Interview C.S.Hossen
|Interview: Cader Sayed-Hossen
« Le PTr n’a besoin d’aucun allié ni d’aucune béquille pour lui donner une caution nationale »
* “Les choses ont toujours été claires et nettes. La question d’alliance électorale ou non, et si alliance il y aura, avec qui se fera cette alliance, appartient au future”.
Le Parti travailliste a-t-il besoin d’une alliance quelconque pour garantir l’unité nationale ? pour devenir le pays où règne sans faille le Law and Order ? pour combattre le fléau de la drogue ? pour promouvoir des politiciens-rivaux ? Notre invité Cader Sayed-Hossen répond.
Mauritius Times: Le Premier ministre nous rappelle souvent son ambition de faire du Parti travailliste le « seul et véritable » parti national du pays. Estimez-vous que ce soit une occasion ratée du fait de la rupture des négociations PTr-MMM en vue d’une alliance pour les prochaines élections générales ?
Pour commencer, un éclaircissement très important. La question de négociations avec quelque parti politique que ce soit ou de rupture de négociations avec quelque parti politique que ce soit est une question purement hypothétique dans la mesure où le Premier ministre n’a jamais rien mentionné à cet effet et que tout ce que nous avons entendu ou lu provient soit des déclarations de Paul Bérenger ou des suppositions des médias.
Ce qui est troublant dans votre question est l’hypothèse que seule une alliance avec le MMM peut faire du Parti travailliste un véritable parti national – si par parti national vous comprenez un parti dont la base et la composition sont multi-ethniques et pluri-religieuses et qui a une présence géographique représentative.
Le Parti travailliste est déjà un véritable parti national – et ceci depuis bien longtemps, depuis sa fondation en 1936, en fait. Le Parti travailliste regroupe en son sein des membres, des membres du Comité Exécutif, du Bureau Politique, des députés et des ministres issus de toutes les catégories sociales et sociologiques de la nation. Il n’a pas besoin de l’apport de qui que ce soit d’autre ou de quelque autre parti que ce soit pour devenir maintenant un parti national. En fait, cette supposition fait partie d’un discours qui circule depuis quelque temps déjà : ce discours n’a ni fondement ni justification.
Certes, il est vrai que des points de vue politique, idéologique et électoral, une alliance PTr-MMM entraînerait une adhésion massive de pratiquement toutes les couches sociales et de pratiquement toutes les composantes sociologiques et ethno-religieuses de notre société. L’alliance PTr-MMM de 1995 l’a largement démontrée. Le gouvernement qui serait issu d’une telle alliance pourrait être qualifiée de gouvernement d’unité nationale du point de vue technique du terme, mais en quoi cela pourrait-il contribuer de manière spécifique à faire du Parti travailliste le « seul véritable parti national », ou à contribuer de manière concrète au renforcement de l’unité nationale, comme le sous-entend votre question ? Je ne vois pas. Parce que que ce soit dans sa composition ou dans ses orientations politiques, le Parti travailliste prend toute la nation on board.
Par ailleurs, il est vrai que les affiliations partisanes de différentes composantes de la population se déterminent dans une certaine mesure en fonction de l’appartenance ethno-religieuse de ces composantes – mais, Dieu merci, de moins en moins. Ceci est un facteur sociologique et historique qui, en outre, a été exacerbé par de sombres pratiques de politique de bas étage, entre autres par les idéologues et pratiquants du notoire communalisme scientifique. J’espère, comme tous les patriotes de ce pays, que ce genre d’affiliation disparaîtra avec la maturation de notre culture politique et, à un stade plus avancé, il y aura la construction d’une véritable identité nationale.
Mais ce n’est certainement pas une quelconque entente pré-électorale, de quelque nature qu’elle soit, qui peut éliminer ce genre de réflexe.Ce n’est certainement pas avec une action tactique, dont la portée est à court terme, que nous allons résoudre un problème de fond, d’ordre systémique et structurel.
