Trump, expropriation, Afrikaners et victimisation blanche : Réalité ou manipulation politique ?
Eclairages
Par A. Bartleby
En février dernier, le Président des États-Unis, Donald Trump, a signé un décret exécutif qualifiant les minorités blanches d’Afrique du Sud de “victimes de discrimination raciale injuste” suite à l’adoption d’un projet de loi sur la politique foncière. Selon Trump, cette politique discrimine les agriculteurs afrikaners blancs et constitue une violation des droits humains. Par conséquent, il a ordonné à son administration de donner la priorité à la réinstallation des Afrikaners blancs et de leurs familles aux États-Unis en tant que réfugiés.
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Le Gouvernement sud-africain a fermement démenti toute confiscation de terres ou pratique de discrimination raciale, affirmant que la loi en question cible uniquement les terres non exploitées ou qui ne servent pas l’intérêt public. Ils ont également accusé Trump de déformer la situation en diffusant de la désinformation.
Une rupture des relations entre les États-Unis et l’Afrique du Sud
Trump a également ordonné l’arrêt de l’aide financière américaine à l’Afrique du Sud. Selon Tammy Bruce, porte-parole du département d’État des États-Unis, cette décision repose sur “la loi d’expropriation injuste ainsi que les liens croissants de l’Afrique du Sud avec des pays comme la Russie et l’Iran”. Elle a ajouté que le Gouvernement sud-africain a adopté des positions “agressives” envers les États-Unis et leurs alliés, notamment en accusant Israël de génocide devant la Cour internationale de justice et en renforçant ses relations commerciales et militaires avec l’Iran.
Le débat sur la “victimisation blanche” relancé
Cette initiative de Trump, renforcée par des commentaires provocateurs du milliardaire Elon Musk, a réactivé le débat sur la “victimisation blanche”. Or, cette indignation repose sur une mauvaise interprétation d’une loi récente, l’Expropriation Act, entrée en vigueur en janvier 2025.
Selon Nicky Falkof, professeur à l’Université du Witwatersrand, la notion de “victimisation blanche” repose sur la conviction que les blancs seraient à la fois spéciaux et en danger. Cette perception n’est souvent pas fondée sur des faits concrets, mais sur un sentiment de menace.
Ce phénomène ne se limite pas à l’Afrique du Sud; il est présent partout où la blancheur domine. Il a notamment été exploité politiquement par Trump, dont le slogan “Make America Great Again” fait référence à un passé idéalisé où les blancs, en particulier les hommes, dominaient facilement la société.
L’Afrique du Sud et le mythe de la victimisation blanche
Selon Nicky Falkof, l’Afrique du Sud occupe une place centrale dans les revendications des suprémacistes blancs. Ceux-ci prétendent que les Afrikaners y subissent une oppression qui servirait de prélude à une persécution globale des blancs.
Cette idée remonte à l’époque coloniale. En 1660, l’administrateur de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, Jan van Riebeeck, a planté une haie d’amandiers amers pour séparer son comptoir commercial des indigènes. Cette haie symbolisait la perception des colons comme des victimes devant se protéger des autochtones, alors qu’ils s’étaient installés – eux-mêmes – sur des terres indigènes. Aujourd’hui encore, cet épisode est perçu comme un symbole persistant de la suprématie blanche en Afrique du Sud.
La peur comme outil de mobilisation
La rhétorique de la victimisation blanche a servi à justifier plusieurs politiques et mouvements sociaux en Afrique du Sud. Dans les années 1930, une panique autour des “blancs pauvres” a mené à des programmes de relèvement social qui ne concernaient que les blancs, sur l’idée que la pauvreté était une anomalie pour eux et devait être corrigée d’urgence.
Plus récemment, cette rhétorique a été mobilisée dans la panique autour des meurtres de fermiers blancs et les théories du “génocide blanc”, propagées sur Internet. Bien que la violence rurale soit un problème majeur en Afrique du Sud, les blancs n’en sont pas les seules victimes, affirme Nicky Falkof. Présenter ces crimes comme un génocide racial sous-entend que les morts blanches ont plus d’importance que les autres.
