“L’électeur ne se manifeste pas pendant la campagne électorale, mais déjà, depuis quelques jours, on sent comme un frémissement dans l’air”
|Interview:Jean Claude de l’Estrac
* ‘Une partie de l’électorat attend de deviner qui sera à l’Hôtel du gouvernement. Il volera alors au secours de la victoire’
* “On voit bien que Jugnauth mène une campagne à l’américaine. Il fait de ces législatives une présidentielle l’opposant à Ramgoolam”
Dans un contexte politique marqué par les prochaines élections générales, Jean Claude de l’Estrac nous livre son analyse sur les dynamiques actuelles et les enjeux cruciaux qui se profilent à l’horizon. Il aborde les stratégies des alliances en présence, les préoccupations de l’électorat face à des promesses électorales, ainsi que l’impact de l’actualité nationale sur le climat politique. En parallèle,il explique sa démarche consistant à offrir des réflexions personnelles sur la malade d’Alzheimer, affectant son épouse, dans son ouvrage intitulé “La chanson inachevée”.
Mauritius Times:Comment les choses se dessinent-elles sur le plan politique à la lumière des prochaines élections générales, selon votre analyse de la situation?
Jean Claude de l’Estrac : Nous sommes au tout début de la campagne électorale. Il nous faut attendre le Nomination Day pour se faire une idée plus précise des forces en présence.
Si l’on se fixe uniquement sur les dernières semaines de la précampagne, on peut avoir le sentiment que l’alliance gouvernementale avait marqué des points, forte de sa position de pouvoir, ce qui lui a permis de chercher à séduire les électeurs par diverses douceurs sonnantes et trébuchantes. Elles pèseront assurément sur leur choix ; je pense en particulier aux personnes âgées.
La proposition de pension des seniors à Rs 20 000 par mois, par exemple, coûteraéventuellement plus de Rs 100 milliards à l’Etat, mais généralement le pensionné n’en a cure. Certains d’entre eux commencent, toutefois, à s’interroger sur la soutenabilité de ces prestations et à l’avenir hypothéqué de leurs enfants. C’est un vrai sujet.
Par ailleurs, le bilan social du gouvernement est entaché par une longue série de scandales, et d’allégations de corruption et de népotisme. Il n’est pas sûr que le renouvellement d’une partie de ses troupes suffise à faire oublier ses frasques d’autant plus que cette opération cosmétique n’est pas toujours au goût de ses partisans comme le démontre la révolte de Petit Raffray.
Ce qui se dessine est assez évident : l’Alliance Lepep défendra son bilan social, comptabilisant les roupies distribuées ; en face, l’Alliance du Changement aura beau jeu de dénoncer la mauvaise gouvernance d’un pouvoir autocrate. Cette gouvernance vient d’avoir un retentissement éminemment négatif jusqu’à la Chambre des Communes à Londres où le gouvernement mauricien a été qualifié de « disgusting government ».
* Mais on ne perçoit pas actuellement une vague montante en prévision des prochaines élections, contrairement à 2014, où une telle vague était déjà perceptible plusieurs semaines avant le scrutin. Qu’est-ce qui a changé, selon vous ?
Toutes les élections ne provoquent pas de vagues.
En d’autres circonstances, j’ai théorisé l’idée d’élections « sous-marins ». L’électeur, dans ces cas-là, ne se manifeste pas pendant la campagne électorale, mais il règle ses comptes dans l’isoloir. Ce type de comportement se manifeste surtout face à un gouvernement soupçonné d’utiliser son pouvoir pour réprimer ses adversaires politiques. C’est peut-être le cas en ce moment; nous serons fixés aux lendemains du Nomination Day. Mais déjà, depuis quelques jours, on sent comme un frémissement dans l’air.
* D’un côté, on voit le leader de l’alliance gouvernementale agir de manière réfléchie et méthodique pour assurer le maintien de son alliance au pouvoir. Il se donne également tous les moyens – et alliés – nécessaires pour réussir cela. De l’autre côté, l’alliance de l’opposition est toujours en mode de négociations pour finaliser un accord électoral. Quelle impression cela vous donne-t-il et quelle impression cela donnera-t-il aux électeurs ?
La différence de méthode que vous soulignez est incompréhensible aux yeux des partisans de l’Alliance du Changement. Elle tend à accréditer l’idée que la synergie nécessaire entre les partenaires tarde à se fixer. Je pense que cela est dû à la méfiance qui existe entre les leaders, une méfiance héritée de leur passé d’adversaires et de leur expérience du pouvoir.
II est vrai, par ailleurs, que cette relation est toujours plus complexe entre deux alliés qui sont, plus ou moins, de force égale électoralement. Dans le camp adverse, le MSM est nettement dominant, ses alliés sont des groupuscules qui ne sont pas en état de lui tenir tête. Cela donne une apparence de cohésion parce que les alliés mécontents n’ont pas d’autre choix que de souffrir en silence…
* Ceux qui savent ‘read the tea leaves’, comme dirait l’Anglais, c’est-à-dire ceux capables de déchiffrer des indices ou des signes subtils par anticipation maintiennent qu’il subsiste une grande incertitude quant aux préférences de l’électorat, notamment rural, et dans une moindre mesure, celui des circonscriptions urbaines, face aux options politiques proposées. Ce qui est préoccupant, c’est que cette incertitude dans un contexte électoral pourrait favoriser le “vote splitting”. Au profit de qui, selon vous ?
L’éparpillement des votes risque d’être une caractéristique de ces législatives, et ce, pour plusieurs raisons. Il se trouve que les deux principaux blocs n’excitent pas particulièrement l’électorat, qu’il soit rural ou urbain. Je crois que la campagne “Ni Pravind Ni Navin” a laissé des séquelles même si les nouvelles formations n’ont pas convaincu de leur capacité à obtenir une majorité de suffrages pour former un gouvernement malgré le fort désir de changement de l’électorat.
Ces nouvelles formations, en tout cas quelques individualités chez elles, obtiendront néanmoins quelques centaines, parfois même, des milliers de voix. Le plus souvent, ces votes viendront du camp de l’opposition, ce qui objectivement profitera au gouvernement sortant.Read More… Become a Subscriber
Mauritius Times ePaper Friday 11 October 2024
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