La démission du Speaker, présage d’une nouvelle alliance politique

Marmite politique

Par Aditya Narayan

La marmite politique est en ébullition avec pour toile de fond une probable élection partielle dans la circonscription no. 10 le 10 octobre 2024, suivie de la dissolution du Parlement le 21 novembre 2024, et la mise en place d’un gouvernement de transition (« caretaker government ») jusqu’à la tenue des élections générales en avril 2025.

Ce scénario est devenu plus plausible avec un développement politique de taille survenu cette semaine : la démission du Speaker de l’Assemblée législative, M. Sooroojdev Phokeer. Si l’on parlait de son remplacement éventuel ces derniers jours dans le contexte de la formation d’une nouvelle alliance politique entre le PMSD et le MSM, personne ne pouvait prévoir à quelle vitesse les développements politiques allaient se cristalliser.

Les circonstances du départ de M. Phokeer sont surprenantes, au même titre que le scénario de la démission de Vikram Hurdoyal de son poste de député du MSM après sa révocation comme ministre de l’Agriculture. Dans les deux cas, il y a une impression d’opacité. M. Phokeer a-t-il démissionné de son poste de son propre gré ou a-t-il été forcé à la démission pour faire place à un successeur probable dont le nom a été mentionné cette semaine, celui d’Adrien Duval, ex- député du PMSD ? C’est la question que tout le monde se pose.

Frasques du speaker

L’admission du Speaker à l’hôpital pour cause de maladie, suivie d’une intervention chirurgicale, est en apparence le motif de son départ. Or, il a soumis sa lettre de démission deux heures après une rencontre avec le Premier ministre. L’explication la plus plausible de sa démarche est que le MSM a voulu le remplacer le plus vite possible afin de faciliter une alliance avec le PMSD, dont la première étape est la nomination d’Adrien Duval au poste de Speaker.

Cette nomination a pour but de redorer le blason du gouvernement dont l’image a été souillée par les frasques du Speaker (notamment les suspensions et les expulsions injustifiées de députés de l’Opposition et le rejet de questions parlementaires embarrassantes). M. Phokeer avait sans doute ses idiosyncrasies, mais il serait inapproprié de tout mettre sur son dos. Toutes les motions d’expulsion et de suspension des députés de l’Opposition ont été présentées par le « leader of the House » et secondées par son adjoint. Le Speaker n’aurait pu agir seul dans ces excès.

Le comportement du Speaker soulève toute la problématique du mode de nomination du titulaire à ce poste. Traditionnellement, le Speaker était un député élu de la majorité après le passage de Sir Harilal Vaghjee dans ces fonctions dans les années 70. Dans les années 90, le gouvernement a changé ce mode de nomination pour choisir un Speaker non élu, ce qui a placé le titulaire du poste à la merci de la majorité.

Un Speaker non élu est toujours redevable au gouvernement qui le nomme, et non pas à l’électorat. Un Speaker élu est conscient de son devoir d’indépendance et d’impartialité parce qu’il doit briguer les suffrages de nouveau en rendant des comptes à ses mandants.

Il faut souhaiter qu’un prochain gouvernement alternatif amendera la loi pour prévoir un Speaker élu en permanence. Ce serait enlever du Premier ministre le pouvoir de nommer un de ses fidèles supporters à un poste stratégique de l’État au défi de toutes les normes de bienséance. Est-ce que le successeur de M. Phokeer (Adrien Duval ou un autre) saura faire preuve des qualités nécessaires d’un Speaker indépendant et impartial ? L’avenir nous le dira.

En tout cas, la nomination d’Adrien Duval ferait partie des conditions d’une alliance MSM-PMSD. Le PMSD voudrait apporter certains changements au gouvernement pour justifier une telle alliance auprès du public. Il s’agit pour lui de montrer qu’il ne cautionne pas le statu quo 100% et que sa présence au sein du gouvernement avant les prochaines élections apportera un certain renouveau.

Si l’on se fie aux thèmes que le leader du PMSD a toujours soulevés dans le passé, le PMSD devrait amener le gouvernement à

  • adopter une approche plus démocratique au Parlement,
  • proposer des mesures pour alléger davantage les salariés et les retraités (par exemple, un boni de fin d’année équivalant au 14e mois),
  • réviser la politique en matière d’éducation pour les recalés des examens du Primary School Achievement Certificate (PSAC) et les critères d’admission en HSC (4 au lieu de 5 crédits de SC),
  • revoir les critères de nomination de chefs de service dans certaines institutions (FCC, MBC, FSC, etc.), et
  • préserver les pouvoirs de poursuite du DPP.

L’indépendance du DPP, dont les pouvoirs de poursuite pour crimes financiers ont été usurpés par la Financial Crimes Commission (FCC), est l’enjeu majeur qui avait poussé le PMSD à démissionner du gouvernement MSM-PMSD en 2017. Le PMSD n’était pas d’accord avec le projet de loi créant une commission de poursuite parallèle au DPP. Comment acceptera-t-il l’usurpation des pouvoirs de poursuite par la FCC maintenant ?

Conditions d’alliance

Si le MSM accepte les conditions du PMSD pour un renouveau démocratique, même si ce n’est que de manière apparente, les deux partis feront une alliance pour affronter l’Opposition PTr-MMM-ND aux prochaines élections. Ils tiendront l’élection partielle dans la circonscription no. 10 (Montagne Blanche/Grande Rivière Sud-Est), en croyant remporter la victoire faute d’adversaire de l’Opposition parlementaire, et formeront un gouvernement de transition jusqu’aux prochaines élections générales en avril 2025 (soit dans le délai maximal prévu dans la loi). D’ici cette échéance, cette alliance aura le temps de présenter certaines mesures populaires (ex : 14e mois) et venir de l’avant avec d’autres mesures avec des effets d’annonce dans un manifeste électoral (ex : pension de vieillesse de base à Rs 18 000 dans le prochain mandat) et apporter certains changements symboliques ou cosmétiques dans les institutions.

Après son départ de l’alliance de l’Opposition parlementaire, le PMSD n’a pas d’autre choix que de s’allier au MSM s’il veut être partenaire d’un prochain gouvernement, comme il le dit. Toutefois, il devrait pouvoir justifier cette alliance auprès de ses partisans par des conditions qui lui donnent un peu de crédibilité telles que le nombre de tickets aux élections (un minimum de 12), des postes ministériels importants (Finances, Tourisme, Premier ministre adjoint), et des nominations pour ses cadres dans les institutions et ambassades.

La question est de savoir si le MSM fera toutes ces concessions au risque de froisser ses autres alliés (Linite Militant, ML) et ses propres membres. Pour sa survie politique, il s’obligera sans doute de plaire au PMSD, qui lui apportera les “cinq sous” qui lui manque dans les régions urbaines et conférer à l’alliance gouvernementale une image nationale.

Sous ce rapport, la prochaine bataille électorale sera essentiellement la répétition du scénario de 2014 avec deux camps opposés (le PTr-MMM d’un côté et le MSM-PMSD de l’autre), avec quelques variations mineures ici et là.

 


Mauritius Times ePaper Friday 19 July 2024

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