Cette stratégie a été particulièrement efficace pour mobiliser l’opinion publique. Le Parti national durant l’apartheid jouait sur la peur du “swartgevaar” (le “danger noir”) pour justifier la domination blanche. Aujourd’hui, des organisations comme AfriForum et Solidarity entretiennent cette mentalité, présentant chaque changement politique – qu’il s’agisse de la réforme foncière ou du système de santé – comme une attaque contre les blancs.
Le décret de Trump, bien qu’appuyé par certaines figures influentes, repose sur une lecture biaisée de la réalité sud-africaine. Plutôt qu’une réelle persécution des blancs, il s’agit d’un nouvel exemple de la manière dont la peur et le sentiment de victimisation sont instrumentalisés à des fins politiques et idéologiques, tant en Afrique du Sud qu’à l’échelle mondiale.
Une voie singulière pour Maurice
Maurice, ancienne colonie où l’économie reste largement dominée par la communauté blanche, a évité les dérives observées au Zimbabwe et, plus récemment, en Afrique du Sud. Contrairement à ces pays, qui ont eu des politiques de redistribution foncière et ont engendré des bouleversements socio-économiques majeurs, Maurice a maintenu une stabilité enviable.
Cette stabilité est due à plusieurs facteurs : une démocratie solide, un État de droit respecté, une justice indépendante et une presse libre. Ces institutions ont permis d’assurer une transition post-indépendance sans persécution ni expropriation forcée. Bien que des cas de discrimination soient parfois soulevés, ils ne se manifestent pas à l’échelle ou avec la sévérité constatées ailleurs.
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Accès à la propriété par les étrangers : une réflexion nécessaire
Le ministre du Logement et des Terres, Shakeel Mohamed, a soulevé un débat crucial à l’Assemblée nationale le 4 février 2025, lors des discussions sur le discours-programme 2025-2029. Il a insisté sur la nécessité de réévaluer les politiques d’accès à la propriété pour les étrangers, face à une vente massive de terres qui menace l’accessibilité au logement pour les Mauriciens.
Depuis 2017, l’Economic Development Board (EDB) a validé plus de 1 200 transactions immobilières impliquant des acheteurs étrangers, pour un montant total de Rs 19,2 milliards. Cette dynamique, selon Shakeel Mohamed, crée un déséquilibre sur le marché immobilier, contribuant à une hausse des prix qui exclut progressivement les Mauriciens de l’accès à la propriété.
Le ministre a posé une question fondamentale : « Sommes-nous prêts à vendre notre terre aux étrangers uniquement pour de l’argent ? » Il a averti du danger que représente une politique foncière trop permissive, risquant de transformer les Mauriciens en “locataires dans leur propre pays”.
Un défi mondial : l’exemple de l’Espagne
La question de l’accès à la propriété par les étrangers ne se limite pas à Maurice. En Espagne, où les prix de l’immobilier ont augmenté de 48 % en une décennie, le Gouvernement de Pedro Sánchez envisage d’imposer une taxe pouvant atteindre 100 % sur l’achat de biens par des non-résidents hors UE. Cette mesure vise à réguler le marché et à prévenir la spéculation excessive, un problème qui touche aussi Maurice.
Maurice, avec une superficie limitée de 1 860 km², doit gérer prudemment ses ressources foncières. L’expansion des projets immobiliers de luxe sous les schémas IRS/ERS et Smart Cities a réduit la disponibilité des terres agricoles et a accentué l’exclusion des jeunes du marché immobilier.
Le débat sur la question foncière à Maurice n’est pas nouveau. Depuis plus d’une décennie, Mauritius Times a mis en garde contre les conséquences d’une politique foncière trop libérale, notamment dans ses éditoriaux et interviews avec des spécialistes. En 2020, un article intitulé ‘The Land Issue Also Matters’ rappelait déjà l’urgence d’une réforme pour éviter que l’expansion des projets immobiliers de luxe ne prive les Mauriciens de l’accès à la terre. La question des terres de l’Illovo, mal gérée selon plusieurs observateurs, est un exemple de l’absence de stratégie à long terme.
