S’indigner… contre quoi?
|By Nita Chicooree
Dans ce monde qui se définit comme un global village, nous cherchons nos repères auprès des pays qui nous interpellent par leur modèle de gouvernance, de société ou par les discours intellectuels. Mais les modèles ne sont pas transposables d’un pays à l’autre et, quant aux discours, ils s’inspirent d’un courant de pensée inscrit dans le parcours historique, socio-économique et intellectuel d’un pays.
Le petit livre de l’ancien diplomate français, Stephane Hessel ‘Indignez-vous’ a manifestement trouvé un écho favorable à Maurice mais la faiblesse de ce livre est surtout dans son titre, et balancé dans la presse,sans une analyse du contenu, cela peut laisser perplexe ; surtout lorsque cet appel à s’indigner vers la fin 2010 n’a pas soulevé les masses en France – le pays de la révolution -, lorsque les inconditionnels de la gauche française ont accouru vers Stéphane Hessel, ayant enfin trouvé quelqu’un qui rallumera la flamme révolutionnaire. Mais ils ont été plutôt déçus de l’entretien avec le patriarche de 93 ans qui n’avait pas l’air aussi révolté et dont les propos étaient surtout empreints de bons sentiments. Si une partie des causes dans le livre peut concerner les Mauriciens, on peut aussi s’aligner sur le commentaire du Premier ministre français: l’indignation pour l’indignation n’est pas un mode de pensée.
Les nombreux points soulevés ne concernent pas les Mauriciens: le déficit de la Sécurité sociale, la réforme de la retraite, les sans-papiers, l’expulsion des Roms, la politique répressive de l’immigration. En revanche, comme dans d’autres pays, nous sommes tous concernés par la dictature internationale des marchés financiers. Le Président français a réclamé une régulation des banques et l’application de la taxe Tobin, deux propositions qui ont été rejetées par l’Angleterre et les Etats-Unis. Que peut faire un petit pays comme Maurice?
Ces villages maudits!
Par contre, ‘Indignez-vous’ fustige aussi le pouvoir de l’argent et ses serviteurs chez les dirigeants politiques, les médias et déplore la disparition de la presse indépendante. Ici, personne n’est dupe des combats sélectifs de certains contestataires. Exemple: pourquoi était-il nécessaire de se précipiter à privatiser Mauritius Telecom en 2003 ? Et quels ont été les dessous de cette transaction? Sur ce point, du côté des inconditionnels de la contestation, c’était silence radio.
Jusqu’ici, on a entendu surtout quelques voix de la société civile qui mettent en garde contre la spéculation foncière et la mainmise des grosses fortunes sur les terres.
Sinon, c’est la discrétion totale.
Mais alors, on n’hésite pas de fulminer contre le peuple censé être indifférent et apathique à l’égard des maux qui rongent la bonne gouvernance du pays: la corruption, le manque de transparence, le favoritisme, les passe-droits et l’incompétence. L’esprit critique serait le monopole d’un petit cercle restreint qui regarde avec dédain toute cette majorité des conservateurs au ventre mou qui mènent leur train-train quotidien dans les villages, qui ne savent pas voter et, par leur faute, le pays restera toujours arriéré. A chacun ses illusions.
Il semble bien qu’un comité de la société civile s’est institué récemment pour s’assurer du bon fonctionnement de notre système de gouvernance. On n’est pas encore informé du pouvoir dont il disposerait, et quand on est conscient de toutes les démarches effectuées et les difficultés qu’ont Hazare et ses associés à s’imposer auprès du gouvernement en Inde, on peut prévoir qu’ici aussi, les obstacles et les entraves seront nombreux.
On attend que ce comité se manifeste et dévoile ses intentions et ses réclamations sinon ce n’est pas la peine de se murer dans un monologue et de berner le public par un semblant de défense de l’intérêt général. Quant aux indignés impatients, il n’est pas interdit de prendre le flambeau que la France a laissé aux autres. Il n’y a pas que des villages dans ce pays. Trop facile de trouver des boucs émissaires. Habitants de Beau Bassin, Rose-Hill, Curepipe et Port-Louis, si vous y croyez vraiment, qu’attendez-vous ?
Excès de zèle
Avez-vous remarqué avec quel engouement nos envoyés à des conférences internationales sur l’éducation, la violence et d’autres sujets majeurs reviennent au pays avec l’impression de détenir les solutions à tous les problèmes ? Et avec quelle assurance ils/elles vous balancent leurs découvertes dans la presse? Si ce n’était les quelques phrases en italiques, on croirait que toutes les panacées qu’on nous propose sont les fruits de leur profonde cogitation intellectuelle.
A les écouter, on croirait que tout est mauvais dans le système éducatif, que la notation par excellence serait ‘le contrôle continu’ alors que c’est aussi une source de démotivation dans les pays où ce système est appliqué, avec des adolescents qui se massacrent allègrement tous les jours et les enfants devenus sadomasos. D’où vient cette propension à adopter un discours uniforme et le brandir comme vérité universelle? Sans doute, l’effet du global village. Et lorsqu’on connaît le courant de pensée et les influences qui parcourent le monde, on en est nullement étonné.
* Published in print edition on 24 June 2011
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