Fuite d’eau. Chasse aux Marrons
Carnet Hebdo
Par Nita Chicooree-Mercier
En cette période de sécheresse et de réservoirs insuffisamment remplis, la Central Water Authority (CWA) semble ne pas accroître sa vigilance en ce qui concerne les fuites d’eau à travers l’île.
Depuis plus d’un an, les habitants d’une localité située derrière la boîte de nuit ‘Les Enfants Terribles’ à la Pointe-aux-Canonniers attirent l’attention de la CWA sur une fuite d’eau dans la rue, espérant que les tuyaux défectueux soient réparés.
- La première intervention des agents de l’organisme public a consisté à colmater le tuyau de manière amateur, entraînant une fuite
- Au fil du temps, la perte d’eau s’est transformée en un ruisseau vaseux, véritable repaire de moustiques.
Plusieurs appels lancés vers la CWA se soldent par des réponses expéditives et évasives, comme par exemple: « Nous allons passer demain. Nos techniciens s’occupent du problème. » Pourtant, personne n’est jamais venu dans le quartier.
Est-ce que le pays peut se permettre une perte d’eau permanente sans que les autorités concernées ne lèvent le doigt ? C’est incompréhensible. Ce manque de respect vis-à-vis du public, par des réponses infantilisantes et faussement rassurantes, est inadmissible de nos jours.
Selon certains observateurs de la gouvernance, il existe un laxisme, une attitude de je-m’en-foutisme, et un laisser-aller dans le comportement de certains services publics depuis quelques mois. Ce genre de désinvolture semble même délibéré en cette période de campagne électorale. La conscience professionnelle de certains fonctionnaires est remise en cause dans ce cas flagrant d’incompétence.
Alors que d’autres services publics font preuve d’une efficacité remarquable et d’une attitude positive envers la qualité du service, il ne manque jamais de brebis galeuses pour ternir le tableau…
Le ministère concerné est vivement sollicité pour prendre au sérieux les cas de fuites d’eau dans toute l’île. Il s’agit avant tout de respecter l’élément naturel qu’est l’eau, si vitale et sacrée pour la survie des habitants.
* * *
Privilèges d’un autre temps
L’accès à la plage a été réglementé pour permettre au public d’emprunter un passage tous les deux cents mètres entre les bungalows qui parsèment l’île, afin que les habitants des régions côtières puissent profiter du paysage littoral. Or, cette autorisation est bafouée à maintes reprises pour interdire le passage au public. Des cas de non-respect de cette loi existent aussi ailleurs que dans le nord de l’île.
Un accès légal, établi par acte notarial, permet aux propriétaires des terrains sur un périmètre s’étendant jusqu’à la route côtière de la Pointe-aux-Cannoniers d’y accéder. Cependant, un terrain situé dans les environs de l’hôtel Le Canonnier a été octroyé à un groupe immobilier étranger pour la construction d’une résidence haut de gamme. Sans l’avis de qui que ce soit, ce groupe a construit un mur tout le long des terrains des autres, empiétant sur le passage qui devait être commun jusqu’à la route côtière, puis a fermé l’accès par un autre mur, au lieu de laisser le passage libre comme stipulé par la loi. Les propriétaires de ce groupe sont injoignables, et ceux présents sur le chantier n’exécutent que les tâches qui leur sont confiées. Silence, on développe !
C’est inacceptable. Nous connaissons le rapport de force qui prévaut lorsque les autorités doivent trancher entre les intérêts financiers d’un groupe au budget extrêmement important et ceux des citoyens ordinaires. Elles ne sont ni enthousiastes ni pressées d’intervenir. Faut-il toujours attendre que les propriétaires de terrains et de maisons fassent des pétitions pour que les autorités locales et le ministère interviennent ? Tel ne doit pas être le cas normalement… Les autorités concernées ont tout intérêt à obliger le groupe immobilier à respecter la loi. N’y a-t-il pas eu suffisamment d’exemples dans le passé du mécontentement des citoyens ? Faut-il rajouter encore et encore de nouveaux cas ?
Et il ne manquerait plus que ça ! Deux petites superficies de Crown Land donnant directement sur la plage et jouxtant les bungalows sont actuellement inaccessibles au public. Ces personnes se sont permises de fermer l’accès à ce terrain libre, qui ne leur appartient pas, par un grand portail cadenassé surplombé par une caméra de surveillance. Ainsi, elles s’érigent illégalement en propriétaires d’un espace public. Une première tentative des proches de cette famille, qui occupent l’autre bungalow, de commencer une construction sur ce terrain libre a rencontré une vive contestation des habitants du quartier.
En fermant l’accès par un portail, ces propriétaires retiennent l’exclusivité d’un espace libre, en plus de leur bungalow personnel, qui leur offre une vue magnifique sur les îles du nord. L’autre terrain appartenant au Crown Land n’est pas verrouillé par un portail, mais les propriétaires de chaque côté font comme si cet espace leur appartenait, selon les bruits qui circulent aux alentours.
Il a fallu plus de quinze ans pour qu’un passage, maintenant libre, soit finalement ouvert au public.
- Tantôt, c’était la propriétaire qui décidait d’exercer son contrôle sur ce passage en fermant le portillon avec un cadenas.
