Lutte anti-corruption : La leçon de Singapour

L’ancien ministre des Transports S. Iswaran devant un procès pour corruption 9 mois suivant sa démission

Par A. Bartleby

L’ancien ministre des Transports de Singapour, S. Iswaran, a comparu mardi dernier devant le tribunal pour le début de son procès, le premier pour corruption politique dans le pays en plus de quarante ans.

Iswaran, reconnu pour avoir contribué à l’implantation de la Formule 1 dans cette ville-État financière, a démissionné le 18 janvier 2024 après avoir été accusé de corruption. Cela marque un développement historique pour un pays qui se targue d’un gouvernement exemplaire.

L’ancien ministre des Transports de Singapour, S. Iswaran, est apparu au tribunal le 24 septembre pour le début de son premier procès pour corruption politique en plus de quarante ans, ce qui a captivé une nation souvent citée comme une des moins corrompues dans le monde. Photo – AFP.

Les accusations portées contre lui incluent des allégations selon lesquelles il aurait reçu des cadeaux d’une valeur de plus de 119 000 dollars de la part du milliardaire malaisien Ong Beng Seng en échange de l’avancement de ses intérêts commerciaux. Ces cadeaux comprenaient des vols en classe affaires, des séjours dans des hôtels de luxe et des billets pour le Grand Prix de Formule 1 ainsi que pour des matchs de la Premier League anglaise.

Ce procès est considéré par les observateurs comme l’un des plus significatifs sur le plan politique dans l’histoire de Singapour et pourrait nuire à la réputation du Parti d’action populaire (PAP) avant les élections générales attendues d’ici la fin de l’année prochaine, selon des rapports de l’AFP.

Iswaran a quitté le PAP après avoir reçu un avis formel des charges retenues contre lui, tout en plaidant non coupable. La majorité des 35 accusations portées contre ce ministre de 62 ans concernent la corruption, dont une liée à un contrat gouvernemental qui pourrait lui valoir jusqu’à sept ans de prison, mais il fait également face à une accusation d’obstruction à la justice.

Ong Beng Seng, l’un des hommes les plus riches de Singapour et directeur général de HotelProperties Limited, a été arrêté le même jour qu’Iswaran en 2023, mais n’a pas encore subi de sanctions. Le ministre des Transports est également accusé d’avoir accepté des bouteilles de whisky et des clubs de golf d’un directeur d’une entreprise de construction qui n’a pas été inculpé.

La plupart des accusations contre Iswaran sont formulées sur la base d’une loi criminelle rarement utilisée, qui stipule qu’il est illégal pour les fonctionnaires publics d’accepter des objets de valeur de la part de personnes avec lesquelles ils travaillent officiellement.

Les avocats d’Iswaran soutiennent que les hommes d’affaires sont ses amis proches et qu’il pouvait accepter ces cadeaux à titre personnel. L’ancien ministre rejette les accusations et affirme son innocence dans sa lettre de démission.

L’ancien Premier ministre Lee Hsien Loong a déclaré au moment de la démission d’Iswaran qu’il s’était engagé à restituer l’argent perçu dans le cadre de son salaire et de ses indemnités depuis son arrestation.

Les ministres du Cabinet sont rémunérés à des niveaux comparables aux plus hauts revenus du secteur privé afin de dissuader la corruption. Lee a précédemment admis que son parti, le PAP, avait “subi un coup” après une série de scandales politiques.

L’année dernière, deux législateurs du PAP ont démissionné en raison d’une affaire. Avant cela, deux membres influents du Cabinet avaient été enquêtés pour avoir prétendument reçu des faveurs liées à la location de vastes bungalows de l’ère coloniale, mais avaient ensuite été blanchis.

Le Premier ministre Lawrence Wong, qui a succédé à Lee, a déclaré que la position anti-corruption du PAP est “non négociable”.

Le dernier responsable politique à Singapour jugé pour corruption était WeeToon Boon en 1975, accusé d’avoir reçu des pots-de-vin d’une valeur de plus de 600 000 dollars, selon les médias locaux.

Contrairement à ce qui se passe à Maurice, où les affaires de corruption impliquant des politiciens prennent souvent des mois, voire des années, pour être examinées, l’affaire Iswaran démontre une fois de plus que Singapour prend ces questions au sérieux : il a fallu seulement neuf mois aux autorités singapouriennes pour enquêter et porter des accusations contre l’ancien ministre des Transports.

