« Il n’y a pas d’axe Forget-de l’Estrac et moins encore un axe l’express-MCB »
|Interview : Jean-Claude de l’Estrac
* « Les journalistes de ce pays doivent comprendre que la nomination d’un homme indépendant par le pouvoir politique ne le transforme pas en vassal »
* « Que la BAI achète Le Dimanche, Star, Impact, qu’elle lance de nouveaux produits, c’est son droit le plus strict ; mais il me semble que les lecteurs de ces médias devraient le savoir »
Liberté de la presse. Liberté des journalistes. Liberté de certains journaux et asphyxie de certains autres ? La presse est toujours à la une, cela depuis les dernières élections générales. L’express en particulier a fait l’objet de critiques de la part des politiciens de divers partis politiques et principalement du Premier ministre lui-même. Jean-Claude de l’Estrac, un des hommes forts de ce groupe de presse, nous en parle…
Mauritius Times : Navin Ramgoolam l’avait pourtant laissé échapper durant la dernière campagne électorale : il suffit d’avoir l’express et Week-end contre soi, lui disait à l’époque Sir Gaëtan Duval, pour arracher une victoire électorale. Or l’express s’est prêté à ce jeu (en s’installant aux côtés de Grégroire et de Bérenger) et Ramgoolam a obtenu ce qu’il recherchait : la victoire. Vous vous êtes donc fait avoir, n’est-ce pas ?
Jean-Claude de l’Estrac : Les propos des politiciens que vous citez appartiennent à la rhétorique de la propagande. Et ils sont caricaturaux. L’express n’a jamais fait campagne pour un parti politique, sauf en 1967 pour le Parti de l’Indépendance. Vous en souvenez-vous ? J’entends les Travaillistes raconter que l’express a fait campagne en faveur de Bérenger aux dernières élections ; vous savez quoi ? Bérenger dit, lui, que l’express a fait gagner les Travaillistes… Peut-être !
Bérenger fait remarquer que des éditorialistes de l’express avaient souvent affirmé, au cours de la campagne électorale, que le bloc qui apparaîtrait pouvoir gagner les élections, allait effectivement les gagner. Or, à trois jours du scrutin, l’express a annoncé que l’Alliance de l’Avenir avait nettement gagné la bataille des foules du 1er mai. Ce qui était un fait mais aussi une manière de dire que les Travaillistes allaient gagner les élections. Au plan de l’analyse, permettez que je cite ce que j’avais écrit, le 2 mai : « Elle (l’opposition) ne fait pas figure de vainqueur même si l’inquiétude a changé de camp. Il lui restait une chance, les meetings du 1er mai. Pour vraiment renverser la vapeur, il eût fallu, pour l’opposition, un immense succès d’affluence, attirer incontestablement la plus grosse foule. Cela n’a pas été le cas. » Et quant à Grégoire, j’avais prévu que son impact ne serait pas d’une « grande ampleur. »
Même si nous n’avons fait que notre métier, Ramgoolam devrait peut-être dire merci…
* Mais vous ne vous attendiez pas à cette victoire de l’Alliance de l’Avenir, n’est-ce pas ? Cela vous a laissé perplexe, comme dirait l’autre, alors qu’il vous semblait que l’affaire était dans le sac surtout après le « build-up » autour de l’affaire de « trahison » par rapport à Sithanen ?
Erreur ! Vous avez une mémoire très sélective. J’avais prédit tout à fait la victoire de l’Alliance de l’Avenir malgré les apparences de contestation sur le terrain pendant la campagne électorale.
Voilà ce j’ai écrit : « … Ramgoolam et ses alliés abordent ces élections dans un contexte socioéconomique plutôt favorable. L’érosion du pouvoir d’achat est sans doute un sujet de mécontentement pour beaucoup d’électeurs, la détérioration du climat sécuritaire inquiète sans doute les Mauriciens, l’avenir économique leur paraît incertain, encore plus sans Sithanen pour sortir Ramgoolam du pétrin. Mais ces inquiétudes ne semblent pas traumatisantes au point de pousser une majorité d’électeurs à prendre le « risque » d’un changement historique. » C’est clair, non ?