* Occasion ratée alors pour « construire une autre Ile Maurice », pour « nettoyer le pays » de différents fléaux, pour mettre bon ordre au niveau du ‘law and order’, n’est-ce pas ?
Vous faîtes encore une fois la même hypothèse douteuse à l’effet qu’il faut que le PTr soit en alliance avec le MMM pour « construire une autre Ile Maurice », pour « nettoyer le pays » de différents fléaux, pour mettre bon ordre au niveau du ‘law and order’, etc. Vous supposez qu’il faut que le MMM soit au gouvernement pour faire ce que vous avez énuméré. Prenons un à un les termes de votre question.
Construire une autre Ile Maurice. Qu’est-ce qu’une « autre » Ile Maurice ? Un pays plus moderne du point de vue de ses infrastructures et des conditions matérielles de vie pour ses citoyens, des institutions plus solides, crédibles, fiables et durables, un environnement juridique et institutionnel consensuel et prévisible, une économie plus résistante aux chocs de l’environnement économique international, des libertés civiles et des droits humains garantis, une société plus juste et plus équitable, une société soucieuse de la protection des plus vulnérables d’entre nous, la mise en place d’une éthique publique, entre autres.
L’Alliance sociale s’est attelée à la tâche de l’élaboration de ce grand projet de société immédiatement après son accession au pouvoir en juillet 2005. Depuis cette date, des progrès considérables ont été accomplis dans tous les domaines que j’ai énumérés. Le gouvernement de Navin Ramgoolam est allé bien plus loin encore que cela, comme le témoigne l’établissement du cadre juridique pour assurer une compétition saine et transparente dans les affaires à travers le Competition Act, pour assurer l’égalité des chances à travers le Equal Opportunities Act, pour réparer les spoliations commises dans le passé, à travers le Truth and Justice Commission Act.
Nettoyer le pays » de différents fléaux, mettre bon ordre au niveau du ‘law and order’ etc. Evidemment, nous visons tous cette société idéale, « nettoyée » des fléaux, avec une situation parfaite de ‘law and order’. Mais soyons honnêtes et réalistes. Cet idéal de zéro criminalité et de zéro fléau est-il vraiment possible ? Tout ce qu’un Etat peut faire, c’est contenir, limiter à son expression minimale la criminalité, et assurer une protection maximale aux citoyens contre cette criminalité. Là aussi, à travers la législation et la réforme du fonctionnement de la police – comme l’a très souvent expliqué le Premier ministre à l’Assemblée Nationale et dans ses allocutions à la nation – le gouvernement de l’Alliance sociale réussit à contenir et à réduire la criminalité.
Il est utopique de croire, et intellectuellement malhonnête de le dire, que la présence du MMM au gouvernement sera ce deus ex machina, cette baguette magique qui subitement « nettoiera » le pays des fléaux sociaux. Notre histoire récente a prouvé le contraire.
* Il semblerait qu’au sein même de l’Alliance sociale beaucoup n’étaient pas particulièrement « chauds » à l’idée de ces négociations-coze cozé entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger d’où la sortie du VPM Rashid Beebeejaun sur les ondes d’une radio privée et les dîners réunissant les dirigeants du PMSD et ceux du MSM. Comment interpréter ces deux faits ?
Nous l’avons souvent dit et redit. Le Parti travailliste est un parti démocratique au sein duquel des opinions diverses, divergentes ou contradictoires s’expriment librement dans le cadre des mécanismes prévus à cet effet : le Comité Exécutif, le Bureau Politique, le Parliamentary Labour Party ou encore les discussions plus informelles entre le leadership du parti et les membres, activistes, députés ou ministres confondus. Il est donc normal, voire même souhaitable, que des opinions contradictoires s’expriment, non seulement sur les négociations avec qui que ce soit, mais sur beaucoup d’autres sujets encore. Le Parti travailliste n’est pas un parti stalinien, mais un parti de rassemblement autour d’une idéologie socialiste, humaniste et moderne.
Cependant, comme le Parti travailliste est aussi un parti structuré et discipliné, il est tout aussi normal que ces expressions d’opinions contradictoires restent internes.
