« L’alliance politique entre le MMM et le MSM est de nature obscurantiste…
|Interview: Jack Bizlall
… c’est la troisième fois que l’oligarchie Jugnauth sera sauvée par le MMM »
Bérenger a verrouillé son conscient en y enfermant l’assertion qu’il ne peut être au pouvoir que par une alliance avec le PTr ou le MSM. Ce qui fait qu’il fera une alliance politique d’une façon ou d’une autre. Ces derniers temps, les médias ont délaissé l’affaire MedPoint pour se concentrer sur une alliance éventuelle entre le MSM et le MMM, et ce, contre la volonté des partisans du MMM. Jack Bizlall nous donne son avis sur ce rapprochement inattendu. Il se penche aussi sur la classe politique à Maurice qui, dit-il, tend résolument à favoriser l’idéologie politique des riches capitalistes au détriment de la masse. Il propose des alternatives afin d’enrayer plusieurs problèmes socio-économiques qui affectent le pays et qui risquent de s’aggraver avec la crise mondiale.
Mauritius Times : « Le ciel s’est éclairci, » nous dit Paul Bérenger, après sa rencontre avec les dirigeants du MSM, mardi dernier. Les « années lumières » qui séparaient ces deux partis se sont dissipées, et selon Pravind Jugnauth, ils vont maintenant s’atteler pour « apporter beaucoup de lumière au pays ». Comment avez-vous réagi devant cette prose de ces deux dirigeants politiques ?
Jack Bizlall : Rien ne s’éclaircit avec Bérenger. Il aime les eaux troubles. Il existe un Triumvirat électoraliste à Maurice avec Ramgoolam, Bérenger et Jugnauth. Ces personnes d’un autre temps, totalement inconscientes de ce qui se passe dans le pays, font la pluie et le beau temps et manipulent leurs électorats tant il est facile de manipuler des gens aliénés. Ils les forcent à prendre des positions politiques partisanes de nature psychédéliques. Ces personnes innocentes sont souvent sous l’effet des hallucinations, provenant d’un « nissa » particulier à suivre ethniquement et pulsionnellement leur leader politique, que seules les mythologies grecques, romaines et indiennes peuvent expliquer.
Ils ne font pas de la prose pour expliquer ce qu’ils veulent faire du pouvoir. Ils font de l’antipoésie en nous imposant la répétition infinie d’une musique provenant d’un disque rayé. Ils proposent les mêmes règles d’une action politique opportuniste et grotesque en alternant alliances et ruptures, et en faisant des attaques suivies par des mamours l’un envers l’autre. C’est indigeste et burlesque.
Il y a une forme de soumission du MMM au MSM et une dépendance du MSM, dans la conjoncture actuelle, au MMM. Nous sommes dans une situation absurde où quelqu’un qui dépend d’un autre peut, en même temps, jouir de la soumission de cet autre. C’est absurde. En parlant de lumière, je trouve que l’alliance politique entre le MMM et le MSM est de nature obscurantiste. C’est la troisième fois que l’oligarchie Jugnauth sera sauvée par le MMM. Un MSM qui n’est pourtant soutenu que par un infime pourcentage de l’électorat. Ce n’est pas uniquement absurde, c’est hallucinant !
* En attendant que la lumière soit, Bérenger et Jugnauth ont fait comprendre qu’ils vont diriger leurs canons sur le gouvernement, et en plus, ils annoncent un big bang politique pour bientôt. De quoi peut-il bien s’agir ? Un retour de Sir Anerood Jugnauth dans l’arène politique, sa désignation comme candidat au poste de Premier ministre aux côtés de Ashock Jugnauth, Madun Dulloo, Pradeep Jeeha – ça, ce serait du « big-bang », n’est-ce pas ?
Analogie pour analogie, voyons ce que nous proposent les théories cosmologiques. Il y a bien sûr la théorie du Big-bang qui explique la création et l’expansion de l’Univers ; le Big Crush de son implosion ; le Big Freeze suivant la mort de tous les Soleils, et enfin le Big Rip avec une expansion à l’infini produisant la grande déchirure de tout ce qui existe.
