PTr-MMM : Alliance historique ?

L’alliance politique entre les deux grands partis de mouvance centre-gauche et libérale, entre leurs deux électorats, est historique et probablement porteuse d’espoir pour une grande majorité de nos citoyens

Il y a quelques mois, nous nous étions demandé si, l’alchimie personnelle de leur leader aidant, les deux grands vaisseaux politiques que sont le Parti Travailliste et le MMM allaient trouver les ressources nécessaires de flexibilité, d’entente et d’intelligence réciproque pour arriver à s’amarrer afin de guider le pays, en commun, vers l’avenir.

De nombreuses raisons militaient en faveur de cette entente, tout en reconnaissant que ce ne serait ni simple, ni aisé d’accorder les violons quand et l’un et l’autre devraient accommoder leurs forces, leurs approches et leurs partisans aux difficiles décisions d’un partage équilibré, celui, immédiat, des investitures et celui, en filigrane, d’une deuxième République. Ce n’est pas sans raison que la gestation fut longue et semée d’embûches, d’épisodes « on-off », mais, sauf macadam inimaginable, il semble bien que nous y sommes à cet accord qui entend entamer un nouveau chapitre dans l’histoire du pays. C’est un accord historique à plusieurs titres.

En premier lieu, M. Bérenger n’a jamais fait mystère de son admiration pour les longs et difficiles combats du Parti Travailliste pour la démocratie, les droits des travailleurs et la justice sociale, et aussi pour l’attachement de Navin Ramgoolam à rassembler les différentes communautés, gommer les inégalités structurelles de l’Histoire, ouvrir le champ des opportunités et moderniser le pays et ses institutions.

Ce n’est pas lui faire offense que de reconnaître, qu’ayant co-fondé le MMM sur le militantisme syndical, la vague idéalisante et contestataire des années soixante-dix, il en a fait, à partir des années quatre-vingt-dix, sans doute, sous pression de ses propres lieutenants, un parti qui aspire à être aux affaires de gestion de la cité, en partenariat, plutôt que comme une force d’opposition permanente et stérile, héritière et prisonnière, bon gré, mal gré, des anti-indépendantistes aux réflexes communaux.

L’alliance avec le MSM en 1990 en a été la première tentative, les lieutenants empressés du MMM prévoyant même de marginaliser Bérenger. « Not of my doing » dira celui-ci, mais son alliance plutôt inexpérimentée, avec le PTr en 1995, ne fera pas long feu, laissant la place à l’accord MedPoint avec le clan des Jugnauths entre 2000 et 2005.

Depuis 2005, une nouvelle génération MMM, sans compter quelques vieux loups, paient lourdement le prix d’une politique économique et sociale mal inspirée entre 2000 et 2005, et s’est vue condamnée à l’errance, éloignant progressivement certaines franges de la population du MMM.

Aujourd’hui, le parti se voit cantonné à quelques « bastions » mauves citadines et, même en alliance avec le MSM, n’est arrivé que péniblement à remporter une petite majorité des régions urbaines aux dernières municipales. Le PTr, au pouvoir depuis 2005 et locomotive des alliances successives, reste assez solidement ancré, même s’il souffre sans aucun doute des usures du pouvoir et d’une presse privée largement hostile. Les conditions étaient, semble-t-il, réunies pour une nouvelle fondation, plus mature, plus sage et, en même temps, plus audacieuse, de l’alliance PTr-MMM de 1995.

Plus sage et plus mature, car on est fondé de croire que Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ont, sans doute, chacun de son côté, tiré les leçons de l’Histoire récente. Que c’est fort des expériences passées, qu’ils ont aujourd’hui dessiné les contours d’une alliance convenant aux tempéraments des deux monstres politiques qu’ils sont mais aussi assurant une convergence des intérêts de leur parti et de leur électorat respectif. En ce sens, c’est une alliance historique, qui a mis toutes les chances de son côté pour réussir.

Plus audacieuse : si les conditions étaient réunies, il fallait encore un déclic majeur et il semble bien, en rétrospective, que ce soit le Bloc 104 qui l’ait fourni, bien malgré lui, cela on l’imagine. Les discussions et les tractations conjointes entre dirigeants et légistes mauves et rouges pour faire peau neuve de notre Constitution, avec l’intégration des Best Losers dans une réforme électorale, réaliste et réalisable, laissaient en même temps augurer une discussion élargie entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger sur les contours d’une Deuxième République, préfigurant cette alliance politique souhaitée par les deux leaders.

Chacun devait impérativement mettre un peu d’eau dans son vin, mais l’enjeu était de taille : nous faire basculer d’un régime parlementaire westminstérien, avec, on l’a souvent reproché, trop de pouvoirs concentrés à la Primature, vers un régime semi-présidentiel plus équilibré, « à la mauricienne », sans entraîner le pays vers une expérimentation inédite porteuse de risques d’instabilité et de conflits aux sommets de l’État.