C’est justement cette culture démocratique à l’intérieur du Parti travailliste qui fait que le Deputy Prime Minister – qui est aussi, ne l’oubliez pas, le Deputy Leader du Parti travailliste – est totalement libre de ses opinions qu’il a par ailleurs exprimées sur les ondes d’une radio et qui fait que les dirigeants du PMSD – qui fait partie certes de l’Alliance sociale, mais qui est un parti politique autonome in its own right – se sentent libres de dîner avec qui ils veulent. C’est encore justement cette culture démocratique de mon parti qui me permet de répondre à vos questions en toute liberté.
* En d’autres mots, il ne revient qu’au leader de l’AS de décider avec qui conclure une alliance, les seconds couteaux n’ayant pas voix au chapitre ? Et c’est un arrangement satisfaisant, selon vous ?
Laissons de côté toute sentimentalité et voyons cette question en termes de fonctionnement d’une organisation – car un parti politique est une organisation au sens sociologique du mot. Un leader est un leader car il est celui qui fédère les différentes tendances qui s’expriment au sein de l’organisation, en tire l’essence et en fait la synthèse, au sens philosophique, au sens hégélien du terme. L’issue décisionnelle d’un parti politique ne peut qu’être la synthèse de ces différentes tendances car il est impossible, impraticable, irréaliste et certainement dangereux d’essayer de faire la moyenne des différentes tendances et de réaliser ainsi une réconciliation de toutes les tendances de telle sorte que l’issue reflète une partie de chaque tendance.
Et la responsabilité de faire cette synthèse, de cette issue décisionnelle unique incombe au leader du parti – c’est justement pour cette raison qu’il est le leader du parti. Ce que je vous explique est la base même du leadership dans toute organisation.
Donc, il est tendancieux d’insinuer qu’il ne revient qu’au leader de l’Alliance sociale de prendre des décisions et de renvoyer tous les autres au rang « de faire valoir ». La question n’est pas de savoir si cet arrangement est satisfaisant ou pas. L’important, c’est la capacité de fédération du leader ainsi que l’adhésion que peut obtenir quelqu’un qui joue ce rôle de leader. Et, de ce point de vue, le leadership du Parti travailliste en Navin Ramgoolam, y inclus sa légitimité à prendre les décisions nécessaires à l’avancement du Parti travailliste, est solidement assis, massivement et unanimement reconnu et accepté et ne souffre d’aucune contestation. C’est dans une très large mesure ce qui fait la force du Parti travailliste.
* En tout cas, le PMSD et le MSM, dit-on, se frottent les mains devant l’échec des négociations PTr-MMM et peuvent envisager l’avenir plus sereinement maintenant que les choses sont plus claires et nettes. Qu’en pensez-vous ?
Non seulement j’appartiens au Parti travailliste, pas au PMSD ou au MSM, mais je suis en plus engagé en politique. Je ne suis pas un observateur, ni un chroniqueur ou un commentateur politique qui s’amuse à faire des commentaires sur les joies ou tristesses ou sur les états d’âme des autres partis politiques. Il faut en fait poser cette question au PMSD et au MSM.
Mais je vous dirai quand même que les choses ont toujours été claires et nettes. L’Alliance sociale a été élue au pouvoir par le peuple en 2005. L’Alliance sociale, telle qu’elle l’était en 2005, est toujours au pouvoir avec deux exceptions – l’éjection de Madan Dulloo et le décès de notre frère James Burty David. Les choses – la stabilité politique, la durabilité du gouvernement de Navin Ramgoolam, la constance de son orientation économique et sociale – n’ont jamais été plus claires en fait. La question d’alliance électorale ou non, et si alliance il y aura, avec qui se fera cette alliance, appartient au futur – cette question deviendra pertinente et pourrait éventuellement être à l’agenda du Parti travailliste quand le Premier ministre aura décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et d’appeler le pays aux urnes. En attendant ce futur et le moment d’y faire face, l’Alliance sociale, élue en 2005 pour gouverner le pays, gouverne le pays et le fait à la grande satisfaction de la nation.
