Maurice = Singapour Bis
|A ceux qui rêvent de transformer l’Ile Maurice en un Singapour de l’océan Indien
By Dr Crish Virahsawmy
L’idée est excellente mais est-elle réalisable dans le contexte mauricien ? Et combien de temps cela prendra-t-il pour réaliser cette idée: un demi-siècle? Certains sceptiques pensent qu’il nous faudra au moins un siècle.
Je connais trois dirigeants politiques qui en ont parlé. Mais il y a un seul qui a agi dans ce sens malgré les contraintes locales. Il a rencontré le Père de la nation singapourienne, Monsieur Lee Kuan Yew, lors de son passage à Singapour, comme mentionné dans le livre du journaliste américain Tom Plate : « Conversations with Lee Kuan Yew – Citizen Singapore : How to build a Nation » dans la série GIANTS of ASIA.
Je me suis rendu deux fois à Singapour. La première fois, c’était en 1985. A l’époque déjà, j’avais été ébloui par cette ville moderne, propre et accueillante, avec ses gratte-ciels d’une vingtaine d’étages, bâtie sur une île totalisant la moitié de la superficie de l’île Maurice, et avec une population de 5 millions d’habitants. Mon deuxième passage a eu lieu en avril 2011. Les changements, en un quart de siècle, sont spectaculaires. En 2011, le développement est prodigieux et à première vue, meilleur qu’aux Etats-Unis et qu’en Europe.
Discipline et responsabilité
A Singapour, on ne crache pas par terre. Pas de chewing-gum, pas de mégots de cigarettes sur le trottoir, pas de papier d’emballage de fast-food par terre non plus. Il y a des bancs propres tous les 30 mètres à côté des poubelles sans mouches et sans odeur nauséabonde. Vous pouvez donc tranquillement manger vos ‘take-aways’, boire un jus de fruit ou de l’eau. Quand vous avez terminé votre collation, vous devez laisser les bancs aussi propres que vous les avez trouvés à votre arrivée. Sur place, vous avez le droit de fumer si vous en avez envie. J’ai vu des employés de grands magasins et de bureaux s’asseoir sur ces bancs pour fumer afin de ne pas polluer leur lieu de travail.
Le long d’Orchard Road (l’artère principale), il y a une zone piétonne large d’environ six mètres où les gens marchent en humant l’air frais à l’ombre de grands arbres. Pendant ce temps, d’autres qui font du lèche-vitrine devant les grands magasins. Pas un seul marchand ambulant, ni un seul demandeur d’aumône ou de charité ! Quelquefois des musiciens jouent un morceau populaire pour égayer l’ambiance. Quant j’y étais, il y avait une exposition des derniers modèles de voitures de luxe. Les touristes s’y entassaient pour prendre des photos. Cette zone est lavée tous les soirs au moyen de jets d’eau et les feuilles mortes sont aspirées par de puissants aspirateurs. Les poubelles sont vidées et lavées.
Les piétons ne traversent la route qu’aux passages piétons indiqués par des signaux bien éclairés et visibles de loin. Les voitures s’arrêtent pour laisser passer les piétons. La circulation est fluide malgré le grand nombre des voitures. Je n’ai pas vu un seul accident de circulation pendant mon séjour. Les automobilistes ne klaxonnent pas (c’est interdit), ils se servent d’un appel de phare pour attirer l’attention d’un autre automobiliste. On ne jette pas de bouteilles vides ou d’emballage par les fenêtres de voitures (c’est interdit). De même, cracher de la voiture est interdit. La ceinture de sécurité est obligatoire pour tous les occupants d’une voiture.
Pas d’embouteillage ! Les automobilistes payent 10$ (Rs 300) pour emprunter Orchard Road entre 17H00 et 19H00 (sortie des bureaux). Les voitures particulières sans passagers n’empruntent pas ces zones aux heures de pointe. Pas de fumée émise par des tuyaux d’échappement. Pas de zigzag sur l’autoroute pour doubler. Aucun autobus en panne sur les routes. Indications de direction visibles d’assez loin.
Respect des lois de sécurité par tous. Tout contrevenant est puni sévèrement. Tout trafiquant des drogues ou de stupéfiants risque la peine de mort malgré les protestations des pays occidentaux. Des affiches contre ce trafic sont étalées à l’aéroport.
Les immeubles d’une dizaine d’étages sont remplacés par des tours de 30 à 40 étages pour accueillir des touristes de plus en plus nombreux. Dix millions par an, m’a-t-on dit, au bureau de voyage. Vu la petite dimension de l’île les citoyens s’accommodent bien pour vivre dans des appartements.
Au restaurant de l’hôtel, il y a plusieurs salles avec des tables propres ; ni mouche ni fourmi pour vous importuner. Les repas en buffet sont riches des meilleures cuisines du monde. De votre table, vous pouvez commander des boissons, du thé ou du café. A toucher du restaurant, il y a un jardin de fleurs diverses très agréables à l’œil et à l’odorat. Des jets d’eau adoucissent l’ardeur du soleil. Des bancs en bois avec un cendrier à la portée des mains sont proposés pour s’asseoir et fumer. Tout est prévu pour que le jardin demeure propre et agréable.