Je crois que ce sera tout simplement un Big-flop. Ce n’est ni crédible, ni sensé de voir Anerood Jugnauth de nouveau en politique active. Pensez-vous qu’il va quitter le Réduit qui lui permet de penser qu’il est Roi de droit pour sillonner le pays en compagnie de Bérenger jusqu’en 2015 ? Pensez-vous qu’il va être accepté par la population ? Pensez-vous que Bérenger va se complaire dans une situation politique où il ne sera que le bouffon du Roi ? Certains, d’ailleurs, pensent que le MMM doit aller seul aux élections. J’ai écouté Jeeha à la radio cette semaine.
Je suis d’opinion que Ramgoolam doit partir pour d’autres raisons. Je suis d’avis que le MSM doit disparaître. Je suis d’avis que le MMM n’a plus rien à proposer qui soit différent du PTr. Il faut donc cesser de penser politique comme le Triumvirat nous l’impose. Que ceux qui pensent changer les choses commencent à réfléchir sur une autre politique par d’autres propositions et par un autre savoir-faire.
* Reste à voir si l’électorat du MMM va suivre leur leader au cas où ce dernier s’inclinerait devant les exigences du MSM concernant le poste de Premier ministre pour cinq ans. Si la question ne se pose pas pour le MMM quand il s’agit de Pravind Jugnauth, et ils l’ont fait comprendre, qu’en est-il pour SAJ ?
Tout est possible au MMM. Même l’impensable. Mais, comme je vous l’ai dit, je ne vois pas Anerood Jugnauth retourner en politique. D’ailleurs, il prendrait des risques pour sa santé. Il faut avoir une obsession du pouvoir pour dérailler de la sorte, d’autant plus que la pérennité de l’oligarchie dont il est le symbole n’est pas assurée.
* Il semblerait, d’autre part, que le MMM ait discuté alliance avec le PTr également, ces derniers temps ce qui laisse croire que Bérenger serait en train de « leverage » ses discussions avec l’un pour arracher des concessions de l’autre – pour finalement forcer une lutte à trois…
Bérenger ira seul aux élections uniquement s’il n’a pas d’autres possibilités. Il a verrouillé son conscient en y enfermant l’assertion qu’il ne peut être au pouvoir que par une alliance avec le PTr ou le MSM. Ce qui fait qu’il fera une alliance politique d’une façon ou d’une autre. Or Ramgoolam et les Jugnauth n’ont pas confiance en lui. Ça, c’est certain.
Dans un cadre où la confiance n’existe pas, les propositions politiques ne se construisent pas rationnellement par des analyses objectives et des stratégies soutenant des objectifs clairs. Ce qui explique la confusion et les magouilles émanant des actions manœuvrières.
On n’a pas tout vu. Mais j’espère que les hommes et les femmes libres en ont assez vu et je souhaite qu’ils cessent de soutenir telle alliance aujourd’hui pour soutenir une autre après. J’en ai assez de ces pirouettes insipides.
* Que pensez-vous de la toute récente démarche de Navin Ramgoolam qui recherche maintenant l’apaisement ? Est-ce un homme acculé, qui ne dispose pas, en fait, de beaucoup de cartes en main ?
Ramgoolam est une déception. Déception en tant qu’homme pensant. Déception en tant que dirigeant ayant un savoir-faire politique. Déception en tant que visionnaire, en tant que créateur et en tant qu’homme décomplexé, s’éloignant des pratiques obscurantistes. Il n’est pas à l’écoute de la population. Il n’est pas capable de maintenir des rapports d’égalité avec son entourage. Il est comme cet élève qui frappe ses camarades sans discernement mais qui se permet de réclamer l’amnistie après le moindre coup reçu. Ce n’est pas possible.
