Alliance PTr-MMM : Dépasser les blocages

L’art de la guerre, à son niveau le plus élevé, est la politique.

— Clausewitz

L’actualité ne cesse d’être dominée par les aléas de l’alliance Parti Travailliste-MMM, et ce, depuis plus de six mois maintenant. Que l’on veuille bien l’admettre ou non, ces négociations interminables et en intermittence ont fini par avoir des conséquences sérieuses sur le bon fonctionnement de la démocratie dans le pays. Cette semaine encore, le dirigeant du MMM a exprimé son agacement vis-à-vis du Parti Travailliste par rapport à certains développements dans les médias.

La question que l’on doit se poser est celle de connaître la raison pour laquelle ces négociations n’aboutissent pas malgré les déclarations régulières des leaders affirmant qu’il ne resterait que quelques points mineurs à régler. Il est permis de se demander si ce n’est justement pas là que le bât blesse. Ne serait-ce pas plus logique de penser que les questions où un accord est moins difficile à trouver ont été réglées tandis que ce qui demeure en suspens, ce sont surtout celles qui posent les plus grosses difficultés?

Malgré la volonté affichée des deux leaders, il est de plus en plus évident que l’aboutissement d’une alliance entre les deux plus grands partis du pays s’avère plus compliquée qu’elle ne le paraît. Ces jours-ci, la théorie dominante parmi les analystes politiques pour expliquer cette « incapacité » à aboutir à une alliance privilégie la thèse d’un jeu pervers dans lequel seraient engagés ces deux protagonistes.

Selon cette école de pensée, Navin Ramgoolam se serait engagé – en fait – dans le jeu du chat et de la souris et s’emploierait à affaiblir systématiquement son adversaire dont il se débarrasserait volontiers au bon moment. Dans ce registre (de jeu pervers), il n’est pas rare non plus d’entendre une version selon laquelle ce serait Paul Bérenger qui, en réalité, préparerait un coup fourré. Or, il est permis de penser que ces interprétations ne sont en fait que le fruit de l’imagination populaire qui, lasse de ces interminables scénarios, est forcée de se faire une raison – souvent – de manière partisane.

La cause réelle des difficultés de ces négociations pourrait plus prosaïquement être expliquée par des facteurs « objectifs » qui feraient fi de la volonté sincère des deux dirigeants à conclure une alliance entre leurs deux partis. Dans un tel cas de figure, il n’y a point de motivations cachées ni de machiavélisme de la part des protagonistes mais plutôt une problématique quasi-insoluble objectivement.

Pour mieux saisir cette situation, nous nous permettons une petite diversion dans le monde des affaires afin d’illustrer nos propos. Il est reconnu, dans le domaine des fusions et acquisitions, qu’une transaction entre une grosse entreprise et une autre de moindre taille (Alliance 2010 : PTr-MSM) est infiniment plus simple à réaliser que celle entre deux entreprises de taille similaire (les deux plus grands partis du pays). Il arrive même souvent que des entreprises de moindre taille s’en paient d’autres qui sont bien plus importantes qu’elles (le MSM dans le passé).

Le facteur déterminant du succès dans tous ces cas est invariablement une compréhension claire de l’objectif d’une telle manœuvre par toutes les parties prenantes, y compris les actionnaires et l’adhésion d’une majorité de ces derniers au projet d’avenir. Sans une stratégie claire et des objectifs précis, autour desquels peuvent se fédérer les parties prenantes, ces fusions/acquisitions sont inévitablement perçues comme la volonté de quelques dirigeants de consolider leur propre position aux dépens des actionnaires.

Même s’il n’est point question d’acquisition et encore moins de fusion dans le cas qui nous concerne, cela n’empêche pas que la problématique soit sensiblement la même. La compréhension entre dirigeants et adhérents des partis politiques obéissent aux mêmes impératifs de nécessité de partage d’une vision porteuse d’avenir. En l’absence de telles conditions, le moindre petit différend tend à prendre une importance démesurée.

On peut sans se tromper avancer que la proposition d’alliance entre le Parti Travailliste et le MMM souffre justement d’un déficit de communication en ce qui concerne ce que les Anglais appellent le « grand strategy ». L’on se souviendra qu’aux débuts des négociations, les deux dirigeants avaient surtout misé sur la parfaite alchimie qui semblait alors caractériser leurs relations. Il est parfaitement concevable que dans la foulée ils auraient pu frapper un grand coup en concrétisant une alliance rapidement sans laisser le temps à leurs adversaires, ou même à leurs « alliés », de réagir. Mis devant un fait accompli, ceux-ci n’auraient pu que réagir aux événements subissant l’avantage de l’effet de surprise.

Pour diverses raisons, ce premier essai ne s’est pas matérialisé. Dès lors, les protagonistes se sont engagés dans un long processus accompagné de tergiversations (on-off) qui ont fini par semer une confusion totale parmi toutes les parties concernées, dont les partisans des deux partis, la presse et les analystes. Confusion qui a favorisé l’émergence des théories de complots et autres folles rumeurs ponctuelles concernant les développements politiques.

Il ne fait aucun doute que, pour tout observateur impartial, ces péripéties entre les deux formations commencent à entamer sérieusement la crédibilité des deux leaders même si, de l’avis général, c’est surtout Paul Bérenger qui semble porter le plus gros fardeau aux yeux de l’opinion publique. En outre, cette durée dans le temps donne l’impression d’un manque de conviction et pousse tous les « lobbies » sectaires et autres à se manifester.

Comment donc trouver une issue pour sortir de l’impasse ? L’option la plus évidente, mais aussi la plus difficile à réaliser dans le contexte actuel, serait que l’un des deux protagonistes accepte de lâcher du lest sur certaines des positions qui sont actuellement considérées comme étant « non négociables » par l’un ou l’autre parti – le partage équitable des « tickets », le rejet d’un certain nombre de personnalités ou encore la composition de la hiérarchie gouvernementale.

La deuxième voie, qui semble plus réaliste, consisterait à élargir le champ des discussions en se focalisant sur les intérêts communs – nécessité d’un gouvernement stable pour assurer la relance économique et stopper la dégradation sociale, ébauche d’un programme gouvernemental, solutions à quelques problèmes les plus pressants – plutôt que sur des positions arrêtées.

L’élargissement du champ des négociations en y ajoutant, ou en rendant public d’autres clauses ou aspects complémentaires aiderait certainement à transformer la perception actuelle. La recherche de nouvelles options créatives aurait aussi pour résultat de modifier les bases du débat et se révèlerait avantageuse pour la concrétisation de l’alliance tant souhaitée par les deux leaders.


* Published in print edition on 29 August 2014

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