J’avais aussi écrit : « Ramgoolam s’appuie sur un ensemble de facteurs favorables qui le portent. D’abord – personne ne doit en douter –, dans ces élections qui consistent principalement à désigner un homme pour diriger le pays, Navin Ramgoolam est le choix naturel et passionnel d’une importante fraction de l’électorat. » Vous le voyez bien, ça c’est de la lucidité, pas de la perplexité.
Pour le reste, oui, je considère que Sithanen a été trahi par Ramgoolam ; mais il n’est pas le seul et il ne sera pas le dernier…
* Mais que faites-vous des estimations des foules, très contestées, faites par l’express, suivies par le boycott du MSM, l’affaire de bookmaker et la cote du PTr, les reportages presque quotidiens de votre journal concernant les « difficultés » rencontrées par les candidats travaillistes sur le terrain lors de la dernière campagne électorale avec pour objectif d’influencer l’électorat flottant – cela après que le « rassembleur » eut choisi l’option MSM, contrairement à votre conseil en faveur d’une alliance PTr-MMM ?
Restons près des faits, pas la peine de poursuivre la campagne électorale.
D’abord, je corrige une fausseté qui a été répétée ad nauseaum ces dernières semaines : j’aurais pris apparemment position en faveur d’une alliance PTr-MMM. Quand ? Où ?
La seule fois où j’ai explicitement parlé des relations Travaillistes – MMM, dans la presse écrite, c’est dans les colonnes de votre propre journal. Nous parlions d’histoire politique à la suite de la parution de mon dernier livre ‘Passions politiques’. J’avais évoqué les relations ambiguës du MMM avec le Parti travailliste, les nombreuses tentatives d’alliance entre les deux depuis 1972. Et j’ai déclaré – ce qui est incontestable – il n’y a idéologiquement et fondamentalement aucune différence entre ces deux formations. J’ai ajouté : « c’est la raison pour laquelle elles auraient mieux fait de chercher ensemble les solutions aux problèmes du pays au lieu de s’inventer des différences qui n’existent pas. » J’ai une fois repris ces mêmes propos dans un éditorial. C’est tout, et cela s’appelle une analyse, pas une prise de position politique.
Deuxième accusation : les reportages de l’express sur les difficultés rencontrées par les candidats de l’Alliance de l’Avenir. Et alors, fallait-il les taire ? Là encore l’express n’a fait que son travail : au début de toute campagne électorale, les sortants sont presque toujours la cible d’électeurs frustrés, certains plus que d’autres. Beebeejaun a connu des difficultés, l’express en a parlé, le journal pro-gouvernemental Star en a fait de même ; Faugoo a connu des difficultés, l’express en a parlé, Ramgoolam aussi très ouvertement. Je sais que Ramgoolam a eu très peur. Vous-mêmes, n’êtes-vous pas au courant des difficultés des ministres sortants lors de la première phase de la campagne ? Cela se passe ainsi dans toute campagne électorale ; et d’ailleurs, en fin de compte, en terme de suffrages exprimés, le résultat final est effectivement serré, et en terme de sièges, loin des 60-0 annoncés par Ramgoolam.
Là où il y a eu erreur – je sais qu’elle a été commise de bonne foi –, c’est dans l’histoire très anecdotique des paris illégaux chez les bookmakers. L’erreur du journaliste a été corrigée. Entre parenthèses, ce qui est surprenant, c’est un Premier ministre qui demande aux électeurs de consulter la cote des partis chez des bookmakers qui organisent des paris illégaux…
* En tant que vieux routier dans le domaine politique, vous êtes sans doute conscient que ce qui sépare Bérenger et Ramgoolam est souvent conjoncturel ; les deux hommes, ayant tous deux maîtrisé l’art du possible, peuvent demain se retrouver sur la même plate-forme, et il est donc imprudent aux journalistes de faire de la politique à partir d’une salle de rédaction ou de se faire homme de bon conseil auprès des politiques, n’est-ce pas ?