Les cannibales tirent un double plaisir au moment de manger leur chef quand il devient faible. J’ai déjà dit dans une de mes interviews que Ramgoolam s’affaiblit de plus en plus et il n’est pas loin de voir surgir un adversaire au sein même du PTr. Il y a au moins une personne qui voudrait le remplacer mais il n’a pas le courage de le faire. Un jour ou l’autre, Ramgoolam partira. Comme son père. Il est préférable qu’il parte maintenant. Il y aura moins de dégât.
* L’opposition MMM-MSM va sans doute diriger ses canons sur le gouvernement avec la reprise parlementaire, la semaine prochaine. L’affaire Khamajeet, l’arrestation et le décès en cellule de A. K. Ramdhany, les contrats alloués à Betamax, la nomination de la fille de Hervé Aimée à la Local Government Service Commission… sont-elles des questions pouvant faire vaciller un gouvernement et forcer des élections anticipées ?
Notre Constitution, nos lois et nos institutions ne permettent pas que ces affaires de l’Etat débouchent sur le départ du gouvernement. Souvent, j’entends des conneries sur notre système politique. Nous sommes fiers de dire que nous avons adopté le système britannique. Je mets au défi qui que ce soit de soutenir une telle allégation. Tel n’est absolument pas le cas. Un système politique repose sur une Constitution, des traditions, une histoire, une civilisation…Les nôtres ne sont pas les mêmes que les britanniques.
Nous croyons, d’autre part, avoir un système républicain avancé. Tel n’est pas le cas non plus. Le pouvoir au peuple ne se résume qu’à voter des députés ou des partis politiques qui assument leurs responsabilités sans avoir à rendre compte au peuple pendant leur mandat parlementaire ou gouvernemental. Il n’existe pas de système de révocation par le peuple. Seul le Premier ministre décide de la date des élections.
Ramgoolam ne va pas dissoudre volontairement l’Assemblée nationale. Il n’y a que trois possibilités pour que cela arrive : soit par des manifestations populaires contre lui, soit par un vote contre lui à l’Assemblée nationale, soit par l’implosion ou la cassure du PTr.
Son père a échappé à ces trois actes. On a eu plusieurs manifestations populaires et il a réagi en renvoyant les élections. Il a échappé à un vote contre son budget. Il a pu parer au départ d’un groupe parlementaire du PTr mené par Ghurburrun contre lui en collaboration avec Bérenger. Il a encouragé le transfugisme. Ramgoolam pense qu’il peut émuler son père.
Il a des indications sur sa popularité à partir d’un récent sondage et il sait qu’il risque de perdre des élections anticipées. Cela est quasiment certain. Le problème pour lui est tout simple. S’il arrive à faire une alliance avec le MMM, il n’a aucune raison d’aller aux élections avant l’heure et s’il y va, alors c’est qu’il aurait déjà conclu une telle alliance post-électorale.
* D’autres questions qui méritent d’être débattues mais qui malheureusement ne semblent pas figurer sur l’agenda des hommes politiques : l’Equal Opportunities Act, les « super-profits » des banques, l’emprise de France Telecom sur Mauritius Telecom, la crise économique qui s’annonce et qui, dit-on, sera pire que 2008, etc. On n’en parle pas…
J’ai la conviction que ceux qui nous dirigent sont soit aveugles et sourds ou de véritables crapules. Soit ils ne voient pas ce qui se passe dans le pays ou ils refusent d’écouter la population et imposent une politique qui nous fait un grand tort.
Dans les faits, ils laissent le pays à la dérive sous le contrôle de ceux qui s’enrichissent et qui accaparent tout. Graduellement, les Mauriciens et les Rodriguais, ne se retrouvent plus dans notre société et les jeunes veulent quitter le pays. Les Chagossiens partent déjà.
Mais ce qui est dangereux, c’est que nous voyons de plus en plus des organisations sectaires et des individus créer un pouvoir parallèle et dangereux. Personnellement, je suis choqué par ce qui se passe dans certains milieux. La situation devient de plus en plus grave. L’insécurité s’installe partout peu à peu. Les riches se construisent des oasis jusqu’au milieu des champs de cannes avec des murs de plus de 12 pieds de haut et un service de sécurité 24 heures sur 24. Quant aux pauvres, ils sont entassés dans les faubourgs des villes et subissent l’insécurité sous toutes ses formes. Nos dirigeants n’analysent-ils pas la nature des agressions et des crimes qui deviennent de plus en plus nombreux et sauvages ?
