Soudan : Pour qui sonne le glas ?

Chronique de Jean-Baptiste Placca

Pour qui sonne le glas ? Peut-être pour le plus grand Etat d’Afrique de l’Est, l’immense Soudan, guetté par le risque de se voir amputé de sa riche partie sud.

En cinquante-quatre ans d’indépendance, ce pays a réussi la prouesse de totaliser plus de quatre décennies de guerre. Hier le Sud, aujourd’hui le Darfour, et ce n’est peut-être pas fini.

Au terme des accords de paix conclus en janvier 2005, les populations du Sud décideront, le 9 janvier prochain, de leur destin : demeurer dans l’entité soudanaise ou accéder à la souveraineté internationale. L’échéance est une telle source d’angoisse pour la communauté internationale que, le 24 septembre dernier, une réunion spéciale lui a été consacrée au siège des Nations unies. Barack Obama a tenu à y être personnellement, et c’est tout dire.

Beaucoup pronostiquent la séparation, donc l’indépendance. Et tous redoutent la réaction du régime de Omar el-Béchir, qui pourrait ne pas accepter de bonne grâce un tel verdict des urnes, même si son vice-président, dépêché à New York, a réaffirmé, la main sur le cœur, que son gouvernement accepterait le résultat du référendum. On aimerait tant le croire !

Souffrez que nos pensées aillent aux
peuples du Sud Soudan

Toute manigance du régime de Khartoum pour retarder l’échéance ou manipuler le scrutin déboucherait, fatalement, sur une reprise de la guerre dans le Sud. Et le Soudan pourrait ne pas s’en remettre de sitôt.

En ce moment précis, souffrez que nos pensées n’aillent pas au général el-Béchir ou à son pays qui va peut-être perdre un peu de son immensité, mais aux peuples du Sud Soudan, écrasés, méprisés, dédaignés, et qui ont dû consentir des sacrifices et livrer des luttes parfois héroïques pour ne pas disparaître.

Durant toutes ces années, l’oligarchie intégriste de Khartoum a fait peu de cas de l’histoire glorieuse de ces peuples. Les Dinkas, les Nubas, les Nuers, les Shuluks, descendants des plus illustres royaumes de l’Antiquité : Méroé, l’Egypte pharaonique… Derrière cette férocité se cachait l’avidité pour leurs terres et les immenses richesses qu’elles recèlent.

Longtemps, l’Organisation panafricaine comme la Ligue arabe ont feint d’ignorer ce que le sociologue sénégalais Jean-Pierre N’Diaye a appelé « un génocide embusqué ».

Pour qui sonne le glas ? Peut-être pour ceux qui, dans leur volonté de grandeur pour le Soudan, ont sous-estimé la grande Histoire des peuples.

Jean-Baptiste Placca
MFI


* Published in print edition on 1 October 2010

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