Port-Louis : A redessiner ou à restaurer ?
|La capitale est souvent au centre des débats. Pourtant faire un saut dans la capitale est incontournable pour les habitants d’autres villes et aussi des villages. Ce ne serait pas tant pour les balades et les flâneries comme au bon vieux temps mais pour la tournée des magasins. C’est là que l’on peut espérer avoir plus de choix dans les rues commerçantes – Rues Royale, Pasteur, Bourbon ou La Corderie. Il existe aussi des coins où l’on peut trouver des objets usagés, des objets ménagers pour des foyers qui vivent à l’économie. Et pourtant Port-Louis, que les visionnaires veulent changer en modernisant, manque certainement un marché aux Puces. Presque toutes les villes françaises ont gardé cette tradition dont Paris au Métro Porte de Vanves, Montreuil ou Montpellier à la place des Arceaux.
En juin 2011, un ancien ambassadeur de Maurice en France écrivait dans le journal Le Mauricien : « Port-Louis est la seule capitale au monde qui manque de manière si criante en activités culturelles, éducationnelles et de loisirs. » Le 8 février 2016 dans l’express une native de Port-Louis ne cache pas son désarroi face à une politique de transformation. Et pour cause ! Port-Louis finira-t-elle par devenir un cimetière ? « Une seconde jeunesse » n’équivaut-elle pas à une sorte de peeling, en effaçant ce qui est en surface pour lui donner un nouveau look ?
Il semblerait qu’avec le projet de « smart city » les résidents seront spectateurs d’un lent déclin de certains quartiers. Même si une forte majorité ne conteste pas la nécessité d’une politique d’aménagement urbaine, la crainte d’arracher à Port-Louis son âme subsiste en raison d’une politique de déplacement des bureaux de la fonction publique et des ministères. Déjà, les fortes pluies font fuir les gens de peur de traverser un tunnel, de glisser dans les rues débordées, que restera-t-il alors d’une capitale qui se sent menacée de perdre ses coins pittoresques comme le quartier chinois, le coin du bazar central, et ses rues piétonnes encombrées de véhicules ? Les touristes, se contenteront-ils de centres commerciaux, qui ont rarement ce cachet exotique avec les grandes marques et les gadgets qui les envahissent ?
Tout projet qui vise à redessiner une capitale ne peut être fait à la va-vite, ou dans un but électoraliste. Un débat sera utile pour comprendre ceux qui n’ont pas simplement la nostalgie de leur ancien port, de leur jardin, des maisons créoles avec leur varangue, de leur ancienne salle de cinéma mais qui souhaitent que la capitale soit digne de son passé et de son présent.
Citons l’exemple d’Athènes en Grèce. Les traces sont bel et bien là avec l’Acropole, le théâtre de Dionysos, la chapelle de St George, les anciennes places avec le musée numismatique exposant les anciennes pièces de monnaie et les bijoux des anciens rois et reines. Beaucoup d’anciennes maisons sont conservées.
Tel est le cas de Lisbonne. Le visiteur ne tourne pas en rond dans un marché et des galeries mais se presse pour voir la tour de Belém, le vieux quartier de Santa Cruz et le port où débarquaient les esclaves ou autres voyageurs, et ces vagues que Voltaire a immortalisées dans son livre à succès Candide ; et il ne cache pas son désir de déambuler dans les ruelles et de découvrir le petit train coloré qui malgré son bruit fracassant attire ceux qui ne veulent pas escalader des marches débouchant sur une vue panoramique. Pourquoi ne pas s’en inspirer et remettre une de ces calèches d’antan pour une visite guidée de notre capitale ?
Au Maroc, la ville de Marrakech préserve jalousement ses calèches très tentantes pour circuler d’un coin à un autre et voir l’ancienne ville jouxtant avec la nouvelle. Dans la vieille ville, les étroites ruelles vous transportent dans ce monde des mille et une nuits avec les tapis authentiques des artisans suspendus à même la rue, les sacs et poufs ou autres objets en cuir qui dégagent une odeur d’écurie. La camelote et les imitations se distinguent bien de ce qui est artisanal ou berbère. Ce qui rehaussera l’image de Port-Louis, ce sera une place aussi animée et époustouflante que celle de Jma El Fna dans la Medina avec des femmes assises par terre pulvérisant devant vous le henné alors que, dans le quartier des ferblantiers, les marchands vous proposent de sentir les odeurs des herbes et épices venant des campagnes.
Quel bonheur cela aurait été pour les touristes choisissant notre île comme destination et en quête d’exotisme de ne plus voir du béton, des voitures ou d’autres automobiles en pagaïe à la gare du nord ou la gare de Victoria ? Ce serait tellement plus attrayant d’inviter les natifs à donner la preuve de leurs talents dans un lieu qui n’aurait pas perdu son charme d’antan ?
On tend à croire que notre mer émeraude et les loisirs de grand luxe ou juste les foires à Mer Rouge ou les petites baraques avec des marchands exposant leurs produits près du jardin de la Compagnie et sur la place du port ou ailleurs séduisent les gens. Il leur faut fouler un sol riche d’une culture qu’on ne met pas assez en valeur actuellement. Les talents ne manquent pas puisque des Mauriciens ont bien tenté de faire valoir leur collection dans un musée personnel, leur façon de sculpter, de décorer les mains parmi tant d’autres manières artistiques, et de livrer à une partie de la presse l’artisanat qui en fait leur fierté.
Malheureusement la gare centrale de 1864 avec son premier train et son Café des Cheminots et une idée partielle du patrimoine local ne se découvrent que dans les livres jaunis, les photos du musée de la photographie et dans un calendrier 2015 proposant un voyage dans le temps grâce à une belle initiative de SICOM – bravo à Karuna Obeegadoo.
C’est à croire que nos politiques demeurent à jamais prisonnières des lobbies ; ne se contentant de donner un supplément d’âme à la capitale que pendant une célébration ou une fête. Le reste de l’année, Port-Louis tour à tour baptisé Noordwester Haven par les Hollandais, Port de la Montagne par les Français, Port Napoléon efface peu à peu les figures, les pierres, les ponts ou citadelles qui ont façonné tout un pan de notre histoire.
* Published in print edition on 12 February 2016
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