L’augmentation des coûts du foncier a également été pointée du doigt par le journal, mettant en lumière le fait que les jeunes Mauriciens peinent de plus en plus à acquérir un logement. L’échec des gouvernements successifs à instaurer une taxe substantielle sur la conversion de terres agricoles en terrains constructibles a été souligné à maintes reprises.
Vers une nouvelle politique foncière ?
Shakeel Mohamed a annoncé une restructuration de la National Housing Development Company et de la National Social Living Development pour améliorer l’offre de logements sociaux.
Face à la montée des prix et à la raréfaction des terres accessibles, il devient impératif pour Maurice d’adopter des politiques plus strictes. Comme le propose l’Espagne, des taxes sur l’achat de biens par des non-résidents pourraient être mises en place. De plus, la création d’une banque foncière publique pour assurer un accès équitable à la propriété pourrait être une solution viable.
En conclusion, la question foncière doit être abordée avec une vision à long terme. L’objectif ne doit pas être uniquement économique, mais aussi social, afin de garantir que les Mauriciens ne deviennent pas de simples spectateurs d’un marché qui échappe de plus en plus à leur contrôle. Ainsi, Maurice doit continuer à faire preuve de vigilance et d’équilibre dans sa gestion foncière. Protéger l’intérêt des Mauriciens sans compromettre l’attractivité économique du pays est un défi majeur, mais en s’appuyant sur ses institutions démocratiques, l’île Maurice peut tracer une voie unique, à la fois inclusive et prospère.
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Les paiements du futur sont là
Yuan numérique : La Chine défie la domination du dollar
La Banque Populaire de Chine (PBoC) a lancé une initiative révolutionnaire, révélée par Proshare le mardi 25 mars 2025: le déploiement complet de son système de règlement transfrontalier en RMB numérique dans les dix pays de l’ASEAN et six pays du Moyen-Orient. (Le yuan numérique, également connu sous le nom de RMB numérique ou e-CNY – Digital Currency Electronic Payment – est la monnaie numérique de Banque centrale (MNBC) émise par la Banque populaire de Chine.) Cette démarche signifie qu’environ 38% du commerce mondial pourrait désormais contourner le réseau SWIFT, dominé par le dollar américain.
Contrairement à SWIFT, où les transactions prennent entre trois et cinq jours et impliquent de multiples intermédiaires, la monnaie numérique chinoise promet de réduire considérablement les délais de traitement à quelques secondes seulement. Un projet pilote entre Hong Kong et Abu Dhabi a démontré un règlement en sept secondes, avec une réduction de 98% des frais. Cette rapidité et cette transparence remettent en question les cadres dépendants du dollar, en particulier dans les marchés émergents.
Au-delà de la vitesse, les outils de conformité intégrés du RMB numérique attirent l’attention mondiale. Son architecture blockchain applique automatiquement les protocoles de lutte contre le blanchiment d’argent, réduisant les risques de fraude tout en maintenant la traçabilité. Lors d’un autre test entre la Chine et l’Indonésie, un paiement transfrontalier a été effectué en huit secondes, une fraction du temps requis par les méthodes traditionnelles. Cette efficacité a déjà incité 23 banques centrales à participer aux tests de pont, tandis que les négociants en énergie du Moyen-Orient signalent une baisse de 75% des frais de règlement.
Alors que les États-Unis utilisent SWIFT comme outil de sanction contre la Russie, l’Iran et d’autres pays, la Chine a délibérément construit un système de paiement et de règlement alternatif pour le commerce mondial. Le commerce en RMB de l’ASEAN a grimpé à 5,8 billions de yuans en 2024, avec la Malaisie, Singapour et d’autres pays ajoutant la monnaie à leurs réserves de change. La première transaction pétrolière en RMB numérique de la Thaïlande est un autre succès du système, signalant une érosion progressive mais constante de la domination du dollar.