Si on vous veut du mal, on pourrait dire que vous êtes partisan d’un rapprochement Ramgoolam-Bérenger. Vous trouvez donc que ce qui sépare Bérenger et Ramgoolam n’est que de nature conjoncturelle, vous trouvez que les deux hommes pourraient se retrouver sur la même plateforme. Quand vous le dites, c’est de l’analyse, quand je le dis, c’est de la politique. Heureux Madhu !
* Vous affirmez dans l’express en date du 1 juin 2010 « qu’il est possible pour un éditorialiste d’avoir avec le Premier ministre (…) des relations polies et même amicales sans jamais renoncer à sa liberté de penser et à son sens critique ». Est-ce vraiment possible, M. de L’Estrac, lorsqu’on se met à gérer, d’une certaine manière, le pouvoir en acceptant de présider une institution du pouvoir — l’Empowerment Programme –, alors que le rôle premier de la presse, fut-elle « nationale » et « indépendante », est de jouer au contre–pouvoir ?
Posons d’abord le problème au plan du principe, avant de parler des personnes. Il y a, dans notre système de gouvernance à Maurice, un certain nombre d’institutions dont la loi prévoit qu’elles doivent être dirigées par des citoyens indépendants. Les gouvernements cherchent ainsi à s’assurer que ces institutions se mettent au service de l’ensemble de la nation, sans esprit partisan. A charge pour ces dirigeants indépendants de préserver leur indépendance. Je vous l’accorde, tous ne le font pas. Mais le principe reste valable.
Quand l’Empowerment Programme a été créé, le Conseil des ministres avait décidé que le nouvel organisme devrait être dirigé par un conseil d’administration mixte secteur privé-gouvernement et que son Président devrait être une personnalité indépendante venant du secteur privé. C’est ce que le Premier ministre et le ministre des Finances m’ont indiqué quand ils sont venus solliciter mes services. Ramgoolam m’avait déclaré qu’il appréciait en moi l’homme indépendant qui avait tout de même une expérience des choses de l’Etat. Les journalistes de ce pays doivent comprendre que la nomination d’un homme indépendant par le pouvoir politique ne le transforme pas en vassal, sauf chez ceux qui en ont la propension. Ce n’est pas mon cas.
D’autre part, cela fait 5 ans que je n’exerce plus d’activités journalistiques. Eh oui ! Raj Meetarbhan est le rédacteur en chef de l’express depuis décembre 2005. Le journal compte maintenant deux autres rédacteurs en chef, Gilbert Ahnee et Touria Prayag. L’express-dimanche, chacun le sait, c’est Rabin Bhujun. Sans compter les fortes personnalités que sont les Deepa Bookhun, Nazeem Essoof, Nicholas Rainer. Quant à moi, ce qui reste encore de mon passé de journaliste, c’est la publication d’un papier d’opinion de temps en temps.
C’est alors que j’exerçais des fonctions de gestionnaire, – directeur exécutif — que j’ai aussi servi le pays ainsi pendant près de trois ans avec l’aval de mon conseil d’administration et – bénévolement – contribuant à faire de l’Empowerment Foundation un puissant outil de lutte contre la pauvreté, sans renier un iota de ma liberté de pensée, ce qui d’ailleurs mettaient en rage ministres et apparatchiks du Parti ttravailliste.
* Gilbert Ahnee avait tort de s’en prendre à vous à ce propos lorsqu’il était toujours en poste à Le Mauricien ? Il a compris…
Tout à fait tort. Mais Gilbert appartient à la race de journalistes qui se tiennent à distance des politiciens dont ils se méfient. Moi, je n’ai pas de problèmes à les gérer ; c’est dû sans doute à mon parcours personnel, et puis peut-être aussi, je m’en excuse, à une grande confiance en soi.