En effet, la performance de l’ancienne ICAC, qui a maintenant été intégrée à la Financial Crimes Commission (FCC), et sa gestion d’un grand nombre d’affaires médiatisées ont été scrutées ces dernières années. La liste des affaires en attente d’enquête, telles que le scandale Dufry (2015), le scandale Alvaro Sobrinho (2018), ou encore celui du Sugar Insurance Fund Board (2018), souligne l’absence dans ce pays d’une agence d’investigation crédible capable de traiter les crimes en col blanc de manière indépendante. La FCC parviendra-t-elle à améliorer cette situation ? Seul l’avenir nous le dira.

* * *

Hezbollah et Israël : Vers une nouvelle guerre ?

Depuis la mi-septembre, le conflit entre Israël et le Hezbollah libanais a connu une escalade vertigineuse. Cette tension, qui dure depuis près d’un an, a franchi un nouveau cap avec des échanges de frappes intenses.

Tout a commencé par deux jours de détonations de dispositifs de communication utilisés par le Hezbollah, des attaques attribuées à Israël, qui ont tué au moins 39 personnes et blessé des milliers d’autres. Le leader du Hezbollah a promis de riposter, et le 20 septembre, le groupe militant a lancé une salve de roquettes vers le nord d’Israël. Depuis lors, les deux camps ont intensifié leurs attaques, forçant des centaines de milliers d’Israéliens à se réfugier dans des abris anti-aériens et provoquant la fuite de dizaines de milliers de personnes dans certaines régions du sud du Liban, où le Hezbollah est fortement implanté.

L’Organisation internationale pour les migrations a estimé que plus de 200 000 personnes ont été déplacées au Liban à cause du conflit, dont plus de 100 000 avant l’escalade récente. Selon l’agence de sécurité générale du Liban, plus de 31000 personnes ont traversé la frontière vers la Syrie en seulement deux jours.

Contexte et origine du Hezbollah

Le Hezbollah a été fondé en 1982 pendant la guerre civile libanaise, avec pour objectif initial de mettre fin à l’occupation israélienne du sud du Liban, qu’il a réussie à chasser en 2000. Depuis, le groupe a continué de lutter contre Israël, prônant la destruction de l’État israélien. Soutenu par l’Iran, le Hezbollah est à la fois un groupe armé et un parti politique, avec des représentants au Parlement libanais et une présence significative dans le gouvernement.

Considéré comme la force paramilitaire la plus importante du monde arabe, le Hezbollah dispose d’une structure organisationnelle robuste et d’un arsenal important, revendiquant environ 100 000 combattants. Il est estimé qu’il détient jusqu’à 150 000 roquettes et missiles, dont des projectiles guidés capables de frapper n’importe où en Israël. Récemment, le groupe a introduit de nouvelles armes, notamment des drones explosifs.

Efforts pour mettre fin au conflit

Les États-Unis, la France et d’autres alliés ont appelé à un cessez-le-feu immédiat de 21 jours pour favoriser la diplomatie. Cependant, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré que les frappes contre le Hezbollah continueraient «avec force » jusqu’à ce que les objectifs soient atteints, notamment le retour en toute sécurité des habitants du nord.

Le Hezbollah a affirmé, quant à lui, qu’il ne pourrait pas cesser ses frappes sur Israël tant qu’il n’y aurait pas de cessez-le-feu dans le conflit entre Israël et le Hamas, son allié régional.

Des responsables israéliens laissent entendre qu’une opération militaire contre le Hezbollah pourrait s’intensifier, avec des appels à une invasion terrestre du Liban. L’armée israélienne a renforcé ses forces le long de la frontière libanaise, ajoutant des brigades de réserve.

Conséquences potentielles d’une guerre à grande échelle

Une nouvelle guerre pourrait être encore plus dévastatrice que celle de 2006, qui a causé des milliers de morts, tant côté libanais qu’israélien. Israël a déclaré qu’il pourrait transformer le sud du Liban en zone de combat, et les responsables israéliens ont évoqué la possibilité d’infliger des dommages équivalents à ceux causés dans la bande de Gaza.

Alors que la situation continue d’évoluer, le monde observe avec une inquiétude croissante la possibilité d’un conflit à grande échelle qui pourrait déstabiliser encore plus une région déjà fragile.

* * *

Les chatbots IA prédisent les élections mieux que les humains
Selon Aaru, Kamala Harris gagnerait le vote populaire avec un écart de 4,2 points de pourcentage

Dans une primaire démocrate très suivie à New York en juin, le centriste George Latimer a battu le titulaire Jamaal Bowman par une large marge de 58,7 % contre 41,3 %. Avant le vote, deux étudiants de 19 ans, qui avaient abandonné leurs études à Manhattan, ont mené un sondage qui a prédit avec précision les résultats, à seulement 371 voix près. Leur secret ? Ils n’ont interrogé personne. Au lieu de cela, ils ont demandé à des milliers de chatbots IA d’indiquer le candidat qu’ils préféraient.

