Langue: bataille et quel agenda?

A l’heure des réformes et des efforts pour une appropriation active de la langue orale et des compétences écrites, on revient sur un débat ancien : donner au créole une nouvelle place et cette fois-ci au Parlement.

Malgré le langage cru du Premier ministre en maintes occasions et les critiques, il faut quand même lui donner raison sur un refus catégorique du monopole de la langue créole dans le Vaghjee Hall.

Valeur du jour : cette langue est comprise par tous les membres de toutes les communautés du pays. Les influences qui l’ont enrichie, déformée ou y ont ajouté une certaine souplesse ne l’ont pas fait rétrograder. La langue créole est là, dans le quotidien, dans les échanges, mais il se peut que la langue numérique, les sms et les nouveaux codes des jeunes finissent, à cause de leur influence croissante, par balayer tout sur leur passage. Pour rappel, en Italie, Espagne où la langue latine dominait, on n’entend pratiquement que l’anglais partout. Langue passe-partout…

Que se passe-t-il pour la culture de masse ou mass culture? Dénoncée ou non, cela a un impact terrible sur la déculturation des sociétés. En matière d’opinions, de croyances, de pratiques, la culture de masse est un courant qui a gagné toutes les rives. Tout autant que la culture traditionnelle qui enfermait dans sa communauté, la culture de masse – elle – a offert la possibilité de se sentir solidaire des groupes dans le village global.

Certains ont tiré la sonnette d’alarme. A quoi cela a-t-il servi ? Au contraire, avec la technologie, la culture de masse s’oublie pour laisser place à d’autres formes de culture. Pareillement pour la langue, quelle est la nécessité de batailler pour un nouveau statut du créole ? Reprenons une phrase de Michelet : « La langue est le signe principal d’une nationalité ». Personne ne conteste le statut d’une langue qui a fait son chemin.

Mais quand on se rend dans les pays de l’océan Indien et des Caraïbes où le créole mobilise chercheurs, linguistes, poètes, etc., parle-t-on en créole ? Non et bel et bien non ! C’est toujours dans la langue coloniale acceptée, reconnue et comprise par tous.

Rappelons que même la première victoire de 1982, avec les 60 zéros, n’a pas réussi à détruire les politiques linguistiques mises en place par la conquête britannique et Sir Seewoosagur Ramgoolam. Le créole dans les medias a été au cœur des analyses mais a attendu longtemps avant de se voir attribuer une certaine importance sur les bancs de l’université.

Mais l’ironie veut que ces mêmes compatriotes qui ont bataillé et bataillent encore pour l’enseignement des mathématiques, des sciences, de l’histoire ou autre en créole à l’école publique, n’envoient pas leurs propres enfants dans ces écoles où nos enfants se régalent dans la cour en ayant toute liberté de parler le créole. Un sondage serait utile et intéressant ici ! Leurs enfants fréquentent ces écoles où l’anglais et le français ont la part belle au point qu’ils imposent ces langues dans la cuisine familiale.

Arrêtons donc avec cette hypocrisie ! Nos petits Mauriciens sont les plus heureux de s’exprimer en créole dans n’importe quel espace mais sont tout aussi heureux de récolter d’excellentes notes dans les matières enseignées dans les langues qui leur ouvrent les portes des universités. Mais rien n’empêche, avec la bataille de langues, d’ouvrir les portes de l’institut créole où les grands défenseurs serviront de modèles et y inscriront leurs propres enfants en premier lieu. Nous avons bien notre British Council, notre Centre Culturel Français et l’Alliance Française, pour ne citer que ceux-là, qui attirent par l’organisation des cours de langue, des concours, des ateliers et tant d’autres activités extrêmement louables. Les familles, non seulement les plus riches, mais même celles qui sont modestes, y envoient leurs enfants pour l’enrichissement de l’esprit.

Même si certains développent un complexe et croient que dans notre contexte multilingue, pluriconfessionnel et multiculturel, le créole est une langue seconde, qui n’a pas la place qu’elle mérite, plusieurs professeurs le démentiront. Le bilinguisme connait un vif succès. Les prières, discours pour les mariages hindous, musulmans, chrétiens ou autres passent automatiquement de la langue du culte à la langue créole. Aucune protestation de part et d’autre ! C’est une façon de faciliter la compréhension et de favoriser l’immersion linguistique et culturelle.

Point besoin de favoriser des monopoles sous prétexte d’une meilleure adaptabilité. Les enjeux des enseignements des langues ont été, avec les réformes successives, replacés dans les perspectives plus globales de la culture et de l’école. On a pris en compte la diversité sociale et culturelle des nouveaux publics de l’école, on pense ensemble le local et le global. Ce serait une bêtise de mettre en avant une langue au service des politiques et au service des identités.

D’ailleurs la nouvelle langue de culture et de modernité semble être de plus en plus le mandarin. Vivement que le Centre Confucius travaillé en profondeur par le chef de département du Français et approuvé par l’université de Maurice se mette à fonctionner. Nous ne pouvons plus penser « petit » et nous enfermer dans le statut supérieur d’une langue par rapport aux autres langues en présence sur un seul et même territoire.

* Published in print edition on 6 May 2016

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