Courtoisie et clientèle : Quand la formation fait défaut
|Carnet Hebdo
A voir l’embouteillage d’un quart d’heure et la pollution sonore qu’engendrent les trois camions de livraison stationnés carrément devant un petit hôtel-restaurant sur la route étroite à Grand Baie, les automobilistes et les passants s’accordent à dénoncer le manque de vision à long terme dont ont fait preuve les autorités depuis des décennies.
Il aurait fallu penser à instituer une loi obligeant les propriétaires de commerce(s) à prévoir un espace de stationnement devant leur porte dès le début des années 90 lorsque l’industrie hôtelière était en plein essor et que les habitants avaient flairé la possibilité de tirer profit de la nouvelle prospérité. C’est à ce moment-là que le jardin fleuri devant les maisonnettes en tôle ou en béton a aussitôt cédé la place aux petites échoppes, magasins, boutiques, snacks, restaurants, bureaux, appartements, petits hôtels, etc.
Dans ce village où la plupart des habitants étaient peu instruits, vivaient des métiers de la mer, de l’hôtellerie ou d’autres emplois à bas salaire, quasiment tout le monde s’était jeté dans la course aux affaires avec un appétit féroce. Mots clés: émulation, improvisation et débrouillardise.
A l’inverse de ceux qui baignent dans le monde des affaires depuis plus de trois cents ans et d’autres grosses pointures du privé, ils n’ont pas bénéficié au préalable d’une formation quelconque à la culture de l’entrepreneuriat, ignorant la qualité des structures qui aurait convenu à leur commerce et le respect dû à l’espace public.
Ceci explique la raison de l’existence de cette circulation chaotique dans un haut lieu du tourisme. C’est bruyant et dangereux. Ceux qui sont élus tous les cinq ans au niveau régional et national n’ont pas manifesté beaucoup de vision non plus dans ce contexte. L’acte de penser doit peut-être donner des migraines à ceux qui n’ont pas été formés à faire travailler leur matière grise. Comme on dit dans le parler local, pour faire travailler l’esprit, faut-il encore en avoir!
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Quant aux chauffeurs de ces engins qui envahissent toute une voie, ils s’excuseront à peine de vous avoir fait attendre pendant un quart d’heure derrière eux.
Tout comme ce fonctionnaire du CEB de Goodlands qui croise les bras sur son bureau, le regard vide. C’est tout juste s’il daigne répondre lorsqu’on sollicite son service. D’un signe de tête, il vous renvoie vers son collègue à un mètre de lui.
– Pourquoi pas vous?
De nouveau, un signe de tête.
L’acte même d’articuler quelques mots lui demande un effort considérable tant il somnole dans une léthargie à ramollir le cerveau.
A côté, son collègue est débordé de travail, mais il semblerait que l’autre a déjà eu un break ce matin et qu’il s’octroie un autre break car le patron est absent…
Voilà la raison du tir-au-flanc. Dans le genre d’employé léthargique, un autre du CWA indique d’un signe de tête la direction à suivre pour se rendre à un bureau lorsqu’on lui demande ce renseignement et il ajoute ‘en-bas là-bàs’ .
– C’est où exactement?
En fait, il fallait sortir, aller à droite et encore à droite derrière le bâtiment où on était. Mais pour lui, c’était trop fatiguant de donner des explications avec précision. C’est d’une paresse et d’un je-m’en-foutisme exaspérants.
Et si ce phénomène n’existait que dans le service public ! Idem dans la salle d’attente chez le notaire. Le clerc qui est parti déjeuner rentre en mâchant son sandwich. Et lorsque la secrétaire lui informe de votre présence, il vous intime, d’un signe de tête, de le suivre au lieu de vous regarder en face et de vous adresser la parole: ‘Je suis à votre disposition’ ou ‘Que puis-je faire pour vous?’
Ce comportement inhabituel, voire impoli, est très étonnant, pour ne pas dire sidérant. Vous ne bougez pas jusqu’à ce qu’il revienne vous chercher. La politesse n’est vraiment pas leur tasse de thé. Sans vouloir généraliser, on se demande parfois comment sont élevés les mâles de ce pays.
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Institutions et raisonnement logique : Quand la formation fait défaut
La bibliothèque de Grand Baie se refait une santé et ouvrirait ses portes prochainement. Il n’est pas trop tôt : d’un côté, des millions sont brassés par hôtels et banques et, de l’autre côté, il existe ce lieu de lecture délabré. C’est une honte.
De même, l’école primaire de Maheswarnath à Triolet a été repeinte. L’arbre de fruit à pain tient debout depuis des décennies bien qu’on lui ait mutilé un bras.
Les reportages de la MBC en trois langues sur les villages du pays sont plutôt agréables à regarder, quoiqu’on pourrait déplorer une certaine lenteur. Tous les noms sont français, bien entendu.
Deux ressortissants français revendent des terrains agricoles qu’ils ont achetés quelques années plus tôt… après spéculation bien calculée dans deux villages portant un joli nom, Petite Julie et Chamouny. Sautrèze, niché au flanc d’une montagne, est coquette. Réunis pour trouver un nom à l’association qui les regroupe, les habitants, parmi lesquels un journaliste, ont cogité ensemble pour finalement accoucher d’un nom assez original: Sautrézia. Bravo! On devrait introduire des cours de ‘creative thinking’ en milieu scolaire…
Mais le meilleur de la semaine provient du personnel d’une entreprise de nettoyage. Un ‘supervisor’ est censé vérifier la quantité de travail abattue par heure par les hommes et les femmes de l’équipe. Mais à peine ce dernier a-t-il tourné le dos que le personnel se planque dans les haies.
– Ça va? Oui, il est quelle heure, s’il vous plaît?
Et la lenteur du travail, quand certains s’activent à caresser de leur râteau le même périmètre, donne envie de les filmer et d’envoyer les images en Chine, par exemple.
Comme dans le service public, le privé emploie une armée des gens, histoire de créer des emplois, d’où le nombre élevé des tirs-au-flanc.
Mais la soixantaine passée, Laurent, un solide gaillard, sportif se dit obligé de conduire le taxi illégalement et il répond présent à tous ceux qui ont recours à son service. La ‘pension’ est insuffisante, déclare-t-il, et toute une génération de jeunes gens ont roulé leur bosse ici et ailleurs dans les années 70 sans se soucier à cotiser à une assurance et les employeurs ne déclaraient pas leur travail. On subit les conséquences maintenant, ajoute-t-il.
Et comme par malheur, malgré une apparente robustesse de santé, les médecins lui ont annoncé une mauvaise nouvelle. Opération du cœur urgente, interdit de conduire.
– Priez pour moi.
Ce sera fait.
* Published in print edition on 18 January 2013
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