Quelles solutions envisageables avec le Labour Party à la barre ?
|Opinion
Litige anglo-mauricien sur la souveraineté sur les Chagos
By Prakash Neerohoo
Lors de la rencontre entre le Premier ministre mauricien et son homologue britannique (Keir Starmer) la semaine dernière à Londres, les discussions ont vraisemblablement porté sur le litige entre la République de Maurice et la Grande Bretagne sur la souveraineté de l’archipel des Chagos, un territoire mauricien. Mais en l’absence d’un communiqué officiel sur les résultats de ces pourparlers, on ne sait pas – à ce stade – s’il y a eu un progrès vers la résolution du litige entre les deux parties. Est-ce que l’arrivée du gouvernement travailliste à la barre en Grande Bretagne offre une perspective quelconque pour apporter une solution à ce différend ?
Depuis son détachement du territoire mauricien en 1965 pour être appelé « British Indian Ocean Territory » (BIOT), l’archipel est occupé illégalement par les Britanniques, en dépit de l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ), qui a statué le 25 février 2019 que l’archipel appartient historiquement à l’État mauricien. Cette occupation illégale va à l’encontre de la résolution 73/295 de l’Assemblée générale de l’ONU, qui demandait à la Grande-Bretagne de restituer l’archipel à son propriétaire historique avant le 22 novembre 2019, afin de compléter le processus de décolonisation de Maurice.
Après le vote de l’ONU, le gouvernement conservateur dirigé par Rishi Sunak avait entamé des négociations avec le gouvernement mauricien en vue de trouver une solution au litige, mais ces négociations avaient mené nulle part, surtout après la nomination de David Cameron, ancien Premier ministre britannique, au poste de ministre des Affaires étrangères.
En effet, celui-ci avait remis en question toute velléité de restituer l’archipel à Maurice pour des raisons géopolitiques, dont la nécessité pour les Etats-Unis de continuer à exercer un contrôle sur la base militaire de Diego Garcia pour contrer une prétendue expansion de la présence chinoise dans l’océan Indien. Si l’ancien gouvernement conservateur avait été réélu aux élections du 4 juillet 2024, il n’aurait sans doute pas relancé les négociations bilatérales qui furent interrompues durant la campagne électorale.
Changement de positionnement ?
Le nouveau gouvernement dirigé par le Parti travailliste (Labour Party) apportera-t-il quelque changement à la position de la Grande Bretagne sur la question de souveraineté sur les Chagos ? Un certain espoir est permis même s’il ne faut pas se faire trop d’illusions sur la politique étrangère de la Grande Bretagne. Peu importe le parti politique à la barre (travailliste ou conservateur), la Grande Bretagne a été historiquement un allié fidèle des Etats-Unis. Rappelons que le gouvernement travailliste de Tony Blair avait soutenu l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 2003 (contre l’objection de la France et du Canada).
La solidarité anglo-américaine est particulièrement solide concernant deux questions majeures de la géopolitique internationale, notamment le conflit entre la Russie et l’Ukraine et le conflit entre Israël et l’enclave palestinienne de Gaza. Avant son arrivée au pouvoir, le Parti travailliste dirigé par Keir Starmer soutenait déjà la politique de l’OTAN contre la Russie et la politique belligérante de l’Etat sioniste contre la Palestine.
Cependant, le gouvernement de Starmer a annoncé le 26 juillet 2024 qu’il n’ira pas de l’avant avec l’objection déposée par l’ancien gouvernement conservateur contre toute intention de la Cour Pénale Internationale (CPI) d’émettre un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien pour crimes de guerre à Gaza. Le ministre des Affaires étrangères britannique David Lammy avait déclaré, avant les élections du 4 juillet 2024, qu’un gouvernement travailliste allait respecter toute décision de la CPI en vertu du droit international.
Soulignons que la Grande Bretagne n’a pas encore précisé sa position par rapport à l’avis consultatif de la CIJ (émis le 19 juillet 2024) à l’effet que l’occupation israélienne des territoires palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie est illégale. Le Parti travailliste britannique ne s’est pas engagé jusqu’ici à reconnaitre un Etat palestinien (contrairement à 143 pays membres de l’ONU, dont des pays européens comme l’Espagne, l’Irlande et la Slovénie) afin de ne pas prendre les Etats-Unis à contre-pied.
