Temps de Parole
|L’état ferait mieux de s’occuper des affaires du pays et améliorer la qualité de vie des gens et laisser la MBC libre de fournir des informations de qualité au public
Le défilé des intervenants à l’écran pendant une grande partie du journal télévisé suscite quelques interrogations. Le but premier des ‘informations’ locales est d’informer le public sur les sujets d’intérêt général. Jeudi dernier, la MBC a offert tout un bouquet d’échantillons de personnes aux spectateurs. Le micro leur est généreusement tendu – trop souvent pour les spectateurs – pour ressasser le même discours dans un vocabulaire limité et répétitif. La tranche d’âge des interviewés qui ne sont pas encore en mesure de payer la redevance mensuelle, doublée il y a quelques années sans demander l’avis des contribuables, devrait nous faire sourciller.
Entre les 10-11 ans, les 14 ans suivis des 18-20 ans et plus, ils ont occupé l’écran pendant plus de vingt minutes. C’est trop ! Pour qu’ils fassent un compte-rendu de leur expérience de révision, d’examens, de leur doutes, satisfactions, espérances, formations et optimisme en vue de décrocher un emploi. Et le tout dans un débit monotone de mone bien révisé, in pé stressé, mo contan, mo espéré, ti facile, mo krwar ceci cela, mo pa per, mo pou passé etc… des plus jeunes, une litanie reprise par les marmailles de Rodrigues lorsque le spectateur croit être au bout de sa patience.
Un peu plus excités et en pleine croissance hormonale, les adolescents habitués aux selfies et autres préoccupations narcissiques, agglutinés devant la caméra en ricanant ne se font pas prier pour débiter leur part de discours ennuyeux. Leurs aînés, les 18-22 ans, servent aussi un discours assommant sur leur parcours d’étudiant, de stagiaire en formation et de demandeur d’emploi en employant le même débit monotone, ce qui a le don de vous endormir. Une jeune fille, jeudi dernier, a réussi cet exercice de somnifère avec brio.
Résultat des bourdes: nous avons appris à nous équiper pendant ces informations barbantes qui s’éternisent. Merci à la télécommande et à l’ordinateur portable. Coup d’œil sur la chaîne 2 ou 3, parfois plus attrayantes, et liberté de naviguer sur d’autres chaînes pour le plaisir de découvrir les beaux paysages qui peuplent la planète, de zapper sur NDTV pour les amateurs de hindi et les accrocs des nouvelles de l’Inde, de s’informer des innovations scientifiques des jeunes encore scolarisés au niveau secondaire là-bas, d’assister à la bataille pour la survie des animaux sauvages, les interviews sur la BBC, le coup de projecteur de Al Jazeera ou CNN sur le monde.
Nous pouvons aussi porter un regard amusé sur les quelques émissions des chaînes françaises qui ne peuvent s’empêcher de parler de la politique à longueur d’année, de couper les cheveux en quatre pour tout, de discourir inutilement, sans fin, avec une déconcertante énergie. Tous ces débats sont centrés sur l’actualité politique, économique et sociale qui, au final, font peu avancer le « schmilblick ».
Les Français sont imbattables quand il s’agit de parler, parler et parler encore ; c’est une véritable passion chez eux. C’est dire que quel que soit la chaîne, MBC, NDTV, BBC, Al Jazeera, France 2, etc., on ne leur fait aucun cadeau quant au contenu des informations. Public ou privé, il vaudrait mieux conserver l’esprit critique et tenir compte de leur politique audiovisuelle, leurs sources de financement, leur soutien idéologique local ou étranger, la fiabilité et l’objectivité des informations, entre autres. Fin de parenthèse.
Quant à la prédilection de la MBC pour donner la parole aux jeunes, est-ce un moyen de faire du remplissage d’un JT trop long ? Il faut dire que le JT est déjà entrecoupé de publicités agaçantes, les parrains sponsors des informations locales et étrangères. Les meubles loin d’être attrayants et la boisson ‘taste the feeling’ calorifique à valeur sucre ajoutée pour les insulaires diabétiques à outrance vantée par les adolescents, deux produits peu susceptibles de tenter le porte-monnaie. Ou est-ce le reflet d’une politique télévisuelle qui cherche à promouvoir l’importance de l’éducation comme véhicule de transport collectif incontournable vers la mobilité sociale ? Si c’est le cas, ce n’est qu’un aspect de l’éducation qui est dévoilé.
