Le Grand Flou Politico-électoral
|By Shiva Patten
Un flou si grand qu’on est en droit de soupçonner la présence d’un ‘loup’ qui rôde ; une anguille sous roche imperceptible à première vue, surtout du côté MMM
« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » : cette expression d’une candidate socialiste aux primaires présidentielles de la gauche, en 2011, peut très bien illustrer mes propos sur le flou dans lequel se trouve l’échiquier politique. Un flou si grand qu’on est en droit de soupçonner la présence d’un ‘loup’ qui rôde ; une anguille sous roche imperceptible à première vue, surtout du côté MMM.
« Drôle de mood » avait lancé récemment Paul Bérenger se référant à l’ambiance générale. On ne peut qu’être d’accord avec lui. A commencer par le flou autour du positionnement de son propre parti, le MMM. Les autres formations ne sont pas non plus en reste dans un jeu d’alliances qui s’annonce rocambolesque, et où l’on joue au chat et à la souris.
Le « poker menteur » du MMM ?
Paul Bérenger n’a de cesse de clamer haut et fort que son parti ira seul aux élections. Evidemment, cette fois-ci, on a tout lieu de le croire car pour la première fois le MMM n’a pas cette hantise de voir en face de lui une alliance PTr-MSM. Voilà une situation de lutte à trois dont Bérenger rêvait en 2010 d’autant plus que le MSM au pouvoir – après avoir siphonné une partie importante de l’électorat traditionnel travailliste – peut s’avérer une « nuisance value » suffisante pour gêner le PTr, et donc favoriser le MMM. En outre, eu égard à l’hostilité de la base électorale mauve à toute alliance, certains craignent que cette option signifierait un suicide politique pour le MMM. Ainsi, mettant aux prises les trois partis ‘mainstream’, la configuration apparaît donc plus probable.
Cependant un certain flou du côté MMM est venu semer le doute. En effet, le MMM ne semble pas avoir profité du contexte favorable que représente le combat entre les deux autres grands partis ‘fishing in the same pond’. Ce parti qui avait recueilli, faut-il le souligner, 40% en 2010 est pratiquement absent du terrain, à part les conférences de presse soporifiques hebdomadaires. Par ailleurs, le parti laisse filer ses cadres sans tenter de les retenir, et n’arrive pas – ou ne cherche pas – à recruter de nouveaux membres. Tout cela à la veille des élections. C’est louche. Il semble donc y avoir un ‘loup’ dans les parages, ou plutôt dans les coulisses des « koze kozé ».
J’avais déjà écrit dans ces mêmes colonnes que les négociations d’alliance MMM-MSM sont toujours ‘on’ mais buteraient pour l’instant sur la question du rôle de Bérenger dans un gouvernement style ‘Remake 2000’. Le partage des tickets, et le ‘blacklist’ étant réglés, reste tout de même la grosse épine : l’hostilité de la base électorale à toute alliance. Et là, rien de mieux que de démontrer que leur parti ne peut accéder au pouvoir sans l’apport d’un autre ‘grand’ parti, en l’occurrence le MSM. La rhétorique « réunification de la grande famille militante » peut aider. Ainsi, l’hypothèse d’une nouvelle alliance MMM-MSM n’est pas à écarter totalement.
Le flou artistique chez les Rouges
Le leader travailliste ne fait pas dans la dentelle également en insistant sur son ferme intention d’aller seul aux élections, malgré les folles rumeurs d’alliance et avec en appui un argument choc : une alliance gênerait son programme de « rupture ».
Précisons tout de même que dans le cadre de notre système parlementaire un tel écueil peut être évité si le parti du Premier ministre dispose à lui seul de la majorité parlementaire, avec ou sans alliance comme ce fut le cas en 2005. Flou entretenu ?
Dans tous les cas de figure, s’il y a un « Remake 2000 » en face, le PTr n’a pas d’autre option qu’une alliance avec des partis et surtout des personnalités qui ont une réelle assise propre dans telle ou telle circonscription.
Reste que le véritable trouble, à mon avis, c’est le déroulement de la procédure de désignation des candidats. Certes, c’est une bonne idée, au demeurant très démocratique, d’envoyer les candidats « à un ticket » travailler le terrain, et ensuite, procéder à une évaluation de leur éligibilité. Toutefois, l’intendance ne semble pas suivre correctement. Il faut dire que notre carte électorale comporte des circonscriptions ‘tri-nominales’ – à trois sièges – ce qui complique le déroulement de cette procédure inédite, à la veille des élections.
On assiste ainsi, dans une ambiance de compétition souvent cruelle aggravée par l’absence de ‘anchors’ dans certaines circonscriptions, à des scènes souvent amusantes relayées par l’incontournable Facebook. Ces dernières sont parfois même pathétiques avec ces jeunes novices et ces vieux revenants errant comme des âmes en peine, parfois dans une situation humiliante, sans véritable espoir de pouvoir décrocher le Graal. Certains ont abandonné de leur propre chef, ayant compris que ce n’est pas leur truc, alors que d’autres sont simplement éjectés.
La démocratie a d’énormes vertus mais aussi des faiblesses. Ceci dit, le nombre impressionnant de candidats à un ticket rouge est un signe réjouissant pour le PTr, redevenu attractif.
Le calvaire des dissidents MMM
On ne peut affirmer que les dissidences MMM ont véritablement décollé. Eux aussi sont dans le brouillard. La première grande dissidence menée par Alan Ganoo avait pourtant bien démarré avec le ralliement autour du nouveau « Mouvement Patriotique » (MP) de près de la moitié des députés MMM de 2014. Mais, très vite, ce parti a lui-même subi une dissidence l’affaiblissant d’entrée. Par la suite, d’autres dissidents MMM ont créé leur propre formation dont « La Plateforme Militante » aujourd’hui en mode collaboration avec le MP. Le flou entourant leur véritable intention de se doter d’une structure unie pour régler le problème de fragmentation les pénalise davantage.
De plus, ils laissent entendre qu’ils ne se positionnent pas en force alternative, espérant « former partie du prochain gouvernement », ce qui est à mon avis une erreur en matière de communication politique. Autrement dit, ils souhaitent faire partie d’une alliance électorale avec un parti ‘mainstream’. Or, la difficulté majeure, c’est que l’électorat sur lequel ils peuvent compter est essentiellement celui qui avait boudé le MMM en 2014, principalement à cause de l’alliance du MMM avec les travaillistes. Ceci explique en partie leur faible audience, à part Alan Ganoo qui possède un capital propre mais limité à une circonscription.
Pour rappel, lors de la partielle au N° 18 de 2017, les électeurs MMM ayant changé de camp en 2014 avaient très majoritairement choisi l’abstention malgré une candidature MP et l’aide d’un dissident MMM indépendant accordée au candidat travailliste. Ils se trouvent donc dans une impasse de nature à les plonger dans une certaine crise existentielle.
En définitive, à quelques encablures des législatives, l’océan d’incertitudes dans lequel est plongé le paysage politico-électoral – de plus en plus fragmenté et où la visibilité est quasi-nulle -, la prudence analytique reste de mise, jusqu’au… ‘Nomination Day’.
* Published in print edition on 31 May 2019
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