A quoi sert un président de la République ?
|Analyse
Changement politique
Par Prakash Neerohoo
Ce vendredi, le Parlement approuvera la nomination d’un nouveau président de la République pour succéder au président sortant Pradeep Roopun, dont le mandat de cinq ans a expiré le 2 décembre 2024. A quoi sert un président dans la République de Maurice ? Cette question parait anodine, mais elle revêt une importance particulière dans le contexte du changement politique qui a porté au pouvoir un nouveau gouvernement. Ce dernier s’est installé la semaine dernière en faisant le plein de ministres (24) et de ministres adjoints (10) prévus dans la Constitution.
D’abord, considérons le rôle du président tel qu’il est défini dans l’alinéa 28(1) (b) de la Constitution (voir la référence ci-dessous). Le président est tenu de soutenir et de défendre la Constitution afin de s’assurer que :
(a) les institutions de la démocratie et l’Etat de droit soient protégés ;
(b) les droits fondamentaux de tous soient respectés ; et
(c) l’unité de la nation mauricienne dans sa diversité soit maintenue et renforcée.
En théorie, le rôle du président est celui d’un gardien de la Constitution avec pour attributions spécifiques de protéger la démocratie au sens large du terme, d’assurer les droits civils et de préserver l’unité nationale. Mais, dans la pratique, les choses ne se passent pas de façon aussi souple. Tous les gouvernements sont parfois tentés de restreindre les libertés civiles et rétrécir le champ d’action des contre-pouvoirs (judiciaire, presse, syndicats, opposition) afin de se prémunir contre les critiques. Lorsque cela arrive dans la réalité, on s’attend à ce que le président s’élève à la hauteur de ses responsabilités pour veiller que la démocratie ne soit pas entravée ou muselée.
Rôle fantoche
Sur ce plan, il faut dire malheureusement que tous les présidents dans l’Histoire de la République ont joué un rôle passif face au gouvernement du jour, à l’exception de l’ex-président Cassam Uteem, qui avait démissionné de son poste en février 2002 en raison de son objection contre certaines dispositions d’un texte de loi sur le terrorisme qu’il jugeait anti-libertaires. Un autre président, Sir Anerood Jugnauth, avait démissionné en mars 2012, mais il ne l’avait pas fait à cause de quelque divergence grave sur un texte de loi. Il était plutôt parti pour rejoindre l’opposition après la démission du MSM du gouvernement PTr-MSM issu des élections de 2010.
A l’exception de ces deux personnes, tous les présidents à ce jour se sont accommodés docilement des actes du gouvernement de leur époque, jouant un rôle fantoche pour apposer leur signature sur tous les textes de loi qui leur furent soumis pour être ratifiés. Ils ne sont jamais prévalus de l’article 64(2) de la Constitution qui prévoit que le président peut demander au conseil des ministres de reconsidérer une décision s’il juge qu’elle n’est pas satisfaisante dans l’intérêt public.
Sous ce rapport, la présidence de Roopun durant la période du 2 décembre 2019 au 2 décembre 2024 a été particulièrement sans lustre. Il s’est contenté d’un rôle honorifique, décernant son satisfecit à tous les textes de loi votés au Parlement, ne faisant aucune intervention publique digne d’intérêt national et gardant un silence absolu sur les enjeux de société cruciaux qui dépassent les clivages politiques (notamment le trafic de drogue, l’écologie, la criminalité et la pauvreté). Il n’a pas joué son rôle de garant de la Constitution dans deux cas particuliers, l’un concernant le rôle de la Financial Crimes Commission (FCC) et l’autre concernant le rôle du Directeur des Poursuites Publiques (DPP).
Deux cas d’inaction
Dans le premier cas, le gouvernement MSM a fait voter en décembre 2023 une loi instituant la FCC avec pour rôle d’enquêter sur les crimes financiers et de poursuivre les suspects sans passer par le bureau du DPP. Cette usurpation du pouvoir de poursuite du DPP sous l’article 6 de la nouvelle loi fut vivement critiquée à l’époque par des observateurs avertis (voir notre article intitulé « La FCC, une commission de poursuite 2.0 » dans notre édition du 8 décembre 2023).Read More… Become a Subscriber
Mauritius Times ePaper Friday 6 December 2024
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