Pour une vision globale, il faudrait orienter la caméra sur les classes surpeuplées de 40 élèves et l’industrie des leçons privées dans les espaces bondés et la manne financière sur le compte bancaire des enseignants sous-taxés par la MRA, le coût de revient de l’éducation gratuite de façade pour les parents. Cette vision partielle nuit même à la politique éducative et évite tout débat pertinent sur le sujet.
Pire que le JT de jeudi dernier, c’est l’invitation aux parents mis à contribution aux informations et ils sont interviewés ainsi que leurs enfants dans l’enceinte de l’école avant et après les diverses épreuves. Trop, c’est trop ! Pour les entendre ânonner comme leurs enfants le même discours répétitif dans un vocabulaire limité imposé par le créole comme moyen d’expression favorisée, généralisée et promue. Peut-il en être autrement quand l’option linguistique est elle-même déficitaire et lacunaire pour permettre une expression libérée et authentique de certaines expériences ?
Tant que l’emprunt à d’autres langues n’est pas vraiment encouragé et qu’adultes et enfants sont coincés et enfermés dans une prison langagière, on assistera à ce spectacle affligeant,…
Si la MBC n’a rien d’autre à proposer devant la caméra, la question des compétences du personnel se pose. Le projecteur est braqué sur les enfants, adolescents et étudiants pour mettre en lumière les mêmes sujets : réussite aux examens et diplôme. C’est discutable. Période d’examens ou pas, c’est quand même exagéré. Ces jeunes sont souvent pouponnés à outrance dans le cocon familial, leur vie et leur énergie prises en otage par le seul souci de passer les épreuves, un exercice cérébral qui ne développe pas forcément l’intellect et la pensée, encadrés par les parents souvent étouffants qui, faute d’autres centres d’intérêt, se braquent sur leurs enfants. Par ailleurs, l’immaturité de certains parents ne garantit aucunement l’évolution positive des plus jeunes.
La surmédiatisation des épreuves qui constituent un rite de passage en quelque sorte et des états d’âme des uns et des autres est susceptible d’en faire des mous et des conformistes dans le sens négatif. Au pire, on contribue à accentuer l’infantilisation des adolescents et à en faire des jeunes adultes ou des adolescents attardés, ce que le milieu familial fabrique inconsciemment au quotidien.
Pour couronner le tout, l’autre préoccupation des informations, c’est de veiller à bien alimenter le volet religieux d’une société décrite comme profondément religieuse et comme il y a des fêtes chaque quinzaine… Quand on connaît la place accordée à l’éthique, au sens moral, à la raison et au rationnel dans la société, et lorsqu’on connaît ce que cache la religiosité supposée des uns et des autres, on s’interroge sur l’usage des fonds publics à faire étalage du fait religieux à l’écran pendant les JTs. Et quid des athées et agnostiques ? Quand on connait l’évolution spirituelle de nombreux prétendants de l’habit religieux, on a envie de rire ou de pleurer…
Le public est en droit de s’interroger sur le montant des frais pour les contribuables lorsque la caméra poursuit les pèlerins dans leur péripétie hors du pays et nous gratifie de leur discours et auto-satisfecit. Il faudrait presque créer une chaîne pour les religions et limiter les informations aux sujets d’intérêt public. L’intervention de l’état qui dicte la politique du JT et qui s’érige en fournisseur d’opium au grand public quand on ne lui sert pas le discours soporifique des jeunes est une catastrophe.
A-t-on déjà vu un journaliste interviewer un écrivain sur le plateau à l’heure des informations ? Ou des artistes ? Ou d’autres qui ont des idées, une vision et des solutions à porter sur les sujets importants ? Des gens qui éclairent l’opinion, éveillent la conscience et enrichissent la réflexion ?
L’état ferait mieux de s’occuper des affaires du pays et améliorer la qualité de vie des gens et laisser la liberté nécessaire à la MBC de fournir des informations de qualité au public.
- Published in print edition on 8 September 2017
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