Bienvenue dans le futur du sondage, selon Cam Fink et Ned Koh, co-fondateurs d’une entreprise de sept personnes appelée Aaru. Ils affirment avoir trouvé la formule magique pour prédire des résultats électoraux précis, surtout depuis que la plupart des sondages publics ont échoué à anticiper la victoire de Donald Trump en 2016. La clé, selon eux, est d’ignorer les humains dont ils essaient de capturer le comportement.

Une nouvelle approche du sondage

Pour prédire les résultats électoraux, Aaru utilise des données de recensement pour reproduire les districts électoraux, créant des agents IA essentiellement programmés pour penser comme les électeurs qu’ils imitent. Chaque agent se voit attribuer des centaines de traits de personnalité, allant de leurs aspirations à leurs relations familiales. Ces agents naviguent constamment sur Internet, recueillant des informations pour imiter les habitudes médiatiques des humains, ce qui peut parfois modifier leurs préférences de vote.

Par exemple, lorsqu’une tentative d’assassinat a visé Donald Trump, une grande partie des agents d’Aaru a immédiatement changé de préférence pour soutenir l’ancien président. Mais à mesure que des informations supplémentaires sur le tireur ont émergé, beaucoup d’entre eux ont réajusté leur position.

Les sondages reposent généralement sur les réponses d’environ 5 000 agents IA, et leur réalisation prend entre 30 secondes et 1,5 minutes. Aaru facture moins d’un dixième du coût d’un sondage réalisé auprès de véritables humains.

Fink a déclaré dans une interview que « d’ici les prochaines élections générales, aucun sondage traditionnel n’existera. Il y a d’énormes problèmes lorsqu’on utilise de vraies personnes. On ne sait jamais si quelqu’un dit la vérité. » La société a été engagée pour réaliser des sondages pour des entreprises du Fortune 500, des campagnes politiques, des think tanks et des comités d’action politique.

Dans un sondage, l’équipe d’Aaru a remarqué qu’un des agents IA avait déclaré qu’il allait voter pour Mickey Mouse. Craignant qu’un de leurs bots ne soit devenu incontrôlable, l’équipe a enquêté. L’agent avait une explication : « Je déteste Kamala et je déteste Trump. J’écris et je vote pour Mickey Mouse. »

Ambitions et développements

Les co-fondateurs d’Aaru affirment avoir délibérément maintenu un profil bas. Cependant, Aaru ne cache pas ses ambitions. Un document de synthèse sur son site, pour l’instant peu fourni, déclare : « Dans deux ans, nous allons simuler l’ensemble de la planète — de la manière dont les cultures sont cultivées en Ukraine à l’impact sur la production de pétrole en Irak, en passant par le commerce dans le détroit de Malacca et les élections pour la mairie de Baltimore. »

Pour l’instant, la majorité des clients d’Aaru restent discrets sur l’utilisation de ses produits. Toutefois, un think tank appelé Heartland Forward, créé et financé par la famille Walton (fondatrice de Walmart), a récemment engagé Aaru pour réaliser un sondage sur l’opinion des Américains dans neuf États concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle.

Précision et limites de l’IA

Bien que les modèles de langage comme ceux utilisés par Aaru soient sujets à des «hallucinations » — où ils peuvent donner des réponses erronées — ce problème peut être minimisé par les méthodes employées par Aaru. Ses modèles suivent des instructions détaillées et tirent leurs réponses de données réelles.

Aaru instruit ensuite les bots à travers plusieurs étapes pour parvenir à leur réponse finale, une technique qui aide les agents à imiter le raisonnement humain et qui a prouvé son efficacité. Même si les modèles peuvent parfois se tromper, le sondage n’est pas une science exacte, et les enquêtes impliquant des humains sont souvent inexactes, en partie parce que les gens donnent parfois des réponses malhonnêtes.

À ce jour, Aaru projette que Kamala Harris gagnerait le vote populaire avec un écart de 4,2 points de pourcentage. L’apparente tentative d’assassinat contre Trump n’a eu presque aucun impact, selon les agents IA sondés.

* * *

 Le contrôle des économies par les milliardaires : Une alerte d’Oxfam

Un nouveau rapport d’Oxfam, basé sur des données de UBS, révèle que le 1 % des plus riches possède plus de richesse que les 95 % les plus pauvres de l’humanité réunis. (Les données UBS font généralement référence aux informations financières ou économiques fournies par UBS Group AG, une entreprise de services financiers mondiale basée en Suisse.) À l’approche du débat général de haut niveau de l’ONU, cette analyse souligne une réalité alarmante : les milliardaires exercent un contrôle sans précédent sur les économies mondiales.

