Planning and Accountability! Le changement, c’est maintenant ?
|By Vina Ballgobin
« Quand il y a une menace financière qui pèse sur notre République, que font les Mauriciens compétents ? Ils se regroupent et ils discutent. Ils invitent des experts. Ils proposent des solutions à court, moyen et long termes. Ils prévoient des scenarii. Ils ont le « think out of the box » attitude. Et nous, dans le domaine social et humain, que faisons-nous et que disons-nous à part le sempiternel « coum sa mem sa, pas capave fer nanrien » ? Peut-être parce que les drogués ne rapportent rien en termes financiers au pays ? »
A Maurice, nous planifions correctement quand il s’agit d’un événement de haut niveau. Nous dépensons par millions pour des activités banales et d’une inutilité affligeante. Le secteur privé donne avec largesse pour financer les élections mais n’est pas capable d’augmenter le salaire de certaines petites gens car « il y a une crise financière ». Le secteur public propose plusieurs plans pour aider les nécessiteux mais les travailleurs sociaux ne voient rien ou si peu se concrétiser sur le terrain. Les autorités continuent de permettre l’utilisation du drapeau national pour servir en tant que nappe de table, rideau d’inauguration ou comme costume de danse. Si l’on ne peut pas comprendre la valeur d’un des symboles les plus importants de la République, si personne n’est responsable de la gestion de l’argent public, si d’autres préfèrent assurer leur propre enrichissement au détriment du bien-être de tout un peuple, alors a-t-on vraiment la capacité de se soucier et d’œuvrer pour les citoyens de ce pays ?
Les crimes en augmentation : Aujourd’hui, les crimes passionnels sont en augmentation. Les recherches en milieu scolaire démontrent que les jeunes filles se battent dans les toilettes pour un seul et même « collégien ». Par conséquent, il est clair qu’elles ne savent pas communiquer entre elles pour résoudre un problème d’ordre émotionnel. Pire encore, elles considèrent le « jeune homme » comme un objet ou un « bien meuble » convoité. Ce que pense le jeune homme ne compte pas. Seul compte le fait de combler son désir ! Est-ce que la société leur a donné un autre modèle ? Que connaissent-elles à part l’étouffement des enfants à un jeune âge pour « devenir quelqu’un » même si le jeune n’a pas forcement le type d’intelligence requis pour accomplir la tâche demandée ?
Tous les jours, les vols sont monnaie courante en milieu scolaire. La plupart des jeunes « voleurs » ont un comportement similaire à ceux de ces hommes publics profiteurs et malhonnêtes. Ces jeunes n’ont aucun manque financier. Tous les besoins sont satisfaits par la famille mais ils volent car ils veulent encore plus dans une société dominée par la compétition malsaine et l’absence d’éthique d’une bonne partie de la classe enseignante. Les jeunes voudraient imiter ces enseignants qui ne travaillent pas en classe mais qui, en revanche, n’ont aucune honte d’empocher un salaire de l’Etat mauricien à la fin du mois. Les jeunes voudraient « travailler peu, gagner plus comme les enseignants qui font le minimum en classe et le maximum aux leçons particulières. »
Certains jeunes volent des téléphones-portables et ils m’ont expliqué que c’est un « loisir » comme un autre. Un Réunionnais me faisait remarquer qu’à Maurice certains parents considèrent le vol ou la tricherie comme une affaire normale. Le regard de l’étranger nous en dit toujours beaucoup plus que nous ne saurions découvrir par nous-mêmes…
Les maladies mentales en augmentation : Tous ceux qui travaillent avec les jeunes l’ont constaté : les problèmes psychologiques sont en augmentation. Les parents travaillent pour joindre les deux bouts et, dans ce processus de surenchère et « d’avoir plus que le voisin », ils offrent le péché de la gourmandise aux jeunes. Grimper les échelons sur le plan social à n’importe quel prix, même s’il faut tricher et trahir des amis et des membres de sa propre famille, marcher sur le cadavre de l’autre : voilà ce qu’on leur montre même si on ne le leur dit pas ouvertement!