* Pour revenir aux prérogatives que détiennent les leaders des partis, dont le vôtre, de décider avec qui conclure une alliance, savez-vous ce qu’il pense du MSM ? C’est-à-dire en termes d’un allié potentiel ?
Je dois avouer que je n’arrive toujours pas à comprendre cette obsession à parler d’alliance – surtout que, comme je vous l’ai dit, l’Alliance sociale est solidement aux commandes. Tout le monde sait que Navin Ramgoolam est non seulement un grand démocrate, mais qu’il est aussi un homme profondément respectueux des institutions. Un parti politique est une institution, pas une institution d’Etat, mais une institution qui fait partie du contrat national de démocratie et du paysage de notre régime politique. Le MSM est un parti politique qui accepte ce que les politologues français appellent la règle du jeu démocratique, à l’instar de la grande majorité de nos partis politiques, à l’exception des partis sectaires et extrémistes.
Je ne sais pas ce que pense Navin Ramgoolam en son for intérieur du MSM, mais du point de vue politique évidemment, dans une éventuelle conjoncture d’alliance, le MSM, comme tout autre parti non-extrémiste, non-sectaire et respectueux de la règle du jeu démocratique et de nos institutions, est un allié potentiel, comme le serait tout autre parti respectueux des mêmes règles.
* Qu’en pense l’électorat de votre parti, selon vous, par rapport au parti des Jugnauth ? Vous êtes faits l’un pour l’autre ?
Si vous me permettez l’expression, l’électorat de mon parti se fout royalement de tout autre parti, que ce soit du MMM, du MSM ou de qui que ce soit d’autre. L’électorat de mon parti est mobilisé pour assurer le maintien du Parti travailliste au pouvoir et de Navin Ramgoolam au poste de Premier ministre. C’est son unique souci, son unique objectif et son unique agenda. Certes, les travaillistes entendent aussi les rumeurs et suivent aussi les supputations de la politique fiction qui est devenue l’aliment principal de la nation depuis quelques mois. Mais, au bout du compte, comme je vous l’ai dit, notre seule préoccupation est le maintien de Navin Ramgoolam au poste de Premier ministre – afin qu’il puisse consolider la tâche déjà commencée de refonte de la société en une société plus juste et plus équitable dans un environnement général de modernisation et de croissance économique. Les détails de cette opération ne nous importent que de manière secondaire.
Vous me demandez si le Parti travailliste et le MSM sont faits l’un pour l’autre comme si nous étions engagés dans une histoire d’amour. Le Parti travailliste n’est pas seulement le plus vieux parti politique du pays, mais aussi le plus grand, de loin. En plus, c’est un parti dont la composition et l’action sont basées sur une idéologie socialiste claire et non-équivoque, qui est toujours resté fidele à ses principes fondateurs tout en modernisant en permanence son approche et en s’adaptant aux mutations économiques et sociales du pays. Considérez le parti politique que je viens de vous décrire: y a-t-il un autre parti semblable à Maurice ? Le MSM, ou tout autre parti, devra s’adapter pour se mettre au diapason de notre histoire, de notre culture et de notre philosophie si toutefois Navin Ramgoolam souhaitait une alliance quelconque, mais le Parti travailliste, lui, est fait pour la nation, uniquement pour ce peuple que nous avons accompagné et inspiré dans le combat pour la liberté et la dignité depuis plus de trois quarts de siècle.
* Un tel rapprochement – PTr-MSM — risque cependant d’accentuer la cassure dans notre société, comme le soutient Paul Bérenger, et serait donc contraire à l’unité nationale… Le pensez-vous également ?
