Travaux parlementaires : spectacle et téléréalité ?
Eclairages
Par A. Bartleby
Avec la rentrée parlementaire, ce sont également les débordements du Speaker qui sont de retour. Et ce dernier n’a pas déçu.
Entre expulsions, ‘naming’ et prises de bec, Sooroojdev Phokeer commence à vraiment maîtriser les armes à sa disposition afin d’entraver le travail de l’opposition. C’est du moins une perception généralisée. Et il ne s’en fait pas prier.
Ces scènes sont devenues tellement communes qu’elles ne choquent plus personne. Pire même, elles sont devenues la raison pour laquelle beaucoup de gens regardent les sessions parlementaires. Ainsi, on s’est retrouvé dans une situation où on aurait réussi à transformer les travaux de l’Assemblée nationale en un cirque qui répond à la logique du voyeurisme de la téléréalité, ce que Baudrillard décrivait comme le théâtre de la médiocrité.
La référence à Baudrillard n’est pas ici hasardeuse. Il avait diagnostiqué de manière remarquable ce qu’allait devenir le monde avec la multiplication des écrans, des images, des réseaux sociaux et de la télé réalité : le miroir de la platitude, de la banalité, de la médiocrité et du degré zéro.
Et c’est exactement ce que nous voyons à l’Assemblée nationale. A l’heure où la télévision et les médias sont de moins en moins capables de rendre compte des événements du monde, nous sommes confrontés à l’effondrement même des standards et des normes sociales et institutionnelles qui permettaient au pays d’avancer.
Le triste spectacle des travaux parlementaires devient ainsi le miroir même de la déchéance du pays. Ce spectacle n’est en rien une exception, mais la confirmation d’un état de fait contre lequel nous n’avons aujourd’hui aucune réponse sérieuse.
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Taiwan, Pékin montre ses muscles
La Chine a immédiatement répondu à la visite de la présidente taïwanaise TsaiIng-wen aux États-Unis en procédant à un exercice d’encerclement de Taïwan.
Pendant trois jours d’affilée, Pékin a ainsi bouclé les 23 millions d’habitants de l’île taïwanaise, avec notamment un blocus aérien. Les États-Unis ont réagi tout de suite en déployant un destroyer dans des eaux revendiquées par Pékin.
Cette réponse pouvait sembler faible au regard des 12 navires de guerre et 91 avions déployés par l’armée chinoise, mais il est essentiel de ne provoquer aucune escalade dans ce genre de situation.
La réalité est que l’armée chinoise montre de plus en plus ses muscles, notamment dans ses zones économiques exclusives (ZEE) et près de celles qu’elle revendique. (Depuis plusieurs décennies, les îles et atolls de mer de Chine méridionale sont l’objet de revendications de la part de pays riverains que sont la Chine, le Vietnam, les Philippines, la Malaisie mais aussi l’Indonésie et le sultanat de Brunei.)
Toutefois cette même armée n’a pas les capacités militaires adéquates pour répondre à la puissance de feu de la marine américaine dans la région. Pas encore du moins, et ce, même si la Chine investit énormément dans une augmentation de ses capacités militaires maritimes.
Et ce bras de fer ne fera que s’accentuer avec le temps, la Chine reprochant aux États-Unis d’avoir trop de bases militaires dans la région nord-ouest du Pacifique, ce qui représente une barrière que l’armée chinoise ne peut pas franchir afin d’avoir une assise plus importante et donc un contrôle accru du Pacifique.
Ce qui est certain, c’est que ce genre d’exercice militaire – totalement décomplexé dans le fait de montrer une volonté belliqueuse revendiquée envers d’autres territoires – n’est pas sans rappeler les manoeuvres de la Guerre Froide entre les États-Unis et l’Union soviétique.
Le jeu d’échec entre les États-Unis et la Chine ne fait que commencer en réalité, et nous devinons que ce genre de situations va se multiplier. Est-ce qu’elles basculeront vers des conflits ouverts ? Seul le temps nous le dira, mais il est certain que nous entrons de plus en plus dans des formes d’instabilité qui risquent de secouer de plus en plus l’économie mondiale.