Actuellement, un tiers des 50 plus grandes entreprises mondiales, représentant une capitalisation boursière de 13,3 trillions de dollars, est dirigé par un milliardaire ou a un milliardaire comme actionnaire principal. Ce phénomène exacerbe les inégalités, notamment entre le Sud et le Nord, puisque les pays du Sud global ne détiennent que 31 % de la richesse mondiale tout en abritant 79 % de la population mondiale.

Un appel à l’action multilatérale

Oxfam appelle à une action multilatérale pour établir un nouveau cadre global sur la fiscalité, annuler les dettes et réviser les règles de propriété intellectuelle concernant les pandémies. Le rapport, intitulé « Le Multilatéralisme à l’Ère de l’Oligarchie Mondiale », met en garde contre l’influence croissante des ultra-riches et des méga-corporations sur les décisions politiques mondiales, au détriment de l’avancement des droits humains et de la lutte contre la pauvreté.

Amitabh Behar, directeur exécutif d’Oxfam International, souligne que « l’ombre de l’oligarchie mondiale plane sur l’Assemblée générale de cette année. Les ultra-riches et les méga-corporations qu’ils contrôlent façonnent les règles mondiales pour servir leurs propres intérêts, au détriment des populations. » Ce rapport dépeint une tendance inquiétante vers une oligarchie mondiale où les très riches, souvent par le biais de leurs corporations monopolistiques, influencent les décisions politiques.

Exemples d’inégalités extrêmes

Oxfam illustre comment les inégalités extrêmes érodent les efforts multilatéraux en présentant trois exemples récents :

  1. Les corporations et la coopération fiscale : Le cadre inclusif de l’OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) n’a pas atteint son plein potentiel. Les nouvelles règles ne généreront que des revenus minimes pour les pays à faible revenu, et l’exclusion des services financiers des règles de l’OCDE est le résultat de pressions exercées par des pays disposant de secteurs bancaires puissants.
  2. Big Pharma et les Vaccins Covid-19 : Les grandes entreprises pharmaceutiques résistent aux efforts visant à détruire leurs monopoles sur les technologies de vaccin, ce qui a entraîné des profits colossaux pendant la pandémie. Le refus de partager les technologies a conduit à des millions de morts supplémentaires.
  3. Créanciers privés et crise de la dette : Les pays à faible revenu consacrent près de 40 % de leur budget annuel au service de la dette, une somme bien supérieure à celle dépensée pour l’éducation et la santé combinées. Une part importante de cette dette est due à des créanciers privés, qui exploitent la vulnérabilité des nations en difficulté.

Vers un multilatéralisme solidaire

Behar conclut en affirmant qu’« un multilatéralisme basé sur la solidarité est nécessaire pour inverser la tendance vers l’oligarchie mondiale. Certains leaders mondiaux montrent qu’ils reconnaissent cela et prennent position contre l’inégalité, mais nous avons besoin de nombreux autres pour faire preuve de ce courage. »

Dans un monde où les inégalités s’accroissent, la nécessité d’une gouvernance équitable et d’une fiscalité juste devient de plus en plus urgente. L’équité mondiale, la priorité à la santé publique et la capacité des pays à investir dans leur population bénéficieront à tous. Ce n’est pas une idée nouvelle, mais un appel ancien que les leaders, en particulier du Sud global, continuent de formuler.

Le rapport d’Oxfam met en lumière une réalité qui, bien que souvent discutée, nécessite une attention urgente. La prise de conscience de la concentration de la richesse est cruciale pour inciter les gouvernements et les citoyens à agir. La solution à ces inégalités ne peut être que collective.

Il est également essentiel de reconnaître que les grandes entreprises ne sont pas seulement des acteurs économiques, mais aussi des influenceurs politiques. Leur capacité à façonner des règles et des normes peut freiner le progrès social et environnemental. Ainsi, des réformes structurelles sont indispensables, incluant des changements fiscaux et des initiatives visant à renforcer la transparence et la responsabilité des entreprises.

Les dirigeants politiques ont un rôle fondamental à jouer. Leur courage et leur engagement à combattre l’inégalité peuvent inspirer des mouvements de base et encourager une solidarité internationale. La mobilisation des citoyens est également cruciale pour réclamer des changements ; les voix individuelles, lorsqu’elles sont rassemblées, peuvent exercer une pression significative sur les décideurs.


Mauritius Times ePaper Friday 27 September 2024

An Appeal

Dear Reader

65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.

With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.

The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.
Thank you.

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *