rendu possible le genre de raz-de-marée politique des deux côtés de l’Atlantique. L’électorat appelle à un renouvellement de la classe politique et de la manière de conduire la politique. Dans cette configuration, l’élément marquant demeure l’émergence d’une nouvelle génération de LEADERS… »


« If you only do what worked in the past, you will wake up one day and find that you have been passed by »
Clayton Christensen

Comme pour prouver que l’élection d’Emmanuel Macron aux présidentielles françaises n’était pas un épiphénomène circonstanciel, la déferlante de ‘La République en Marche’ aux élections législatives qui seront complétées à la fin de cette semaine vient démontrer la nature profonde du désir de changement en France. Après l’accident (au vu de la «performance » de ce dernier pendant ces derniers mois) grave de conséquences constitué par l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, la démonstration de la décrédibilisation de la « classe politique » traditionnelle se poursuit dans les grandes démocraties.

Sur les réseaux sociaux, récemment, quelqu’un faisait remarquer que parmi tous les pays africains, Maurice se démarquait par le fait que notre République semblait plus souffrir de maux identiques à ceux des pays développés. Cela s’est avéré, par exemple, par la présence d’un taux croissant de maladies non-transmissibles liées au stress, ou encore à la structure démographique d’une population vieillissante.

Ajoutons à ces exemples ci-dessus le fait que Maurice est aussi le pays qui a choisi de préserver les institutions politiques léguées par le régime colonial britannique, du moins dans la forme, et ce, depuis un demi-siècle après l’indépendance. Dès lors, on ne devrait guère s’étonner que le système socio-politique contemporain semble démontrer, à s’y méprendre, les mêmes symptômes de désaffection de l’électorat vis-à-vis de la « classe politique » au pouvoir durant cette même période.

En France les causes les plus évidentes du rejet des dirigeants et hommes politiques qui ont dominé la scène politique jusqu’ici — à dimanche soir, il était estimé que plus des deux tiers de la grande majorité d’élus de En Marche seraient des personnes qui n’ont jusqu’ici jamais porté un mandat électif – sont, d’une part, le grand nombre « d’affaires » et de « magouilles » qui ont éclaboussé un certain nombre de dirigeants et, d’autre part, l’incompétence et l’absence de résultats du gouvernement sortant.

Le cas de François Fillon, candidat des Républicains à la présidentielle, symbolise le virus « magouilles et affaires » qui avait déjà coûté très cher à Nicolas Sarkozy dans sa quête d’un nouveau mandat dès les primaires de son parti.

Il est à craindre que l’ancien Président François Hollande – l’icône de certaines tares, à savoir, l’incompétence et l’absence de résultats pendant son mandat – ait à porter pendant longtemps le fardeau de la faillite du Parti Socialiste lors de ces élections. Fait inédit sous la Cinquième République : son mandat s’est achevé dans le drame car il n’a pas pu se présenter de nouveau aux élections pour le défendre.

Pour résumer de manière schématique, les Républicains auraient pu éventuellement être crédités d’une certaine « efficacité » dans le gouvernement mais ils ont été emportés par une réputation de manque d’intégrité et d’honnêteté de leurs dirigeants dans la conduite des affaires de l’Etat.

Quant aux Socialistes, même s’ils ne sont pas tout à fait exempts de responsabilité dans les « affaires », ils ont surtout payé le prix d’un manque extraordinaire de capacité à gouverner et d’un manque de cohérence idéologique, quand ce n’est pas tout simplement programmatique.

Les effets de cette débandade programmée ont été largement accentués par un environnement économique mondial dominé par une idéologie néolibérale axée sur l’austérité économique et l’inégalité sociale, ce qui a été extrêmement défavorable aux équipes politiques dirigeantes.

Face à cette réalité, comme l’électorat d’autres grandes démocraties, les Français, eux aussi, se sont tournés vers les partis « alternatifs ». Ainsi, il est possible d’expliquer la montée de la vague « Front National », qui a porté son leader Marine Le Pen jusqu’au deuxième tour avant qu’elle ne s’écrase sur les récifs de ses incohérences et de ses contradictions, suite au débat l’opposant à Emmanuel Macron entre les deux tours.

 

Enter Jeremy Corbyn

Confortée par des sondages extrêmement favorables à son parti, la Première ministre du Parti Conservateur au Royaume-Uni, Theresa May, a pris la décision d’appeler son pays aux urnes. Cette décision était dictée par la conviction que les résultats ne pourraient que renforcer son autorité dans le pays et au gouvernement, surtout en vue des négociations ardues qui l’attendent par rapport au Brexit. Mal lui en a pris puisque deux mois plus tard elle se retrouve dans une situation exactement contraire.

Sa majorité absolue à la Chambre des Communes a été réduite comme une peau de chagrin. Cela la force aujourd’hui à quémander un « arrangement » avec un petit parti irlandais. C’est le « Democratic Unionist Party » représentant des unionistes protestants en Irlande du Nord par opposition au Sinn Féin, parti des républicains catholiques. Donc, ce parti serait en passe de devenir un parti-clé sur l’échiquier politique national avec, en prime, la capacité de décider du destin du Gouvernement à tout moment.

Mme May et ses partisans auront beau considérer qu’ils ont remporté une victoire électorale puisque le Parti Conservateur revient au pouvoir et forme un nouveau gouvernement. Toutefois, ils ne pourront pas dissimuler le fait que celle-ci risque d’être une victoire « pyrrhique », présageant les pires difficultés pour le Royaume-Uni et surtout pour les Conservateurs.

Le fait marquant de ces élections demeure sans conteste la performance remarquable du « Labour Party » anglais sous la direction de Jeremy Corbyn. Son accession à la tête du parti était jusqu’ici perçue comme une « usurpation » par une large frange des caciques du parti. Ces derniers s’opposaient à son retour prononcé vers une idéologie de gauche.

Lors des élections tout opposait Theresa May et Jeremy Corbyn dont les qualités humaines et le franc-parler par opposition à cette oppression imposée par le culte du « politiquement correct » a fait parler la poudre sur le plan électoral. Il ne fait pas de doute que le parti de Jeremy Corbyn a su ramener un très grand nombre d’anciens « déçus » du parti au bercail. Il a su rallumer, chez eux, la flamme de l’engagement sous une idéologie socialiste.

Pour en revenir à la question politique essentielle, cette « victoire » de Corbyn s’inscrit encore dans le droit fil du rejet de « l’establishment » et de la pensée dominante, prônant un désengagement de l’état et la suprématie du marché, et la domination de la finance au détriment de l’avancement social des classes moyennes et de la classe ouvrière.

Macron et Corbyn sont porteurs de deux visions opposées. Cependant, ils ont en commun le fait d’avoir su capter le désenchantement viscéral à l’égard de l’ordre établi depuis l’avènement du régime mondial prôné par le couple Reagan-Thatcher et aussi de le transformer en propositions pour le changement.

Il est très probable que notre pays réunit aujourd’hui les mêmes conditions qui ont rendu possible le genre de raz-de-marée politique des deux côtés de l’Atlantique. L’électorat appelle à un renouvellement de la classe politique et de la manière de conduire la politique. Dans cette configuration, l’élément marquant demeure l’émergence d’une nouvelle génération de LEADERS.

Rajiv Servansingh

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