Si la nouvelle position de la Grande Bretagne par rapport à la CPI présageait un changement significatif en matière de conformité au droit international, cela aurait des implications en ce qui concerne deux questions de décolonisation, notamment l’occupation illégale des Chagos et l’occupation coloniale de la Palestine. Le nouveau gouvernement britannique ne semble pas être pressé de préciser sa position sur la question des Chagos, sachant que les gouvernements dans deux pays qui y ont un intérêt direct (Maurice et Etats-Unis) feront face bientôt à des élections législatives qui, potentiellement, apporteront un changement politique.
Un changement politique à Maurice ne changera rien à la revendication de souveraineté mauricienne sur les Chagos. En revanche, une nouvelle administration démocrate sous Kamala Harris aux Etats-Unis pourrait apporter plus de souplesse dans la politique américaine par rapport à Ia Palestine en favorisant la solution de deux Etats indépendants (Israël et Palestine). Pourrait-on s’attendre à une souplesse semblable dans la politique américaine concernant les Chagos dans la mesure où les Etats-Unis accepteraient de payer un loyer pour la location de Diego Garcia, qui abrite leur base militaire, dans le cadre d’un bail de 100 ans ?
En tout cas, Maurice préfère l’option de location-bail en contrepartie de la restitution de la souveraineté nationale sur l’ensemble de l’archipel. L’épineuse question pour la Grande Bretagne serait de savoir si elle voudrait faire de la décolonisation des Chagos un précédent pour d’autres territoires qu’elle occupe dans le monde, notamment Gibraltar (revendiqué par l’Espagne) et les îles Malouines (revendiquées par l’Argentine).
Maurice a soutenu la cause palestinienne devant la CIJ sur la question de l’occupation illégale des territoires palestiniens. Maurice a un intérêt particulier dans cette affaire parce que la Palestine et les Chagos ont le même statut de territoire occupé par une autre puissance.
Chagos et Palestine, un même combat
Dans une perspective historique, il convient de rappeler les traits communs entre les deux territoires tels qu’ils sont perçus aujourd’hui.
- L’archipel des Chagos fut détaché du territoire national de Maurice avant l’indépendance pour créer le BIOT (British IndianOceanTerritory) et son peuple indigène chagossien fut déraciné et déplacé de sa terre natale. La Palestine fut démembrée en 1948 par la Grande Bretagne (GB) pour créer l’Etat d’Israël et le peuple indigène palestinien a perdu son pays avec l’annexion de 95% de son territoire par l’Etat sioniste.
- Depuis 1968, le peuple chagossien lutte pour le droit de retour aux Chagos. Depuis 1948, le peuple palestinien lutte pour récupérer son territoire annexé.
- L’ONU a passé des résolutions reconnaissant le droit du peuple palestinien à un État. L’ONU a reconnu la souveraineté de Maurice sur les Chagos. La GB et les États-Unis (EU) ne respectent pas les résolutions de l’ONU dans les deux cas.
- La CIJ a donné un avis légal reconnaissant la souveraineté de Maurice sur les Chagos, et elle s’est prononcée contre l’occupation illégale de la Palestine.
- La GB et les EU ne veulent pas retourner les Chagos à Maurice pour perpétuer leur occupation illégale de l’archipel. Ils ne veulent pas un État palestinien indépendant à Gaza et en Cisjordanie pour permettre à Israël d’annexer ces deux territoires occupés.
- Le peuple chagossien est éparpillé entre Maurice et la GB dans l’exil. Le peuple palestinien est éparpillé dans les deux territoires occupés et des pays arabes avoisinants depuis l’exode forcé de 1948.
- La GB et les EU soutiennent le droit du peuple ukrainien à l’intégrité territoriale de son pays mais refusent le même droit de souveraineté aux peuples chagossien et palestinien. Les raisons de cette politique de deux poids deux mesures sont évidentes.
- Dans les deux cas, l’Occident veut préserver ses deux derniers avant-postes du colonialisme dans le monde, l’un dans l’océan Indien et l’autre au Proche Orient, dans sa stratégie de domination du monde.
- L’archipel des Chagos a été vidé de son peuple pour faire de la place à une base militaire. Le peuple palestinien est forcé à quitter sa terre natale à cause d’une guerre impitoyable
- Le combat pour la décolonisation est lent et inlassable. Maurice a choisi la voie légale. Le peuple palestinien a choisi la résistance armée en sus de la voie légale devant la CIJ.
Mauritius Times ePaper Friday 2 August 2024
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