Tout est fait pour attirer les touristes à faire du shopping dans les boutiques hors taxe. L’Etat prélève 8% pour le service. Des hôtesses charmantes y sont présentes pour vous guider et vous conseiller. On ne marchande pas car les prix sont fixés par l’Etat. On vous aide à porter vos achats jusqu’à votre taxi ou votre car qui vous transporte à votre hôtel. Là, un préposé vous aide à porter vos achats à votre chambre. Des pourboires sont strictement interdits à tous les niveaux. Au bureau d’accueil de l’hôtel, une hôtesse vous accueille avec le sourire pour faciliter toutes vos démarches.
Comment Singapour est devenu le 7ème pays le plus riche du monde ? En effet, au moment de l’indépendance en 1965, la petite île, sans ressources naturelles et surpeuplée, était classée parmi les pays les plus pauvres du tiers-monde et non-viable après la séparation avec la Malaisie après seulement deux ans de vie commune.
C’est grâce à un homme, Lee Kuan Yew et son parti politique, le People Action Party au pouvoir pendant plus de trente ans sans interruption. Intelligence pragmatique et dévouée à la cause nationale, personnalité charismatique hors pair, intellectuel brillant et entouré des meilleurs cerveaux, il a défié tous les obstacles pour aboutir à ce résultat spectaculaire qui fait l’admiration du monde entier.
– Du tiers-monde, Singapour est passé au premier monde (GDP atteint $22,000 per capita)
– Troisième plus grande raffinerie de pétrole du monde.
– Grand producteur d’engrais.
– Port franc le plus affairé du monde.
– Respect des lois internationales et des accords commerciaux et industriels aux investisseurs.
– Grand pourvoyeur de service d’experts du monde.
– Intégration de la population d’ethnies, de cultures et de religions différentes tout en respectant chaque culte.
Maurice – Singapour bis
Si Maurice pouvait avoir un gouvernement fort et stable de longue durée, avec assez d’autorité pour discipliner ses habitants à des mœurs similaires à ce qui existe à Singapour, nous pensons que ce serait possible d’en faire un Singapour bis. Peut-être 50 ans ou plus et seulement après de très gros efforts de toutes les composantes de la population.
– Condition prioritaire : la discipline rigoureuse qui nous fait terriblement défaut pour aboutir à l’ordre et au respect de la loi.
– Intégration totale de toutes les composantes de la population tout en respectant leur culte et leur croyances pour créer la nation mauricienne.
– Elimination totale de la corruption à tous les niveaux.
– Changement de Constitution de la République.
– Eliminer le système de ‘Best Losers’ pour la représentation de chaque composante de la population.
– Réclamer et appliquer des quotas, sans les compétences nécessaires, pour la représentation de chaque communauté au sein du Parlement, l’emploi du service civil, de l’enseignement, etc, tout cela n’a jamais élevé le niveau de compétence dans tous les domaines de la vie progressive de n’importe quel pays. C’est le nivellement par le bas et le progrès général du pays qui en souffre forcément. Il faudrait par la suite éliminer les groupes de pression communautaire où chacun cherche à tirer le drap de son côté.
– Construire d’abord la nation mauricienne, qui n’existe toujours pas après 43 ans d’indépendance depuis 1968.
L’unité dans la diversité
L’unité dans la diversité ne doit pas être un mythe. Il faut faire en sorte que la diversité ne soit pas un obstacle à l’intégration de chacun dans la société mauricienne mais plutôt un enrichissement.
Il faudrait vouloir prendre le meilleur de toutes les cultures et les religions. L’idéal serait que chaque Mauricien se trouve à l’aise dans tous les lieux de cultes et ne pas chercher à convertir systématiquement son prochain à sa religion.
Les sectes religieuses sont interdites à Singapour car semeur de trouble dans la société et son intégration. Maurice devrait adopter la même attitude si nous voulons garder la cohésion sociale.
Il faudrait que les Mauriciens apprennent à vivre en bon voisinage avec leurs compatriotes de croyances différentes comme au bon vieux temps de notre enfance dans les villages. Les ghettos où seule une communauté religieuse vit n’est pas salutaire. Nous avons des exemples à Maurice où les habitants ne s’épanouissent pas. C’est un obstacle à l’intégration dans la société mauricienne. Ceux qui réclament des quotas pour chaque communauté doivent réfléchir sérieusement de nouveau et, sans émotion, s’ils ont vraiment à cœur le progrès national.
Mais il faut donner à tous les Mauriciens les mêmes moyens de développement intellectuel et matériel par l’éducation et la formation pour être compétent dans la profession choisie et mettre ses compétences au service de la nation mauricienne.
Oui, l’île Maurice pourrait devenir la plaque tournante pour le développement du continent africain. Avec le bilinguisme, l’anglais et le français (à développer davantage et en introduisant l’étude du portugais pour mieux communiquer avec les anciennes colonies portugaises), Maurice pourrait être l’intermédiaire idéale pour tout le continent africain.
Mais il faut avoir la volonté politique et économique avec la coopération de toutes les composantes de notre population pour transformer Maurice en suivant l’exemple de Singapour. Mais, jusqu’à preuve du contraire, cela mettra d’abord du temps – beaucoup de temps pour faire régner l’ordre chez nous.
* Published in print edition on 23 November 2012
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