De quelle cassure parle donc Paul Bérenger ? Et quid de son alliance avec le MSM en 2000 ? Encore une fois, la présomption de Paul Bérenger est que seule une alliance avec le MMM, à la limite seule une participation du MMM au gouvernement, créerait les conditions de la construction de l’unité nationale – comme si le MMM était prédestiné par une quelconque Providence pour être l’instrument nécessaire et l’agent incontournable de l’élaboration de cette unité nationale. C’est une triste plaisanterie de la part de Paul Bérenger de s’arroger ainsi le monopole du patriotisme et du non-sectarisme et de la capacité d’élaboration du corps de la nation. Le Parti travailliste n’a besoin d’aucun allié ni d’aucune béquille pour lui donner une caution nationale.
Nous savons tous que notre population est composée de 1,2 millions de personnes dont les ancêtres sont venus d’origines géographiques, religieuses, linguistiques et culturelles diverses, des trois continents du vieux monde, et que ces ancêtres ont apporté avec eux et nous ont légué la diversité qui les caractérisait. Mais ils nous ont aussi légué leur profonde humanité et leur farouche détermination de vie – pour la très grande majorité d’entre eux, esclaves et coolies, dans un environnement inhumain, cruel et aliénant. Dans un tel contexte, seul le vivre-ensemble et l’élaboration graduelle d’un présent collectif permanent porteur d’un devenir collectif, porteur en outre d’un projet de destination commune et partagée, qui s’éloignerait progressivement de la souffrance, de la déshumanisation et de l’humiliation pour accéder au simin la limière peut progressivement consolider la nation.
C’est cela la création de l’unité nationale, pas les discours creux et tonitruants. Et Paul Bérenger oublie tout bêtement que tout ce qui a été fait de bon et de bien dans notre pays, et dont ont bénéficié toutes les composantes de notre société sans aucune exception, en fait tout ce qui a contribué et qui contribue à l’élaboration graduelle de cette destination commune et partagée – les libertés civiles et politiques, le droit de vote, la lutte pour l’indépendance, les bases du développement économique durable, l’éducation gratuite, la santé publique gratuite, la sécurité sociale, pour n’en mentionner que quelques exemples – a été fait par le Parti travailliste, sous Sir Seewoosagur Ramgoolam et sous Navin Ramgoolam. Et ni Sir Seewoosagur Ramgoolam ni Navin Ramgoolam n’a eu besoin de l’apport de Paul Bérenger ou de qui que ce soit d’autre pour offrir à la nation ce cheminement.
* Toutefois prendre le MSM « on board », c’est faire entrer le loup dans la bergerie, du fait que Pravind Jugnauth dispose du profil requis en fonction des réalités mauriciennes et se présente donc comme un rival potentiel sérieux pour le leader du PTr – ce serait ni utile ni agréable, dîtes-vous ?
Pravind Jugnauth peut avoir le profil qu’il veut, mais ceci n’empêche qu’il se serait fait platement écraser par Ashock Jugnauth lors de l’élection partielle dans la circonscription No 8 l’année dernière sans le soutien des Travaillistes. En fait, le Premier ministre Navin Ramgoolam n’a aucun rival sérieux. Navin Ramgoolam est un leader politique fédérateur et rassembleur, un patriote avec une vision ambitieuse pour son pays, un homme de la foule avec un charisme dévastateur et inégalable. A ce jour, Navin Ramgoolam n’a ni semblable ni rival dans le paysage politique mauricien. Le Parti travailliste, sous Navin Ramgoolam, est une énorme mécanique capable d’accueillir, d’absorber et d’intégrer n’importe quel corps étranger sans perdre sa spécificité et son originalité. L’Alliance sociale et son fonctionnement à la travailliste est la preuve vivante de cette capacité d’absorption et d’intégration du Parti travailliste et cette capacité est la raison pour laquelle l’électorat travailliste est serein et confiant en la continuation du pouvoir travailliste et du prime ministership de Navin Ramgoolam – dans n’importe quel cas de figure.
Donc, la question de Pravind Jugnauth – ou de qui que ce soit d’autre en tant que rival sérieux, potentiel, virtuel, ou réel — ne se pose pas.