La stratégie de la Chine s’étend au-delà des paiements. Le RMB numérique est intégré dans des projets d’infrastructure tels que le chemin de fer Chine-Laos et le train à grande vitesse Jakarta-Bandung, formant une “Route de la Soie Numérique” (‘Digital Silk Road’) qui associe les flux monétaires aux corridors commerciaux. Les entreprises européennes utilisant le système pour les règlements de transport maritime arctique ont constaté des gains d’efficacité de 400%. Cette fusion des réseaux physiques et numériques représente un défi holistique à l’hégémonie financière occidentale et transcende la simple rivalité monétaire.
Avec 87% des nations désormais compatibles avec le RMB numérique et des volumes transfrontaliers dépassant 1,2 billion de dollars, l’élan du système est indéniable. Alors que les décideurs occidentaux débattent des menaces hypothétiques, la Chine a déployé une alternative fonctionnelle couvrant 200 pays.
Les analystes décrivent le système comme un tournant dans le système de règlement international, où l’efficacité de la blockchain défie les mécanismes lents et coûteux de la banque traditionnelle. Cela signale un changement tectonique dans la finance mondiale, avec des implications profondes pour l’Occident et le dollar américain. En déployant rapidement le RMB numérique dans les économies de l’ASEAN et du Moyen-Orient, couvrant 38% du commerce mondial, la Chine a effectivement militarisé la technologie blockchain pour contester SWIFT et la domination du dollar.
La réduction spectaculaire des délais et des coûts de transaction, combinée aux fonctionnalités de conformité programmables et à l’intégration dans des infrastructures stratégiques comme les Nouvelles Routes de la Soie (‘Belt and Road’), présente une alternative crédible et évolutive au système financier traditionnel.
Pour l’Occident, c’est un signal d’alarme : non seulement la Chine redéfinit les règles de la finance mondiale, mais elle remodèle l’équilibre géopolitique du pouvoir grâce à l’infrastructure numérique. Selon Proshare, “si nous, en Afrique, n’accélérons pas notre propre stratégie de monnaie numérique, nous risquons de perdre à nouveau, tout comme les États-Unis perdent leur emprise sur le système même qui a soutenu leur influence mondiale pendant des décennies et qui se battent maintenant contre tout le monde avec des tarifs douaniers, y compris leurs alliés.”
Les conséquences sur l’équilibre du pouvoir mondial
L’initiative de la Chine avec le yuan numérique représente un changement fondamental dans l’équilibre du pouvoir mondial. En offrant une alternative viable au système SWIFT et à la domination du dollar, la Chine renforce son influence économique et géopolitique. Cette démarche réduit la dépendance des pays émergents à l’égard du dollar américain, leur offrant une plus grande autonomie financière.
De plus, l’intégration du yuan numérique dans des projets d’infrastructures stratégiques, tels que les Nouvelles Routes de la Soie, permet à la Chine de créer des liens économiques et politiques durables avec les pays participants. Cette stratégie renforce son rôle de leader dans le commerce mondial et remet en question l’hégémonie financière occidentale.
Les conséquences pour l’Occident sont significatives. Les États-Unis et l’Europe doivent réévaluer leurs stratégies financières et économiques pour rester compétitifs dans un monde où la Chine joue un rôle de plus en plus dominant. L’adoption du yuan numérique par un nombre croissant de pays pourrait entraîner une fragmentation du système financier mondial, avec des implications potentiellement déstabilisantes.
En Afrique, l’urgence de développer des stratégies de monnaie numérique est cruciale pour ne pas être laissée pour compte. L’adoption de solutions numériques pourrait permettre aux pays africains de réduire leur dépendance à l’égard des devises étrangères et de renforcer leur souveraineté économique.
En résumé, l’initiative chinoise du yuan numérique représente un défi majeur pour l’équilibre du pouvoir mondial, avec des implications profondes pour l’Occident.
* Proshare est un cabinet professionnel axé sur la fourniture de services de recherche et d’information pour combler le fossé entre les investisseurs et les marchés.
Mauritius Times ePaper Friday 28 March 2025
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