Par ailleurs, la crise de l’endettement qui frappe l’Europe et les Etats-Unis va certainement nous frapper d’une manière ou d’une autre. Il y a déjà une récession économique mondiale qui s’amplifie de mois en mois. Nous n’avons pas su développer notre économie réelle et nous dépendons trop du pouvoir d’achat de la population des pays riches, essentiellement pour le tourisme et l’industrie textile.
* Que pensez-vous du prochain budget ? Le nouveau ministre des Finances sera-t-il à la hauteur des espérances, selon vous ?
C’est la première fois que nous avons un comptable à la tête de ce ministère. Je crois qu’il est temps que l’on fasse un bilan des critiques de l’auditeur du gouvernement et que l’on apporte les rectifications nécessaires. Tout un chapitre de son discours doit être consacré à une mesure très importante: éliminer toutes les sources de gaspillage, de vol et de fraude. Ainsi, une masse énorme d’argent ne serait plus détournée. Cet exercice, aucun ministre des Finances n’a voulu ou n’a pu le faire. Pourtant, ce que la société perd est énorme.
A la place du nouveau ministre des Finances, j’appliquerais une politique de décroissance du gaspillage et du détournement des fonds publics. Tout un chapitre doit être consacré à mettre de l’ordre dans les corporations d’Etat et les compagnies contrôlées par l’Etat. La situation est catastrophique dans certaines de ces institutions. Je crois que personne ne se rend compte que nous perdons beaucoup de ressources et de moyens pour assurer notre développement.
Le secteur privé risque de tout prendre par la privatisation. Or, ces secteurs assurent trois choses : des services essentiels, la création d’emploi et un niveau de salaire deux à trois fois inférieur à celui appliqué dans le secteur privé. Il est temps de mettre de l’ordre dans ces secteurs.
Par ailleurs, notre économie repose sur la masse salariale. Si les salaires baissent et que le chômage s’accroît, c’est la crise. Notre société repose sur les services assurés par l’Etat et certaines corporations. Quelqu’un peut toucher un bas salaire, mais il est encadré par un système de santé, d’éducation, de transport, d’allocations, et ainsi de suite, ce qui le soutient considérablement. Or, quand on laisse dépérir ces services, quand on menace de les réduire, de les privatiser… on menace objectivement notre stabilité sociale.
Par conséquent, j’aurais étudié particulièrement nos sources de revenus pour financer le budget. Il faudrait taxer plus ceux qui ont de gros revenus (individus, familles et compagnies) pour consolider la base de notre Welfare State. C’est indispensable.
Ensuite, il faudrait relancer nos deux secteurs de production. On est trop dans le secteur hors production. Il faut rétablir les choses et relancer notre industrialisation et notre agriculture. Malheureusement, nous n’avons pas un ministère du Plan. Il faut beaucoup investir dans le secteur de production et décroître l’investissement dans le secteur hors production et outremer. Or, je constate que les capitalistes mauriciens investissent dans l’agriculture à l’étranger et bien moins dans le pays. C’est dramatique. Je pense pour 2011 qu’il faudrait se concentrer sur le secteur touristique, le secteur bancaire et le secteur agricole.
* Parlons du secteur touristique. Voilà un secteur qui va subir la crise de plein fouet, dit-on. Qu’en pensez-vous ?
Il y a des choses assez étranges qui secouent ce secteur. Ça ne va pas. C’est le seul secteur sur lequel nous avons un contrôle direct. Le tourisme, c’est la vente de nos plages, de nos lagons, et de notre littoral (constituant notre patrimoine commun). C’est aussi la vente de la culture mauricienne, de la gentillesse de la population, du sourire des travailleurs, de toute notre infrastructure économique et de notre dignité. Mais le tourisme, c’est aussi la cause de notre développement inégal, de la destruction de notre environnement, de l’expropriation de notre patrimoine commun, du bouleversement de notre sérénité sociale, et il est aussi à la base de la fracture sociale à Maurice.