Trouver ce savant équilibre à double plan, institutionnel entre deux nouveaux pôles de pouvoir à venir (une Présidence élue au suffrage universel et un Premier ministre issu également des urnes) et, à un deuxième niveau, entre le PTr et le MMM, (dans le cadre de la seule alliance politique susceptible d’obtenir la majorité requise pour faire aboutir ce projet), n’a pas été de tout repos, semble-t-il. Chacun y trouvera à redire sur un point de détail ou un autre, et certains dans la presse dominicale s’y sont plongés, cherchant la petite bête. Les partisans déçus des quelques forces d’opposition ont été bruyants ou larmoyants sur les ondes privées.

L’attitude des deux leaders à leur conférence de presse conjointe, résolument tournés vers l’avenir du pays, a fait tiquer quelques-uns, feignant d’ignorer qu’une nouvelle alliance politique fait souvent table rase des critiques passées que les uns et les autres (MSM, PMSD, MMM et PTr) se sont jetées au visage pendant trente ans. Face à l’audace des perspectives d’une nouvelle République et ses contours (sur laquelle chacun peut légitimement avoir un avis ou des suggestions), face à la convergence historique entre deux blocs électoraux majeurs de notre paysage politique, ce sont des réflexes d’un ancien temps.

Les deux leaders avaient, d’ailleurs, pris la peine de rassurer sur les points soulevés (craintes de dictature, de répression, de pensée unique, d’arrogance, de partage personnel de pouvoir…). Les quelques centaines de « likes » et de salonnards, occupant les réseaux sociaux et s’époumonant sur les ondes, ne représentent qu’une force électorale toute modeste.

Les exécutifs respectifs des deux partis s’étant prononcés massivement pour l’alliance, « at the end of the day », comme dit l’Anglais, ce sera à l’électorat de se prononcer aux prochaines consultations populaires et de jauger la portée, la pertinence et la stabilité de cette alliance qui annonce une transformation de nos institutions et de nos modes de voter, avec une réforme électorale et un ré-équilibrage des pouvoirs entre le Réduit et le Bâtiment du Trésor.

Au plan de l’alliance entre partis, celle dont les grandes lignes nous ont été dessinées, samedi dernier, celle-ci semble apte à contenter les mauves et rassurer les frileux du PTr, qui auraient pu s’inquiéter de ce partage annoncé des investitures électorales et des responsabilités ministérielles au sein d’un gouvernement rouge-mauve.

Toute alliance politique comporte inévitablement des concessions de part et d’autre pour atteindre des objectifs plus vastes que les ego et les ambitions personnelles, aussi légitimes paraissent-elles dans l’opinion subjective de ceux concernés. C’est également l’opportunité d’un renouvellement de la classe politique et des seniors qui ont été de trop de combats.

Les Finances, l’Intérieur et la Sécurité publique resteront sous la responsabilité du PTr, la Diplomatie internationale devenant, comme en France, en quelque sorte, un domaine privilégié de la nouvelle Présidence semi-exécutive en étroite collaboration avec le futur PM. De quoi rassurer l’ensemble de nos partenaires étrangers et nos pays amis traditionnels.

Quelques échos font état que les Finances, dont le poids et la chape étaient exagérément pesantes sur trop de domaines, serait enfin scindé en deux, pour revenir à la formule de Sir Seewoosagur Ramgoolam avec un ministère important du Plan et du développement économique. Ce serait une bonne chose pour le pays et sa gouvernance économique et financière.

On devrait en profiter pour se pencher sur les attributions et les responsabilités du Management Audit Bureau ou du suivi des rapports de l’Audit, dépeignant, année après année, les dérives ou le laxisme des hautes sphères de l’administration.

Le pays, le secteur privé, les grands chantiers à venir, les gros projets des investisseurs attendaient l’issue des koz-koze politiques avec une certaine impatience. Ils ne peuvent que se réjouir d’un dénouement qui semble à la fois rassurant et audacieux, la stabilité et la visibilité de l’horizon politique permettant une relance de l’économie vers d’autres horizons plus ambitieux. Les deux leaders politiques vont certes entrer dans l’Histoire par la grande porte mais, bien au-delà, il s’agit de nous faire passer vers un autre palier institutionnel qui sera un legs aux générations futures.

L’alliance politique entre les deux grands partis de mouvance centre-gauche et libérale, entre leurs deux électorats, est historique et probablement porteuse d’espoir pour une grande majorité de nos citoyens. Les opposants politiques sont appelés à rehausser leurs visions et leurs propositions alternatives, s’ils veulent rester crédibles face à ce qui pourrait être un raz-de-marée rouge-mauve.


* Published in print edition on 12 September 2014

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