* Cela, d’autant plus que le sondage Louis Harris qui crédite au Premier ministre et à l’Alliance sociale 56% d’intention de votes, donc gagnant dans tous les cas de figure, il n’y a donc pas lieu de chercher ailleurs ?
C’est justement ce que dit depuis longtemps le Premier ministre, mais ce sont les médias, les commentateurs politiques et Paul Bérenger qui s’entêtent de parler systématiquement d’alliance et de faire de la politique fiction. Mais quoi qu’il en soit, comme je vous l’ai dit plus tôt, le leader du Parti travailliste décidera en dernière instance de l’orientation du parti en la matière.
* Par ailleurs, le « sondage » à Plaine Verte n’est pas très rassurant, semble-t-il. L’ampleur de la fronde qui s’est élevée et dirigée contre le Dr Beebeejaun en particulier, le Dr Kasenally et Asraf Dulull, qui ne répondraient pas, selon l’Association Solidarité Musulmane, aux attentes de l’électorat musulman est telle qu’elle a nécessité l’organisation d’un congrès nocturne vendredi dernier. Que se passe-t-il ?
L’organisation de congrès, nocturnes ou pas, fait partie des activités courantes et régulières du Parti travailliste – ainsi que d’autres partis. Nous avons aussi organisé dans la circonscription No 11, il y a deux semaines de cela, et il y en aura un autre le samedi 27 mars dans la circonscription No 10 à Bel Air. Il n’y a là rien de plus normal et cela fait partie intégrante du fonctionnement du Parti Travailliste sur le terrain, dans les différentes circonscriptions. Un congrès ne sert pas uniquement à mobiliser les troupes, il est aussi une démonstration de force. De ce point de vue, le congrès de la Plaine Verte a été pour le Dr Beebeejaun un succès sur toute la ligne : mobilisation de ses troupes par une présence massive des activistes de sa circonscription, et démonstration de force.
* Asraf Dulull perçoit le tandem Ramgoolam-Beebeejaun comme le « symbole du progrès ». A croire l’Association Solidarité Musulmane, l’électorat musulman serait d’un avis différent puisque le « progrès » dont parle Dulull ne bénéficierait qu’à une clique, à certains proches. Comment réagissez-vous à ces critiques ?
La perception du tandem Ramgoolam-Beebeejaun comme le symbole du progrès et de la solidarité reste largement présente et forte dans la communauté musulmane. Mais nul ne peut affirmer non plus, comme certains ont pu avoir tendance à le croire ou à le dire, l’existence d’un sentiment de satisfaction généralisé de la communauté musulmane. Il existe aujourd’hui au sein de la communauté musulmane un sentiment de meurtrissure, l’impression d’avoir été laissée sur la touche, d’avoir été sensiblement exclue des opportunités qui ont marqué le développement économique et social de notre société pendant les 5 dernières années.
En 2005, l’électorat musulman était enthousiaste à la nomination du Dr Beebeejaun comme Deputy Leader du Parti travailliste et voyait ce dernier comme le futur Deputy Prime Minister – ce qui est, avec la confiance que la communauté musulmane place en Navin Ramgoolam, une des raisons de l’abandon massif de son adhésion au MMM et son mouvement tout aussi massif vers le Parti travailliste. Cet enthousiasme et cette confiance attendaient avec impatience leur justification. Ce fut chose faite et confirmée après la victoire de juillet 2005 quand le Dr Beebeejaun fut nommé Deputy Prime Minister et Abu Kasenally et Asraf Dulull nommés à des ministères clés. En fait, après juillet 2005, un grand vent d’espoir soufflait sur la communauté musulmane après sa marginalisation pendant de longues années.
Aujourd’hui, cinq ans après, il serait illusoire de penser comme certains que ce vent d’espoir s’est transformé en sentiment de satisfaction. La communauté musulmane se perçoit comme étant toujours défavorisée par rapport à l’obtention d’emplois surtout au sein de la fonction publique et des corps para-étatiques, par rapport au développement de carrière, y compris en termes de promotion, par rapport à l’accès aux opportunités économiques et par rapport à sa promotion économique et sociale en général. En fait, certains ont chanté pendant trop longtemps « Tout va très bien Madame la Marquise » pour s’apercevoir à temps que le temps passait et que l’électorat musulman, qui représente une partie conséquente de l’électorat travailliste en 2005, s’enfonçait dans la déprime politique.