* Vous affirmez également dans un éditorial (26 mai 2010) que le boycott de l’express par le gouvernement date de quatre ans déjà – au départ à travers Mauritius Telecom, suivi par celui déclenché à travers Air Mauritius, et qu’il n’est pas motivé par un « soi-disant parti pris de l’express durant la récente campagne électorale ». Comment peut-on accepter malgré tout de présider une institution de l’Etat alors que les journaux du groupe La Sentinelle subissent un boycott « systématique », dites-vous, de la part de l’Etat qui vise « à terme l’asphyxie » de ces journaux ?
J’avais commencé à présider les travaux du conseil d’administration de l’Empowerment Programme avant l’ordre de boycott gouvernemental. Le boycott publicitaire du gouvernement et de Mauritius Telecom au détriment de La Sentinelle a commencé peu après, en juillet/août 2006. Rien à voir évidemment avec la récente campagne électorale, mais tout à voir, comme vous le dites, avec le rôle de « contre-pouvoir » d’un journal indépendant, mais peut-être aussi des motivations plus sournoises.
Quand La Sentinelle s’est rendue compte, des mois plus tard, que le boycott qui avait commencé de manière insidieuse, était devenu systématique, organisé, et prouvable, nous avons pris la décision de poursuivre le gouvernement pour violation de nos droits constitutionnels. L’affaire suit son cours. A partir du moment où le procès a été instruit, j’ai démissionné de l’Empowerment Foundation. Je n’ai jamais entendu un mot d’appréciation de Ramgoolam ou de qui que ce soit. Et pourtant au moment de ma nomination, l’Empowerment Programme était une coquille vide. Il est tellement valable aujourd’hui qu’on en a fait un ministère.
* Au fait, la posture oppositionnelle de l’express a fait l’affaire de Ramgoolam, et il semblerait que le conseiller-confident que vous aviez été durant les cinq dernières années se retrouve aujourd’hui en mauvaise posture vis-à-vis des actionnaires de La Sentinelle. Est-ce exact ?
Vous lisez de la mauvaise prose. C’est quoi la « posture oppositionnelle » de l’express ? Voulez-vous que je vous cite tous les papiers « oppositionnels » à Ramgoolam publiés dans le Mauritius Times ? C’est toujours pareil : quand vous-mêmes et vos collaborateurs critiquent, ils analysent, quand l’express analyse, il s’oppose. Allons donc !
Et puis, je ne suis pas en mauvaise posture. Je ne peux que me flatter de pouvoir toujours compter sur le soutien indéfectible de la très grande majorité des 500 actionnaires de La Sentinelle. Je viens d’être élu Président du conseil d’administration au mois de mars, et j’ai eu l’occasion d’apprécier très récemment encore la totale solidarité de tous les administrateurs.
* Vous affirmez donc que vous bénéficiez toujours du soutien de la grande majorité des actionnaires de La Sentinelle qui ont été — et le sont toujours — confortables avec le ton et la politique rédactionnelle de l’express ?
Je vous corrige : le ton et la politique rédactionnelle de l’express ne sont pas, chez nous, l’affaire des actionnaires. La ligne éditoriale de nos publications, définie une fois pour toutes par les pères fondateurs de La Sentinelle, c’est l’affaire, au jour le jour, des journalistes. C’est la directrice des publications qui est chargée de faire respecter cette ligne. Les journalistes — ils peuvent en témoigner — exercent leur activité en toute liberté et ne doivent aucun compte aux actionnaires. C’est la grande force des publications de La Sentinelle. Le jour où des actionnaires – des individus ou des groupes financiers – parviendront à investir les salles de rédaction, les journalistes sont morts.
* Il semblerait cependant que certains actionnaires en veulent à votre peau. Vous nous diriez que ce sont des « frustrés » qui agissent comme des ‘snipers’ embusqués agissant pour le compte d’un quelconque prédateur…?