- Tantôt, c’étaient les autorités qui faisaient la sourde oreille aux demandes des forces vives pour faire respecter la loi.
- De l’autre côté de la plage, la propriétaire d’un bungalow avait eu l’idée maléfique de faire verser de l’eau bouillante sur les jeunes arbres plantés par l’État, afin d’empêcher les autres de se prélasser sur la plage publique. Elle a finalement dû se résigner à respecter la loi.
Cela montre combien il est difficile de faire évoluer les mentalités.
Nous demandons aux autorités que justice soit faite et que la loi soit appliquée en ce qui concerne les deux espaces libres qui donnent sur la plage. Nous ne voulons pas d’une justice à géométrie variable selon que l’on soit puissant ou non. Les personnes qui ont construit dans ce quartier l’ont fait grâce au fruit de leur travail, à un coût exorbitant. Elles ne sont pas héritières des privilèges de l’époque coloniale.
Nous estimons que le gouvernement ne doit pas céder ces espaces aux particuliers richissimes pour les besoins sans fin de l’immobilier. On pourrait aménager un jardin d’enfants sur l’un des terrains, et laisser le public se relaxer, méditer et profiter du calme et de la vue magnifique sur les îles lointaines sur l’autre terrain. Est-ce trop demander ?
Il est temps d’éviter de rester cloîtrés dans une mentalité d’une autre époque : les temps ont changé. C’est le message que les propriétaires des bungalows, qui profitent de ces lieux depuis plus d’un siècle, devraient comprendre. La démographie explose, il faut savoir partager. Il est temps d’éviter d’éprouver les nerfs et la patience des habitants en les obligeant à recourir à moult pétitions. C’est une question de bon sens et de logique ou non ?
Faut-il rajouter que les nouveaux locataires des résidences de luxe dans le lotissement paient une bagatelle de Rs 100 000 pour un appartement ? Les locaux, ainsi que les nouveaux résidents, ont droit à une certaine considération.
* * *
Ni chaînes, ni maîtres. Le Maudit sucre
Quand bien même on hésite à assister à des scènes de cruauté sur le grand écran, il faut voir ce film tourné à Maurice. Les nouveaux films sur un sujet archi-exploité dans le monde du cinéma ont l’art d’innover par les techniques modernes, d’offrir des prises de vue magnifiques, de restreindre le dialogue à des répliques courtes et pertinentes, d’inviter les spectateurs à lire ou à entendre entre les lignes, à travers des gestes brefs et des expressions faciales.
Ce film, en particulier, joue sur le contraste entre les ténèbres des forêts et la rare éclaircie du jour, entre le désespoir des fugitifs et l’espoir fugace d’une évasion impossible. Nombreux sont ceux qui détournent le regard des scènes de punition cruelle et des souffrances atroces des esclaves. Le film oppose les Nègres rebelles aux Blancs puissants. C’est ainsi que les protagonistes désignent le camp opposé et hostile.
La certitude de la toute-puissance et de la suprématie raciale est largement partagée par la communauté des dominants. Deux jeunes hommes portent le message des Lumières et du nouvel humanisme. La femme blonde intériorise les préjugés des hommes et se montre tout aussi impitoyable dans sa poursuite suicidaire des marrons. Tout ça pour ça ? C’est ce qu’exprime l’esclave victorieux en contemplant les morceaux de sucre après avoir envoyé l’ancien maître au septième ciel.
Réunis à la tombée de la nuit, les fugitifs retrouvent leur véritable identité d’une origine commune, l’Afrique. Wolof, Bambara, Dogon, ils revendiquent le Grand Esprit qu’ils appellent par un nom différent. C’est dans la force de leur croyance commune qu’ils puisent le courage de résister à l’esclavage. À commencer par la mère rebelle, jetée à la mer, poings et pieds liés, pour avoir refusé de se plier aux règles des nouveaux maîtres sur le bateau négrier, jusqu’à sa fille fugitive qui, par un chant de son enfance en langue africaine, galvanise toute une communauté à se diriger vers un suicide collectif du haut de la montagne nommée Le Morne Brabant. C’est la femme qui est à l’honneur dans ce film.
Les questions que nous nous posons sont : combien de Mauriciens, descendants d’esclaves africains, connaissent leur histoire, celle de leurs ancêtres sur le sol de l’île ? Sont-ils dans le déni de leur passé ? Existe-t-il une volonté d’enseigner l’histoire de la période esclavagiste dans les écoles ?
Ce passé a laissé des traces dans les deux camps et a forgé une mentalité de dominants et de dominés pendant plus de deux siècles. L’assimilation par l’effacement du passé africain, l’adoption des codes culturels et religieux des maîtres d’antan ont brouillé les cartes. Personne ne s’appelle Mati, et les Cicéron d’aujourd’hui ont conservé une panoplie de patronymes transmis par une France romanisée.
Mais la note finale est restée salée pour les descendants d’esclaves, tandis que l’autre camp glorifie l’Aventure du Sucre par une publicité lucrative. Le ‘maudit sucre’ retrouve son goût amer dans l’ouvrage d’une historienne sous le titre ‘Bitter Sugar’. L’honneur est sauvé !
Mauritius Times ePaper Friday 4 October 2024
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