Nous avons deux sources de problèmes à régler. Les problèmes exogènes : crise de l’euro, crise économique mondiale, baisse du pouvoir d’achat de la classe moyenne qui voyage, concurrence venant des autres pays, nouvelles exigences des touristes, non contrôle des marchés, problèmes de transport aérien, etc. Il faut resituer le rôle d’Air Mauritius…
On peut bien dire que nous attendons 980,000 touristes cette année pour des revenus de 42.5 milliards de roupies, ce secteur n’est pas créateur d’emplois (seulement 27,500), les travailleurs sont mal payés, et je pense que nous construisons trop d’hôtels. Il existe 115 hôtels (12,000 chambres et 24,500 lits). Il faut oublier le projet de faire venir 2, 000,000 de touristes. Une telle croissance serait catastrophique pour nous et notre environnement social et naturel.
A-t-on vérifié les faits suivants :
– Est-ce que la croissance de nos revenus touristiques par l’adoption d’une politique touristique bas de gamme est défavorable au pouvoir d’achat de la population compte tenu de l’impact de la consommation de ces touristes ?
– Quelles seront les conséquences du tourisme bas de gamme et parasitaire sur notre société ?
– Dans quelle mesure y a-t-il un contrôle sur les investissements et les tarifs hôteliers ?
Voit-on ce que je constate : une anarchie des investissements et des tarifs hôteliers, par exemple. Je visite intensivement le pays pour voir ce qui se passe. Nos dirigeants se complaisent à décider à partir de leurs bureaux. C’est dramatique.
Il y a aussi les problèmes dont on ne parle pas : destruction de notre espace naturel, les dossiers troublants de l’allocation des terres de l’Etat ; absence de stratégie dans les rapports entre nature, loisirs, repos et culture ; absence de politique pour résoudre les problèmes liés à l’insécurité, aux mœurs et à la violence.
* Vous voulez dire qu’il y a une absence volontaire de politique en faveur des masses ou parlez-vous d’un manque de compétences pour diriger le pays dans ce sens?
Je ne suis pas élitiste. Mais je pense que celui qui veut diriger ce pays doit posséder un savoir et un savoir-faire politique important. Il faut qu’il soit créatif. Il doit s’intéresser à tout. Il doit aussi avoir une position de classe en faveur des masses. Ce qui nous manque énormément en ce moment. Le gouvernement ne fait rien, n’a aucune direction et plus grave, agit contre l’intérêt commun. C’est dans ce sens que je dis que Ramgoolam doit partir. Il est dépassé par ce qui se passe. C’est quelqu’un qui a abdiqué ses responsabilités et qui se laisse diriger par quelques technocrates de son ministère et du secteur privé.
Il faut à tout prix défendre une stratégie de développement qui repose sur l’économie réelle, l’investissement dans le secteur de production avec l’autonomie énergétique et alimentaire comme perspectives.
Il faut défendre une démocratie politique qui repose sur une redistribution des terres, le soutien aux petits producteurs, aux collectifs autogérés et aux fermes intégrées. Dans le domaine agricole et alimentaire, il faut la création de milliers d’emplois rémunérateurs pour faire avancer les choses.
Il faut défendre avec force la politique suivante : l’Etat doit s’impliquer dans l’accumulation de ressources et prôner une autre politique d’investissement et de gestion du pays. Par une politique de taxation de ceux qui utilisent la richesse produite par les travailleurs pour leur consommation personnelle démesurée et pour des investissements qui sont contraires à l’intérêt commun. Il faut une gestion alternative de l’Etat. Nos fonctionnaires ont un rôle très important à jouer dans la construction de notre société. Je suis outré par la petitesse d’esprit de nos dirigeants. Surtout les recrutements au niveau intermédiaire et les nominations à la tête de nos corporations.