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L’Argentine au bord du gouffre
Les institutions internationales commencent à tirer la sonnette d’alarme concernant l’économie de l’Argentine. La raison : une inflation qui pourrait dépasser les 100% d’ici quelques semaines.
Cela fait des décennies que l’économie de l’Argentine, la troisième économie d’Amérique latine, derrière le Mexique et le Brésil, se trouve dans une situation compliquée, et ce, malgré le fait que le pays soit riche en ressources. Beaucoup pensaient d’ailleurs que la crise économique de 2001/2002 – où le FMI avait joué un rôle crucial – allait provoquer le changement de culture politique requis afin de permettre au pays d’adopter une gestion saine de ses finances publiques. Mais il n’en fut rien, et l’Argentine se retrouve aujourd’hui en face d’une situation explosive socialement.
À titre de comparaison, l’Ukraine, pays en guerre depuis plus une année, affiche une inflation d’à peu près 25%. Pourquoi donc est ce qu’un pays en paix et qui a des ressources naturelles abondantes se retrouve dans une telle situation ? La réponse est simple : la corruption et la mauvaise gestion publique qui gangrène ses institutions depuis près d’un siècle.
En effet, l’Argentine souffre d’instabilité politique depuis 1930, l’année quand la junte militaire prit le pouvoir politique. Depuis, le pays ne cessa d’alterner une succession de régimes ultra-idéologiques qui ne firent qu’empirer une situation déjà instable. L’accaparement des bien communs, la décadence des institutions, le népotisme, les monopoles économiques, les liens mafieux entre politiques et industriels… sont devenus pratique courante, et participent aujourd’hui entièrement à une situation catastrophique.
Est-ce que cette situation nous servira de leçon à Maurice ? Rien n’est moins sûr.
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Notation de Moody’s
Les opérateurs du secteur financier sont dans une situation complexe. La juridiction mauricienne se porte très bien depuis la sortie du pays de la liste noire des paradis fiscaux de l’Union européenne, mais une dégradation de la note du pays par Moody’s pourrait venir briser la bonne dynamique actuelle.
Moody’s avait abaissé la note de Maurice à un Baa3 l’année dernière, ce qui constitue le dernier palier avant d’entrer dans ce que les spécialistes nomment le « junk status », ce qui avait déjà provoqué l’inquiétude des opérateurs de la finance. Mais cette note n’a heureusement pas eu d’impact négatif sur le secteur, ce qui témoigne de la bonne réputation des opérateurs et de la résilience de ce secteur auprès des investisseurs étrangers.
Mais une nouvelle dégradation de la note de Maurice, ce qui nous ferait basculer dans la moitié « junk status » du tableau de Moody’s, pourrait avoir un impact significatif. En effet, la note Baa3 représente une capacité acceptable de rembourser la dette publique, ce qui envoie le signal que le pays conserve ses capacités à maintenir son niveau d’endettement sans engager ses actifs nationaux.
Passer dans la catégorie des « junk status » signifierait que, selon Moody’s, le pays reculerait sur sa capacité de remboursement de la dette nationale, ce qui pourrait produire des effets dévastateurs sur l’économie nationale et donc sur la stabilité économique et politique du pays.
C’était le cas de la Grèce en 2009. Le pays s’est pris de plein fouet les effets de la crise internationale et a vu son économie plonger dans une crise monumentale à la suite d’une dégradation de sa note. Cela avait provoqué une crise économique qui avait plongé des millions de citoyens grecs dans une pauvreté abjecte, et une crise politique dont les effets se font toujours ressentir.
Maurice n’est pas dans cette situation, mais une dégradation de la note de Moody’s pourrait entamer la confiance des investisseurs étrangers quant à la capacité du pays à maintenir la stabilité qui se trouve au cœur de la réputation du pays auprès des marchés financiers. Et une dégradation pourrait ouvrir la voie à un cercle vicieux qui exposerait notre trop grande dépendance à l’investissement étranger.