* Reza Issack a, lui, souhaité voir “la même configuration, avec Navin Ramgoolam comme PM et Rashid Beebeejaun comme VPM” lors des prochaines législatives. Est-ce cela qui va sécuriser l’électorat musulman et faire de sorte qu’il n’échappe pas au PTr ?
Comme je vous l’ai dit, je suis convaincu que la perception du tandem Ramgoolam-Beebeejaun comme le symbole du progrès et de la solidarité reste largement présente et forte dans la communauté musulmane. Navin Ramgoolam jouit dans toute la population, y compris dans l’électorat musulman, non seulement d’une très grande popularité, mais de la confiance de la population: son action au cours des cinq dernières années lui ont valu cette popularité et cette confiance. Rashid Beebeejaun jouit du même prestige et de la même popularité comme DPM au sein de la population. Mais il n’empêche que l’électorat musulman se sent insatisfait et abandonné. Ce n’est pas là un sentiment personnel que j’exprime, mais ma lecture des courants qui traversent depuis quelque temps déjà cet électorat musulman.
Cet électorat, comme tout autre électorat, est honnête, patriotique et réaliste. Il se rend tout à fait compte qu’un ministre musulman ne peut pas être un ministre exclusivement pour les musulmans, mais il s’attend légitimement à ce que ses doléances et ses attentes des institutions de l’Etat soient prises en compte par les ministres musulmans et soient ainsi véhiculées ou transmises ou satisfaites dans la mesure du possible. Cette situation est peut être désolante et peut sembler rétrograde pour certains. Mais, que voulez-vous, non seulement elle est vraie dans toutes les communautés ethno-religieuses du pays, mais elle fait partie des contraintes que nous impose la configuration démographique et sociologique de notre pays. Le nier ou en faire abstraction serait de la pure malhonnêteté.
C’est de ce point de vue que l’électorat musulman se sent délaissé et peut être même abandonné. Mais de là à rendre Rashid Beebeejaun personnellement responsable de cet état des choses, c’est un grand pas, ce serait injuste et injustifié. Je souhaite non seulement fortement voir la même configuration PM-DPM, Navin Ramgoolam – Rashid Beebeejaun, mais j’appelle la population en général à soutenir cette configuration – de loin la meilleure pour le pays. Mais il me faut quand même ajouter que la sécurisation de cet électorat ne pourra pas se faire uniquement par une configuration Navin Ramgoolam-Rashid Beebeejaun sans la prise en considération des autres échelons.
* On note également ces derniers temps, selon ce que rapporte la presse, un certain nombre de critiques dirigées contre la Tourism Authority qui, selon R. Bhagwan, serait devenue « une arme politique » de Xavier Duval – ce qui embarrasserait le PTr. Est-ce le cas ?
Qu’on le veuille ou non, et quoi qu’en dise qui que ce soit, la mise en marche de la mécanique, surtout d’une mécanique de service avec un large rayonnement comme la Tourism Authority et d’autres encore, d’un ministère qui remplit des fonctions de service public qui non seulement satisfait des besoins de la population, mais apporte aussi un capital politique au ministre qui contrôle ce ministère. En termes simples, la population apprécie ainsi le ministre en question pour un travail bien fait par le biais des moyens dont il dispose. Apres tout, un ministre est supposé utiliser au maximum les institutions de son ministère pour servir la population. Si cela est perçu comme l’utilisation d’une arme politique, so be it, où est le problème ?
Si cela embarrasse le Parti travailliste ? Autant que je sache, Xavier Duval et le PMSD font partie de l’Alliance sociale dont le leader et le Premier ministre est Navin Ramgoolam. Alors, where is the issue ?
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