Oui, quelques rares actionnaires m’en veulent. Je les connais, ils me connaissent… Si certains souhaitent se mettre dans les bons papiers du pouvoir, c’est leur droit. Par curiosité, j’ai vérifié, l’autre jour, le poids d’un de ceux dont le nom paraît à la une de certains journaux : il vaut 0,03%. Pensez-vous qu’il va m’empêcher de dormir ? Maintenant, si des actionnaires militent, par exemple, pour obtenir davantage de dividendes, cela est de bonne guerre. Mais ce n’est pas moi qui décide, c’est le conseil d’administration, élu chaque année par l’assemblée générale des actionnaires.
* Il s’agit donc d’une affaire de dividendes, de sous qui motiverait ces « frustrés ». Rien à voir avec la gestion de La Sentinelle ou quelque mainmise ?
Beaucoup de jalousie, d’envies, de complexes, d’inculture. La Sentinelle, c’est un conseil d’administration de sept directeurs, des professionnels de haut niveau – jusqu’à très récemment sous l’autorité d’Armand Maudave, c’est une équipe de gestionnaires sous la conduite d’un directeur général, Denis Ithier et d’un directeur des opérations, Hootesh Ramburn, des cadres qui sont des grands spécialistes dans leur domaine respectif. Cela donne des produits de bonne qualité, généralement des leaders sur leur marché, cela donne une entreprise profitable.
* Il semblerait aussi qu’il y aurait du rififi au niveau de Viva Voce. Jean-Marie Richard, l’un des directeurs et actionnaires de cette compagnie, a logé une plainte formelle auprès de l’Independent Broadcasting Authority pour dénoncer ce qu’il considère le non-respect de la loi régissant le fonctionnement des radios privées. Il affirme que La Sentinelle exerce un contrôle à 100%, par le biais d’un ‘management contract’ liant ces deux entités, sur le contenu des programmes de Radio One, contrat qui aurait été rédigé de telle façon à contourner la loi. Vos commentaires ?
Je n’ai pas connaissance de la plainte logée auprès de l’IBA, je serais donc prudent. Si le journaliste qui s’est retrouvé en possession de la plainte logée par un membre du conseil d’administration avait fait son travail, il aurait su que l’auteur de la plainte avait lui-même, en conseil d’administration, approuvé la signature de cet accord de gestion entre Viva Voce Ltd, propriétaire de Radio One et La Sentinelle. C’est un simple accord de management qui prévoit surtout que le Manager, en l’occurrence, La Sentinelle doit « define and implement the necessary operational, administrative, accounting, sales and marketing policies and procedures for the good operation and management of the Company’s business. » Pour le reste, le directeur de la radio, et surtout le rédacteur en chef, ont carte blanche.
Si l’objectif de la plainte était d’embarrasser La Sentinelle – ce qui est manifestement le cas – l’affaire est bien mal ficelée. L’accusation embarrasse surtout les membres du conseil qui se voient accusés d’avoir comploté avec La Sentinelle pour contourner la loi. C’est une accusation grave. L’accusateur aura à bien se tenir. Ce n’est pas du rififi, c’est du guignol.
* Dans un communiqué émis par le conseil d’administration de La Sentinelle, en date du 9 juin dernier, suite à l’annonce faite par le “Journal du Samedi” qui évoque la « bataille enclenchée par la BAI pour prendre contrôle” de votre groupe de presse, les directeurs de La Sentinelle disent ne pas connaître les “motivations réelles” de la BAI, qui, ajoutent-ils, restent “voilées pour le moment”. Il me semble que vous-même et les directeurs de La Sentinelle voient la percée de la BAI dans le monde des médias avec appréhension ?
Ce journal exagère. Ce n’est pas parce qu’elle achète — au prix fort — des actions qui sont en vente que la BAI peut espérer prendre le contrôle de La Sentinelle. Mais cela prouve au moins que l’actionnariat de La Sentinelle est très ouvert. On ne peut pas dire de même de la plupart des groupes de presse. Toutefois cet intérêt subit de la BAI nous intrigue parce que ce même groupe, comme le gouvernement, pratique le boycott publicitaire de La Sentinelle. En règle générale, un groupe financier n’investit pas dans une société qu’elle cherche à affaiblir.