Nos gouvernants, depuis plusieurs décennies, ont fait le choix du positionnement de l’économie mauricienne dans la mondialisation financière. Cela a produit une dépendance quasi totale aux ‘Foreign Direct Investments’, qui sont aujourd’hui le pilier de notre économie. Ce modèle ne pose aucun problème du moment que les institutions du pays fonctionnent comme il le faut. Ce modèle force même les institutions à bien fonctionner puisque, dans le cas échéant, tout peut s’effondrer.
Or, c’est exactement ce qui est en jeu ici. Avec une potentielle dégradation de la note de Maurice, c’est le gouvernement qui sera pointé du doigt, puisque c’est la gestion des institutions et des finances publiques qui sont – au regard de Moody’s – en inadéquation avec les standards et les normes imposées par les marchés financiers.
Nous verrons ce que fera Moody’s, mais il est clair que nous nous devons de redresser la barre le plus rapidement possible afin de sécuriser un pilier devenu essentiel à l’économie mauricienne.
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Comment tirer un bénéfice politique d’une situation de précarité constante ?
Numbeo, un think tank dont les études sur les indexes économiques sont très respectées, vient de publier sa liste des pays africains où il coûte le plus cher de se nourrir. Sans surprise, Maurice figure dans le top 10 et occupe la seconde place du classement, derrière le Sénégal et juste devant la Namibie.
Numbeo place le Food Price Index de Maurice à 37.0, le Groceries Index à 41.6 et le Restaurant Index à 32.3. C’est ce deuxième indicateur, le Groceries Index, qui est intéressant puisqu’il est bien supérieur à tous les autres pays du classement. Cela signifie que faire son marché coûte plus cher à Maurice que partout ailleurs en Afrique.
Nous vivons tous l’augmentation constante du coût de la vie. Entre la nourriture, les factures d’énergie et les loyers, la cherté de la vie devient de plus en plus insupportable à Maurice. Cela est dû à deux choses : l’inflation qui reste constante et le fait d’être trop dépendants des importations. C’est même la conjugaison de ces deux facteurs qui fait que certains ménages se retrouvent dans une situation économique précaire. D’un côté, la roupie continue de perdre de sa valeur et, de l’autre, les importations coûtent de plus en plus chères du fait que la roupie perde de sa valeur.
La BOM a bien tenté de stabiliser la Roupie depuis plus d’une année, avec notamment des injections de devises et le fait d’avoir fait remonter le Repo Rate. Mais ces opérations n’ont fait qu’une chose : ralentir la perte de valeur de la roupie. Elles ne l’ont pas arrêté. Ce ralentissement est éminemment politique en réalité. Une chute soudaine pourrait produire le même effet dévastateur sur le gouvernement actuel qu’ont eu les deux dévaluations du début des années 1980 sur le gouvernement de l’époque, alors qu’un glissement lent et contrôlé peut devenir une arme politique en elle-même.
Comment ? Tout simplement en maintenant la majorité des Mauriciens dans une situation de précarité constante, et non dans une situation d’effondrement économique. Dans le second cas, tout gouvernement ferait face à des révoltes mais tout gouvernement est aussi capable d’acheter la paix sociale avec des politiques sociales. Et c’est exactement ce qui est en train de se passer en réalité.
En face de la succession des scandales, le gouvernement jouera entièrement sur le tableau des politiques sociales et des politiques de la gratuité. Augmentation de la pension de vieillesse, augmentation du salaire minimum, gratuité du pré-primaire, allocations pour les factures énergétiques, soutiens en tout genre… La liste des possibilités est longue, et nous devinons que le gouvernement fera usage de toutes les possibilités à sa disposition afin de sécuriser des votes à l’approche des prochaines élections.
Est-ce que ces politiques constitueront des « bribes » ou des pots-de-vin électoraux ? Les futurs perdants, quels qu’ils soient, l’affirmeront haut et fort sans doute. Mais la réalité, c’est qu’en maintenant la population dans un état de précarité économique, les gouvernants sont également en train de rendre les Mauriciens plus susceptibles de se laisser convaincre par des politiques de la gratuité à l’approche des prochaines élections.
Est-ce que les stratèges du MSM sont aussi fins et machiavéliques que cela ? Sans doute pas, mais ils sont très forts à une chose : tirer un bénéfice politique d’une situation défavorable.
Mauritius Times ePaper Friday 14 April 2023
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