Ne pas leur dire, ne pas leur parler… C’est un mal qui ronge toute la société. Chacun vaque à ses occupations et il nous manque désormais la touche humaine. Les frustrations augmentent de jour en jour chez les jeunes. Ils ont les problèmes habituels de la jeunesse et de l’adolescence. Avant, ils étaient entourés par la famille, le milieu, les voisins. Maintenant, ils ne voient que la gourmandise partout, les gué-guerres et les frictions. Et ensuite, arrive le moment où l’inconscient doit se défendre pour rester sourd à l’idée du suicide. L’on perd le sens de la réalité, l’on se noie dans le monde du mensonge. On invente la persécution par l’autre, le concurrent. C’est une personne vile qui porte atteinte à tout ce que l’on fait, c’est l’incarnation même de la malhonnêteté, c’est l’adversaire par qui tous les maux du monde arrivent et se fracassent sur soi…
Les conflits de personnalités, de cultures, de générations, et une éthique trafiquée : tout pose problème. La situation s’aggrave s’il n’y a personne à la maison et en milieu scolaire pour communiquer ses attentes, ses désirs, ses aspirations. Et la situation empire quand il n’y a personne pour expliquer les valeurs, l’importance de rester soi-même et de faire de son mieux en fonctions de ses capacités, tout simplement… Le jeune est désemparé et il intègre le monde du travail avec cette incapacité à travailler en collaboration et ce désir intense de nuire à l’autre, tout simplement parce que le collègue « bosseur » et « sans parasol » réussit mieux dans ce qu’il entreprend…
Les suicides en augmentation : Bien sûr, il y a des attentes extrêmement élevées de nos jours. Quand un jeune n’arrive pas à la hauteur voulue, « by hook or by crook », il est malheureux et s’exprime à travers la violence verbale, les attaques physiques ou le suicide. Apres tout, qu’ont-ils à perdre dans une société tournée uniquement vers les biens matériels, où les valeurs morales ont disparu ? Nos jeunes souffrent de l’image et du modèle fourni par certains de la classe politique — nous savons tous que les hommes politiques sont choyés et admirés à la mode tiers-mondiste chez nous. Les agissements de certains hommes politiques, parfois à un très haut niveau de la hiérarchie politique, sont décourageants et les jeunes ne voient plus aucune lumière au bout du tunnel. Comment faire pour vivre dans un pays moderne quand certains hommes politiques se comportent plus comme l’homme préhistorique qui tente tout ce qu’il peut pour satisfaire des besoins bassement associés à la gourmandise financière ? L’abus du silence des Mauriciens est en train de porter préjudice à la nation à la longue. Le Mauricien, citoyen ordinaire, ne parle pas mais il n’est plus aussi résilient qu’auparavant: il a recours à l’auto-destruction, le suicide sinon l’homicide. Sont coupables certains hommes politiques, les associations socio-culturelles qui pratiquent le « divide and rule » et les religieux qui ont laissé faire sans réagir.
Les accidents de la route : Les accidents augmentent mais personne ne parle de la disparition de la discipline dans notre pays. Les jeunes ne sont pas disciplinés : c’est certain. Ils foncent toujours pour être le premier « by any means ». Beaucoup diront qu’il est facile de donner des « bribes »… Vrai ou faux, qui sait ? Mais la perception de corruption est si forte que c’est difficile de leur faire entendre raison.
Quand un jeune arrive en milieu universitaire et affirme sans broncher: « A quoi ça sert d’écrire proprement sur une copie ? », il faut être capable de raisonner et de lui expliquer l’importance du sens de la discipline de soi pour les études, la vie quotidienne et la vie en société… Mais combien sont-ils dans le monde enseignant aujourd’hui à avoir cette capacité de leadership pour instiller la discipline chez des jeunes ? Combien de parents ont le courage d’instaurer la discipline à la maison ?
Pourtant, pour ceux qui comprennent, il est facile d’établir le lien entre les accidents de la route et l’absence de discipline : c’est la rupture avec les règles et la norme… Et si l’adviser en charge de ce dossier monte un programme sur la discipline qui passerait aux heures de pointe à la télévision et à la radio ? Ce genre d’émissions devra être répété sans cesse pour avoir un effet positif car les pré-requis n’existent plus : expliquer comment devenir discipliné, pourquoi il le faut pour le bien des enfants et le bien-être de la société…
La drogue : L’ensemble du monde scolaire au niveau secondaire le sait. Le monde syndical le sait aussi. Beaucoup de collèges seraient devenus des points de vente de la drogue… Quelles mesures ont été prises depuis toutes ces années pour communiquer avec les jeunes et stopper ce fléau ? Personne n’a le temps d’en parler. Les parents doivent faire de l’argent et le personnel scolaire s’en tient à son « Scheme of Duties »… et l’on s’étonne ensuite que la vente du « Subutex » et de la « methadone » ait augmenté en flèche ! Somme toute, toute stratégie est bonne pour le gourmand… Tant que cela rapporte gros…
Dans le même ordre d’idées, parlons de la méthadone… La distribution a-t-elle été bien planifiée ? Et s’il n’y a pas assez de personnel qualifié, qu’ont fait les prédécesseurs du ministre de l’Intégration pour former des gens dans ce sens ? Où sont les cours de leadership et de résolution de conflits pour ceux qui doivent faire face à une situation difficile tous les jours en travaillant avec des jeunes en manque ? N’est-il pas temps de créer des « drug-addict clinics » régionaux (comme il y a eu des « flu clinics » dans le passé) pour mieux encadrer les drogués ?
Quand il y a une menace financière qui pèse sur notre République, que font les Mauriciens compétents ? Ils se regroupent et ils discutent. Ils invitent des experts. Ils proposent des solutions à court, moyen et long termes. Ils prévoient des scenarii. Ils ont le « think out of the box » attitude. Et nous, dans le domaine social et humain, que faisons-nous et que disons-nous à part le sempiternel « coum sa mem sa, pas capave fer nanrien » ? Peut-être parce que les drogués ne rapportent rien en termes financiers au pays ? Et le coût social, on n’y pense jamais ? Il est temps que le gouvernement se penche sur ce dossier en vue d’une planification réelle et holistique. Le temps presse… Le changement, c’est maintenant ?
* Published in print edition on 18 May 2012
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