Sur le fond, que la BAI fasse une percée dans le monde des médias ne nous pose aucun problème. La BAI a été d’ailleurs un partenaire de La Sentinelle au lancement de Radio One. Nous avons eu d’excellentes relations avec Saleem Beebeejaun qui a siégé au conseil d’administration. Ce qui, en revanche, a attiré notre attention, c’est l’opacité de la stratégie. Que la BAI achète Le Dimanche, Star, Impact, qu’elle lance de nouveaux produits, qu’elle prenne des participations dans des titres de presse et des radios existants, c’est son droit le plus strict, nous l’avons fait nous-mêmes ; mais il me semble que les lecteurs de ces médias devraient le savoir. Et surtout comprendre le positionnement éditorial du nouveau et puissant groupe de presse d’autant plus qu’il est prêt à produire des journaux qui perdent beaucoup d’argent. Nous on se bat durement pour obtenir la bien modeste profitabilité qui est gage de notre indépendance.
* Notre confrère Sydney Selvon résume la question concernant l’intérêt affiché par la BAI dans les medias en ces termes : « Le vrai ‘issue’ est ce que la presse fait de son rôle d’informer et son devoir d’honnêteté professionnelle… Pourquoi faudrait empêcher au patron de la BAI d’accourir au secours de la pluralité de la presse, et, donc, de la démocratie mauricienne ? » Il a raison, n’est-ce pas, car davantage de « players » ne peut qu’être bénéfique pour la démocratie – et la démocratisation de la presse?
La pluralité de la presse, elle est assurée d’abord par des journalistes libres, libres dans leur tête d’abord, des journalistes exerçant leur métier dans un environnement professionnel libre, qui ne doivent des comptes qu’à leurs rédacteurs en chef, des journalistes sereins et apaisés qui n’ont pas de compte personnel à régler, qui n’ont aucune revanche à prendre. Seuls ces professionnels-là sont vraiment au service des citoyens. Je ne méprise pas pour autant les journaux partisans, j’en ai dirigé.
* D’une part, il y a le « boycott », d’autre part il y a l’attaque contre « l’axe MCB-l’express » et « la mainmise du tandem Forget-De L’Estrac » sur La Sentinelle et « plusieurs clés du pays » selon le “Journal du Samedi” ; il y a maintenant cet intérêt de la BAI pour les médias. Tout un cocktail explosif qui risque de causer de graves dégâts au sommet de La Sentinelle ?
Désolé. Il faudra repasser. Ce secret espoir de quelques-uns des pourfendeurs de La Sentinelle sera déçu. Pour plusieurs raisons : vous parlez du boycott ; oui, il a fait du tort à nos intérêts financiers. Mais nous nous battons. Je suis convaincu que la Cour suprême nous rétablira, en temps et lieu, dans nos droits. C’est de cela qu’il s’agit, nous ne demandons aucune faveur à Navin Ramgoolam.
Il n’y a pas d’axe Forget-de l’Estrac et moins encore un axe l’express-MCB. Philippe Forget est un membre apprécié du conseil d’administration de La Sentinelle, c’est là qu’il contribue, avec d’autres, au développement stratégique du groupe. Il ne se mêle de rien d’autre. Quand, citoyen actif, il a une opinion à exprimer, il le fait ouvertement dans les colonnes de l’express.
Quant à la MCB que je vous dise : depuis que je suis là, directeur de publications, directeur général, directeur exécutif, Président du conseil d’administration, je n’ai jamais vu un banquier de la MCB. Même pas une invitation à déjeuner à son client ! Ils sont plus polis à la State Bank ; à plusieurs reprises j’ai déjeuné chez elle. C’est ennuyeux, n’est-ce pas ? Vous ne voyez pas l’intérêt de parler d’un axe l’express-State Bank. Je vous comprends…
* Published in print edition on 25 June 2010
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