Il faut combattre la société d’apartheid qui se construit dans notre pays. Il faut visiter le littoral (le Blue Belt), les villages privés (les Blue Hubs) et les centres de consommation et de loisirs pour les riches (les Blue Clubs, les Blue Shops et les Blue Restaurants). Je qualifie ces endroits de la sorte tout simplement parce que ces riches se croient de sang bleu. Notre société se casse en deux d’une façon raciste. Raciste dans le sens que ceux qui ont de l’argent se croient supérieurs aux autres membres de la population et vivent en autarcie comme c’est le cas pour les Blancs et les dirigeants de l’ANC en Afrique du Sud qui se construisent des paradis terrestres dans un environnement abandonné à la misère. Visitez Trou aux Biches et Tamarin et vous comprendrez ce qui se passe dans ce pays !
* Vous touchez un point sensible, les profits énormes cumulés par certaines banques ?
C’est un scandale monumental. Non seulement nos banques sont beaucoup plus intéressées par leurs activités offshore, mais elles vampirisent aussi les revenus des entreprises et des ménages.
Analysons d’abord la situation de la Mauritius Commercial Bank. Voila une banque qui a un share capital de Rs 2,6 milliards qui se permet de faire un profit après taxation de Rs 4,5 milliards et qui paie des dividendes de Rs 1,3 milliards pour ajouter à ses réserves de Rs 9,7 milliards (2010), la somme de Rs 2,5 milliards, ce qui valorise considérablement la valeur des actions.
Tout ce vampirisme émane des dépôts de Rs 125 milliards. Personne ne dit rien à la Banque de Maurice et au gouvernement. Comment expliquer des revenus de l’ordre de Rs 1.5 milliards comme Fees & Commission ? Comment expliquer les 5% de différentiel entre les intérêts reçus et les intérêts payés ? 1 % représente un gain de presque Rs1 milliard.
La Banque de Maurice joue au yo-yo avec le Key Repo Rate. Alors que nous aurons une inflation de plus de 6.6 % cette année, Bheenick dit que « Les épargnants sont en train de subventionner les emprunteurs ». J’affirme que les épargnants et les entrepreneurs sont en train d’être agressés par les banques. Allez voir ce que réclament les banques aux ménages et aux entreprises en difficultés, en termes de taux d’intérêt à l’emprunt. Déjà avec la dépréciation de la Roupie, les travailleurs subventionnent les entreprises à l’exportation…
Quand on parle de Foreign Direct Investment, je suis choqué. Personne ne fait une analyse entre l’argent qui entre dans le pays et l’argent qui en sort. Les capitalistes mauriciens investissent gros à l’étranger au détriment de notre secteur de production. C’est une première catastrophe.
Ensuite, nos entrées en devises pour la vente du pays aux étrangers sont comptabilisées comme des investissements. Dans les analyses, on ne prend même pas en compte les effets de ces investissements sur le prix des terrains, le coût de construction et leurs impacts socio-économiques.
Je peux donner une description désastreuse de ce qui se passe à Maurice mais je me demande si personne ne voit ce qui est pourtant si évident. * Revenons aux compétences nécessaires pour diriger le pays aujourd’hui. Voyez-vous une relève à l’horizon ?
Je pense qu’il y a des hommes et des femmes au Parlement qui peuvent dire les choses autrement. Les Boolell, Li Kwong Wing et autre Bodha, ne sont pas imbéciles. Mais notre structure de démocratie parlementaire et notre démocratie au sein des partis politiques n’encouragent pas un vrai débat indépendant. La soumission volontaire des uns, le lèche-bottisme des autres font que nous passons notre temps à rester silencieux et à discuter quelle sera la prochaine alliance politique.
Je constate que les jeunes sont conscients de ce qui se passe. Symboliquement, ils vont balayer devant l’Assemblée nationale en attendant d’en balayer l’intérieur politiquement. Ils organisent des visites à travers le pays pour constater ce qui se passe de visu. Je dis à Peerally et à sa bande : « Allez-y, vous êtes dans la bonne voie. »
* Published in print edition on 14 October 2011
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